L’astronaute John Young retourne à la terre

Published 08/01/2018 in Sciences

L’astronaute John Young retourne à la terre
John Watts Young avant la mission Gemini 3, le 8 mars 1965.

Disparition

Avec deux vols Gemini, deux vols Apollo, deux vols en navette spatiale et trois sorties sur la Lune à son actif, ce pionnier de l’exploration spatiale était l’un des astronautes les plus expérimentés de la Nasa. Il est mort à 87 ans.

«Aujourd’hui, la Nasa et le monde entier ont perdu un pionnier» : l’agence spatiale américaine a annoncé ce week-end la mort de John Young, l’un de ses astronautes les plus expérimentés. Avec pas moins de six vols spatiaux à son actif, John Watts Young a participé aux programmes Gemini et Apollo, dans le cadre desquels il a marché et même roulé sur la Lune, mais aussi aux premiers essais de la navette spatiale. Il a succombé à 87 ans des «complications d’une pneumonie».

Le nombre d’astronautes ayant marché sur la Lune et encore vivants aujourd’hui semble fondre de plus en plus vite – rien d’étonnant, vu l’âge respectable de cette génération de légendes de l’exploration spatiale. En février 2016, on a perdu Edgar Mitchell (85 ans), membre de la mission Apollo 14 en 1971. En janvier 2017, c’est Eugene Cernan (82 ans) que pleurait la Nasa : le dernier homme à avoir foulé le sol lunaire lors d’Apollo 17. Ils étaient douze à avoir écrasé la poussière sous leurs bottes d’astronautes. Avec la disparition de John Young, ils ne sont plus que six.

John Young et Michael Collins prennent leur petit-déjeuner avant le décollage de la mission Gemini 10, le 18 juillet 1966. Photo Nasa

Rendez-vous dans l’espace

Pilote de formation, il a volé pour la marine américaine et fait la guerre de Corée dans les années 50, avant de passer pilote d’essai et de candidater auprès de la Nasa pour leur sélection d’astronautes en 1962. Sa carrière décolle vite : trois ans plus tard, il est déjà dans le premier vol habité du programme Gemini, qui vise à mieux maîtriser les manœuvres spatiales en orbite. Ce premier vol spatial (Gemini 3) dure cinq heures seulement, le temps de boucler trois tours de Terre, mais Young s’en sort suffisamment bien pour être nommé commandant de la mission Gemini 10 en 1966.

Là, c’est du sérieux. Il passe trois jours dans l’espace aux côtés de Michael Collins (le troisième homme de la mission Apollo 11, celui qui attendait dans le vaisseau en orbite lunaire pendant que Neil Armstrong et Buzz Aldrin plantaient le drapeau), pour tester et valider la technique du rendez-vous spatial. Objectif : se rapprocher dans l’espace d’un étage de fusée nommé Agena, lancé le même jour mais pas en même temps que le vaisseau Gemini, et s’y amarrer. La manœuvre est répétée deux fois.

L’étage de fusée Agena vu depuis le vaisseau Gemini 10, le 18 juillet 1966. (Photo Nasa)

Objectif Lune

Le 18 mai 1969, John Young décolle à bord d’une fusée Saturn V, dans un équipage composé de trois hommes, direction la Lune… Mais personne n’y posera le bout de son orteil – ce n’est que la mission Apollo 10, répétition générale d’Apollo 11. Tandis que ses collègues Eugene Cernan et Thomas Stafford simulent l’alunissage en s’approchant de la surface dans le module lunaire, Young garde les commandes du vaisseau Apollo (aujourd’hui exposé au Musée des sciences de Londres) et récupère ses camarades par une manœuvre de rendez-vous. La mission s’est parfaitement déroulée, et tous les feux sont au vert pour la mission qui marquera l’Histoire.

Le tour de John Young est finalement venu en avril 1972. Commandant de vol pour la mission Apollo 16, il rejoint la Lune et y collecte 96 kilos d’échantillons rocheux, selon une procédure désormais bien rodée.

John Young remplit son filet de poussière lunaire, le 23 avril 1972, lors de la mission Apollo 16. Photo Nasa

Il est fini, le temps des bonds de lapin dans la faible gravité lunaire : John Young et Charles Duke disposent d’un véhicule motorisé (sur une autre planète que la Terre, on appelle ça un rover) pour engloutir plus de 26 kilomètres en trois jours, en plusieurs endroits proches de la mer des Pluies. On soupçonnait une origine volcanique aux reliefs du site d’alunissage. L’étude des échantillons a permis de prouver que c’était faux. Young et Duke ont également installé sur la Lune un détecteur de rayons cosmiques, des sismomètres et un magnétomètre pour mesurer l’activité sismique de l’astre, la composition de son sous-sol, son champ magnétique…


John Young fait une démonstration du rover pour la caméra de Charles Duke.

Première orbite pour la navette

Fatigué, John Young ? Jamais. Le programme Apollo est arrêté après la mission numéro 17, mais la Nasa continue de compter sur ses talents de pilote pour tester le premier vol en orbite (STS-1) de la toute nouvelle navette spatiale, en avril 1981. Système de navigation, moteurs-fusées pour les manœuvres, ouverture et fermeture du compartiment cargo… Young doit valider pas mal de choses en deux jours, avec son coéquipier Robert Crippen. C’est la première fois qu’un vaisseau de la Nasa abrite un équipage humain pour son premier vol dans l’espace, mais aucun incident n’est à déplorer.

John Young pilote le premier vol orbital de la navette spatiale américaine, le 14 avril 1981. Photo Nasa

Deux ans et demi plus tard, âgé de 53 ans, John Young décolle pour la dernière fois de sa carrière, toujours à bord de la navette spatiale. L’équipage de la mission STS-9 emporte avec lui le laboratoire Spacelab, où l’on réalise des expériences scientifiques en micropesanteur. De fabrication européenne, il est livré gratuitement à la Nasa en échange de places pour les astronautes européens dans les futures missions américaines.

Patron du bureau des astronautes depuis 1974, John Young est resté très impliqué dans les activités de la Nasa jusqu’à sa retraite en 2004, à l’âge de 74 ans. Il a constitué les équipages des missions spatiales, puis a intégré la direction du centre spatial Johnson à Houston au Texas, affecté aux missions spatiales habitées.

John Young a toujours été «profondément convaincu que l’humanité devrait être une espèce multiplanètes. Il disait souvent que si l’on reste trop longtemps sur cette planète, quelque chose va finir par nous détruire, que ce soit un super-volcan ou autre chose», rapporte Andrew Chaikin, auteur d’un livre sur les astronautes du programme Apollo, interrogé par le site Spaceflight Now. L’administrateur de la Nasa Robert Lightfoot salue quant à lui un «sacré ingénieur qui avait une capacité extraordinaire à mettre le doigt sur le cœur d’un problème technique en posant la question parfaite – souvent suivie de son caractéristique “je pose juste la question…”» On se souviendra de ce petit rigolo pour «son assurance, son talent et sa ténacité, promet Lightfoot. Il était en tous points de vue “l’astronaute des astronautes”. Il nous manquera».

John Young fait le malin pour la télé américaine au cours d’Apollo 16, en avril 1972.

ParCamille Gévaudan

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