Colombie : «Cinq ans qu’on n’avait pas assisté à un acte terroriste d’une telle ampleur»

Published 18/06/2017 in Planète

Colombie : «Cinq ans qu’on n’avait pas assisté à un acte terroriste d’une telle ampleur»
Des fleurs ont été déposées dans le centre commercial, en hommage aux victimes.

Attentat

Trois personnes dont une Française ont été tuées, samedi, par une bombe déposée dans un centre commercial d’un quartier chic de la capitale. L’attaque n’a pas été revendiquée. A trois jours de la remise des armes des Farc, la tension est maximale et les spéculations vont bon train.

Ce samedi après-midi, à la veille de la fête des pères, il y avait foule, dans le centre commercial Andino, l’un des plus prisés de la capitale colombienne, dans le quartier plutôt chic et branché de la Zone rose. L’explosion a retenti vers 17 heures. Selon les premiers éléments de l’enquête de la police, l’engin explosif a été déposé dans les toilettes pour femmes au premier étage.

Trois personnes sont mortes, dont Julie Huynh, une jeune française de 23 ans originaire de la Sarthe, qui vivait en Colombie depuis six mois, dans le cadre d’un projet de volontariat dans un collège d’un quartier populaire. Sa mère, avec laquelle elle devait rentrer en France dans les prochains jours, a été légèrement blessée, ainsi que neuf autres personnes.

«Cinq ans qu’on n’avait pas assisté à un acte terroriste d’une telle ampleur», souligne le journal en ligne La Silla Vacía. Depuis 2015, la capitale a été la cible plusieurs fois d’explosions, mais jamais aussi aveugles. L’attaque la plus récente avait été revendiquée par l’Armée de libération nationale (ELN) et avait causé, le 19 février, la mort d’un policier dans le quartier branché de La Macarena.

Samedi, le quartier a été bouclé, le centre rapidement évacué, même si de nombreux acheteurs n’ont pas immédiatement compris l’urgence, par ces temps de paix, en dépit de la fumée et de la panique. Puis, la valse des hélicoptères a commencé. Le président Juan Manuel Santos, en déplacement ce jour-là, est arrivé sur les lieux vers 22 heures. Il a condamné «l’acte vil, cruel et lâche», et promis de tout faire pour capturer les responsables. A l’issue d’un conseil de sécurité, ce dimanche, il a énoncé tous les noms des victimes, main sur le cœur, et a promis une récompense de 100 millions de pesos (30 millions d’euros) pour toute information concernant l’identité des terroristes : «Aucune bombe ne peut vaincre la volonté d’un peuple uni.» Le dirigeant a annulé un voyage à Lisbonne mais maintenu sa rencontre prévue jeudi, à Paris, avec Emmanuel Macron, pour inaugurer l’année «France-Colombie».

Condamnation par les Farc et l’ELN

L’attentat n’était toujours pas revendiqué dimanche matin. Trois hypothèses seraient actuellement étudiées par la police. Les spéculations vont bon train alors que la campagne pour la présidentielle de 2018 a déjà commencé. Il intervient à trois jours de la remise définitive des armes des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), prévue mardi grâce à l’accord signé le 24 novembre (qui a valu le prix Nobel de la paix au Président) : ce texte a mis fin à un conflit de plus d’un demi-siècle, qui a fait des centaines de milliers de morts. L’ELN, le second groupe de guérilla colombienne, en plein pourparlers de paix avec le gouvernement dans le cadre de négociations qui ont débuté à Quito en février, a aussitôt condamné l’acte «exécrable» via son compte Twitter. Le chef des Farc, Rodrigo Timochenko, a fait de même quelques minutes plus tard, exprimant toute sa «solidarité» avec les victimes.

Dans l’histoire de la Colombie, à chaque attentat, ce sont d’abord les guérilleros qui sont montrés du doigt. L’extrême droite, qui reproche au président d’avoir «remis le pays aux terroristes» en signant l’accord avec les Farc, s’est aussitôt déchaînée sur les réseaux sociaux. «Plutôt que le mauvais exemple de l’impunité, la Colombie a besoin d’autorité», a tweeté l’ex-président Alvaro Uribe, qui tente par tous les moyens de saboter les processus de paix en cours, tandis que ses partisans vilipendent «le président des terroristes».

Zones de «transition»

Alors que toute l’actualité colombienne devait ce week-end célébrer la paix, la disparition définitive de la plus ancienne guérilla de la région en tant que groupe armé, cet attentat endeuille un processus compliqué et qui a beaucoup polarisé la vie politique. D’après l’accord signé, les Farc resteront dans les 26 zones dites de «transition», réparties sur tout le territoire, jusqu’au 1er août, date à laquelle l’organisation commencera sa nouvelle vie en politique.

La guerre a effectivement cessé sur la plus grande partie du territoire colombien depuis déjà près de six mois. Mais certaines zones abandonnées par les Farc sont aussi devenues l’objet d’âpres disputes. Et plusieurs groupes armés, dissidents des Farc, issus des paramilitaires et/ou des cartels de la drogue, sèment la terreur dans plusieurs départements. Les organisations des droits de l’homme dénoncent aussi les assassinats de dizaines de leaders sociaux et de militants depuis la signature des accords.

ParAnne PROENZA, correspondante à Bogota

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