William Forsythe en suspens, Ryoji Ikeda en cadences

Published 17/12/2017 in Arts

William Forsythe en suspens, Ryoji Ikeda en cadences
William Forsythe en suspens, Ryoji Ikeda en cadences

Critique

L’installation fluide et poétique du chorégraphe américain à la Villette répond aux saccades de celle du Japonais.

Quiconque a déjà vu un rideau de pluie dans un dessin animé d’Hayao Miyazaki aura une petite idée de l’impression produite, au premier abord, par Nowhere and Everywhere at the Same Time n°2, l’installation du chorégraphe William Forsythe présentée à la Grande Halle de la Villette (Paris XIXe). A savoir, une forêt de hachures blanches qui dansent sur un fond noir, dans un irrésistible mouvement océanique qui donne envie de s’y plonger.

Et s’y plonger, on le peut, en prenant garde à ne faire que frôler les fils où sont suspendus de petits pendules argentés qui brillent comme des coquillages. Cela génère une démarche particulière, précise et résolue, qui s’accélère ou ralentit au gré du rythme de l’installation, et donne l’impression, pas si fausse finalement, de participer à un ballet du maître. On est plus gracieux dans un dispositif de Forsythe, on a le corps plus intelligent. Affleurent toutes sortes de sensations, d’être du bois flotté sur une vague, d’être en apesanteur, porté par le «pshhhh pshhh» des engins du dispositif. Ce qui fait de Nowhere… un «objet chorégraphique» au sens propre, une machine à produire de la danse, comme l’Américain en conçoit depuis les années 90, et comme il en expose actuellement à la galerie Gagosian au Bourget (lire Libération du 13 octobre).

La première incarnation de Nowhere… avait pris place, en 2009, dans le Turbine Hall de la Tate Modern de Londres, mais à l’usage exclusif de danseurs. Cette incarnation-ci, hyper grand public, a une forme de générosité particulière qui se déploie dans le ballet entre contemplation et participation.

Nowhere… est présenté en duo avec la treizième déclinaison du Test Pattern de Ryoji Ikeda, plasticien et compositeur japonais installé à Paris, en face de quoi il fait figure de dispositif résolument lo-fi. La transformation visuelle de signaux sonores délirants, qui forme la matrice du programme informatique Test Pattern, résulte en un développement taille XXL de codes barres noir et blanc s’agitant sur le sol à une cadence folle, au son de bidouillages électroniques emplissant la halle plongée dans l’obscurité. De Miyazaki, on passe directement à la science-fiction, mais les échos entre les deux installations fonctionnent, un peu comme si l’une était le négatif de l’autre (jeux sur le noir et le blanc, translation du 2D en 3D). Ce dont les visiteurs pourront faire l’expérience, s’ils ne craignent pas la crise d’épilepsie.

ParElisabeth Franck-Dumas

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