«Ebdo» sur les rails et déroutant

Published 11/01/2018 in France

«Ebdo» sur les rails et déroutant
«Ebdo» sur les rails et déroutant

Médias

Le premier numéro du mag de l’équipe de «XXI» arrive dans les kiosques ce vendredi. Mais n’a pas convaincu la profession.

C’est peut-être bon signe pour eux. Lors de la soirée de lancement, mercredi à Paris, le premier numéro d’Ebdo a été, derrière les sourires de façade et de rigueur, accueilli fraîchement par les professionnels des médias qui s’étaient déplacés, impatients d’avoir l’objet en main. «Couv moche, sommaire inintéressant, style plat», a-t-on ainsi entendu l’un d’eux trancher, une cigarette au bec sur le trottoir. «C’est ça, la révolution de la presse ?» ironisait un autre au bar. «Pas très végétarien», commentait une dernière, effarée par le choix de publier une recette de «poêlée de palourdes au curry vert».

«Normcore»

C’est peu dire que le petit monde de la presse parisienne – qui ne brille pourtant pas ces derniers temps par sa faculté à vendre des journaux – a été dérouté par la nouvelle création des concepteurs des revues XXI et 6 Mois, encensées pour leur esthétique léchée et leur journalisme de haut vol. Sans doute est-ce parce que ce public urbain surinformé, maîtrisant pleinement les rites et les codes de la presse, n’est pas la cible première d’Ebdo. Tiré à 200 000 exemplaires ce vendredi, il est vendu en kiosque au prix bas de 3,50 euros.

En comparaison de ses aînés XXI et 6 Mois, le magazine se caractérise plutôt, il est vrai, par sa maquette «normcore» (merci à la collègue qui nous a soufflé cet adjectif), son écriture mollassonne et ses sujets de vie très quotidienne. Bien malin qui aurait anticipé lire dans Ebdo une double page enseignant comment transformer son sapin de Noël en lampe de salon. Dans notre vie, on a lu des choses plus excitantes que l’interview du patron de Système U, Serge Papin, gentiment questionné sur ses goûts culturels et leur influence sur sa «conscience sociale». Mais peut-être est-on aveuglé par notre snobisme. Remarquons tout de même que la grande enquête de couverture, consacrée à la SNCF, ne ménage ni la compagnie publique ni son PDG, Guillaume Pepy. Ebdo sait donc aussi être mordant.

«Jachère»

«On s’est donné comme obligation d’être accessible, de parler de façon claire des sujets importants», dit la codirectrice de la rédaction, Constance Poniatowski. «Pas de pose, pas de posture», résume le codirecteur, Patrick de Saint-Exupéry, pour qui «c’est plus facile d’être classe que d’être simple». Et Laurent Beccaria, président d’Ebdo, d’ajouter vouloir aller trouver un «public en jachère» qui a fui une presse nationale devenue trop intimidante pour lui. «Nous voulons faire un journal qui intéresse les gens à leur vie», conclut le président d’Ebdo. Pour équilibrer son gros budget annuel de 13 millions d’euros, le magazine vise 70 000 abonnés (qui, belle innovation, peuvent choisir le tarif de leur abonnement) et 20 000 ventes au numéro d’ici la fin 2019. Un pari raisonnable. Mais audacieux, vu l’époque.

ParJérôme Lefilliâtre

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