Au Salon de Genève, des autos et des hôtesses

Published 05/03/2016 in Auto

Sur le stand Lamborghini du Salon de Genève, mercredi 5 mars. (AFP)

REPORTAGESur les stands des constructeurs, les jeunes femmes sont nombreuses à faire l’article des derniers modèles.

C’est bien connu, il n’y a pas de femmes dans le secteur automobile. Dans les allées du Salon de l’auto de Genève, des centaines de représentantes du deuxième sexe errent sur les stands : ce sont les hôtesses d’accueil. Les constructeurs les choisissent jeunes, et bien de chez eux, pour défendre leurs penchants nationalistes.

A première vue, tout est question de look. Sur le stand Citroën, les jeunes filles ont passé des uniformes gris, sans décolleté. Un exemple de classe à la française ? «On n’a pas eu de chance cette année. Autant la robe grise, c’était pas rigolo, mais la ceinture turquoise, c’est franchement moche ! Et avec ces ballerines cheap, on s’abîme le dos», peste Julie (1). Avec envie, elle montre du doigt sa collègue de la marque DS. Elle a hérité d’une robe noire distinguée : à véhicule haut de gamme, présentation haut de gamme.

«Tape-à-l’œil» italien et pompom girls suisses

Chez Maserati, on l’a bien compris. De grandes gigues de plus d’1,80 m couvertes de voile noir enchaînent poses lascives et sourires forcés sur les derniers modèles de sportives. Des mannequins ? «Wi, je viens du Brrrésil, c’est mon métier», répond Lucia. «Les Italiens, c’est particulier. Chaque année, ils font dans le tape-à-l’œil», balance une Française. Et ça marche… un peu. Les photographes se pressent sur le stand et se félicitent de leurs clichés, profitant du courage offert par une langue peu parlée. «Qu’est-ce qu’elle est bonne !» De vieux messieurs entretiennent la conversation : «Vous aimez Genève ?» Ça ne parle pas beaucoup voitures. SsangYong ne sait plus quoi inventer : il a embauché une équipe de pompom girls suisses – «six fois championnes du pays» – pour attirer le chaland.

C’est bien connu, les hôtesses ne pompent rien aux derniers modèles conçus. «Les voitures, je m’en fous», «c’est un truc de mecs», «j’ai même pas le permis», balancent des lèvres soigneusement peinturlurées. Il y a bien Marie, petite Suisse aux yeux bleu vif, qui sort des toilettes en parlant tu-tures. Depuis six-sept ans, cette étudiante en traduction se passionne pour les sportives. «Quand je les vois passer dans la rue, je me demande ce qu’il y a sous le capot.» Sa préférée ? La WRX STI Subaru. Elle s’est fait embaucher sur le stand du constructeur japonais pour l’admirer, «en attendant de pouvoir me l’offrir un jour».

«Contredire les clichés»

Cette année, la tendance est donc à l’hôte mâle. Chez BMW et Mini, la moitié des effectifs est masculine. «C’est une question d’égalité des genres, une manière de contredire les clichés», se justifie le jeune David. BMW, constructeur premium, met l’accent sur les compétences de ses hôtes et hôtesses. Le physique n’est pas le premier critère de sélection, il faut d’abord savoir parler français et connaître les rudiments de l’automobile. Les personnes sélectionnées reçoivent ensuite une formation de quatre jours. On a testé : elles parlent effectivement produit, détaillent les qualités techniques des véhicules sans ciller. Puis les jeunes hommes évitent les distractions.

Alors macho, le salon de l’auto ? Un poil. «Ok, je n’y connais pas grand-chose, mais c’est insupportable de se faire traiter en imbécile par les visiteurs», lâche Katherine, d’abord hésitante à se confier. Elle fait valoir son bac +5 en commerce et son bilinguisme. La plupart des «potiches» sont surtout des étudiantes en langues, droit ou lettres à la recherche de quelques centaines d’euros pour joindre les deux bouts. Une brune discrète de Volkswagen se veut rassurante : «Au moins, les clients et journalistes ne sont pas chiants… sauf à la fin des soirées privées. Avec quelques verres de vin dans le nez, les mains se font plus baladeuses.» Sa voisine : «Ça doit être pire pour vous qui êtes de l’autre côté du comptoir. Nous, ils nous parlent peu, on fait partie des meubles.»

(1) Les prénoms ont été modifiés.

Léa LEJEUNE Envoyée spéciale à Genève

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