«Gorogoa», dans les abymes des vignettes

Published 10/01/2018 in Futurs

«Gorogoa», dans les abymes des vignettes
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Jeux vidéo

Rappelant «Braid», le jeu de Jason Roberts joue des repères spatiaux et temporels du joueur pour l’amener à se perdre dans de somptueuses vignettes.

Au départ, il y a une grande créature multicolore, de type oiseau-dragon, que l’on entraperçoit volant entre les toits d’une ville. Le joueur est invité à dézoomer l’image, affichée dans une vignette au format carré, pour découvrir que par sa fenêtre, un garçon regarde la créature. Il prend un livre et le feuillette jusqu’à y trouver l’image de l’animal en question, accompagnée d’une autre image, celle de deux hommes tenant un bol d’où émergent cinq signes de cinq couleurs différentes. On touche cette image, qui apparaît dans un phylactère au-dessus de la tête du garçon, et la voilà qui s’agrandit. Sans avoir eu besoin d’écrire un seul mot, Gorogoa a fixé l’objectif : collecter ces cinq signes.

Pour l’atteindre, il va falloir se livrer à un jeu exaltant consistant à déplacer les images, à les associer, à les superposer, à les séparer, à les éplucher, à plonger dedans aussi, parfois jusqu’au vertige causé par quatre zooms successifs sur une fenêtre qui était d’abord visible au loin, là-bas. Dans l’aile d’un papillon apparaîtra le motif qui constituera ensuite le cœur d’un décor. Ou bien on allumera une lanterne en déplaçant la vignette qui la représente vers une autre image où brille un astre céleste. Tout cela rappelle l’aspect ludique des mises en abyme dans la peinture. C’est un peu comme si l’on pouvait plonger dans le miroir accroché derrière les Epoux Arnolfini de Jan van Eyck, et qu’à l’intérieur se révélaient un autre espace et une autre époque, menant eux-mêmes à d’autres espaces et d’autres époques.

Conçu et dessiné à la main durant près de six années par Jason Roberts, Gorogoa a la saveur de ces puzzle-games qui poussent le joueur à mobiliser des compétences intellectuelles qu’il ne pensait pas receler. On pense forcément à Braid (2008) et The Witness (2016), les deux jeux du génial Jonathan Blow, salué ici dans les remerciements. Comme eux, Gorogoa est d’une accessibilité totale, laissant le joueur découvrir et comprendre lui-même ses mécanismes. Comme eux, il pousse à questionner sa conception du temps et de l’espace, à laisser son esprit aller pour découvrir que la solution réside parfois dans une hypothèse hautement improbable.

L’aventure court sur deux merveilleuses petites heures. Le jeu est disponible sur ordinateur, Switch et iPhone, mais dans ce dernier cas (qui est aussi nettement moins onéreux), la petitesse de l’écran ne permet pas forcément de profiter complètement de la beauté des images.

Gorogoa, développé par Buried Signal, édité par Annapurna Interactive. Disponible sur Steam, GOG, Switch (15 €) et App Store (5 €).

ParFrantz Durupt

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