Parité : au «Parisien», les femmes journalistes indiquent la direction

Published 12/01/2018 in Futurs

Parité : au «Parisien», les femmes journalistes indiquent la direction
Des journalistes du «Parisien», à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) en juillet 2015.

À chaud

Soixante-dix sept d’entre elles ont symboliquement envoyé leur candidature à un poste de rédacteur en chef du quotidien, dont la rédaction est dirigée exclusivement par des hommes.

L’absence de parité au sein du Parisien-Aujourd’hui en France fait gronder la rédaction. Jeudi, 77 journalistes femmes ont envoyé, à l’occasion d’un mouvement collectif, leur candidature pour devenir rédactrice en chef du quotidien détenu par le groupe LVMH. Une façon de protester contre le caractère exclusivement masculin de la direction de la rédaction, qui s’est renforcé dans la semaine.

Les protestataires ont adressé à la direction des ressources humaines un même texte, que Libération s’est procuré : «Par la présente, je vous soumets ma candidature symbolique au poste de rédactrice en chef. Symbolique car mon profil ne correspond peut-être pas au poste actuellement recherché. En revanche, d’autres femmes en ont pleinement les qualifications. Des femmes aujourd’hui absentes à ce niveau de la hiérarchie de notre journal dont la charge est de donner le cap aux équipes, à travers ses choix éditoriaux.» Elles ont profité d’un appel à candidatures interne pour la prise en charge de l’édition dominicale du quotidien qui s’achevait jeudi, leur offrant l’occasion de marquer le coup.  

Il s’agit d’une «initiative spontanée», explique un membre de la société des journalistes (SDJ) du titre, qui assure ne pas en être à l’origine. «Le truc a grimpé comme ça, sans que l’on n’ait été mis dans la boucle.» L’une des journalistes à l’origine du texte raconte : «Cela a commencé comme une boutade à la cantine mardi, à quatre ou cinq. On se disait que le poste de rédacteur en chef ouvert allait encore être pour un mec et on a eu l’idée de toutes candidater. En en parlant, cela a fait tache d’huile.»

Ce mouvement s’inscrit dans un contexte justifiant d’autant plus sa pertinence. La nomination d’un nouveau directeur adjoint de la rédaction a été officialisée jeudi. C’est un journaliste au Figaro, Jean-Baptiste Isaac, qui a été choisi. A ce niveau hiérarchique, il prendra la place de Jean-Marie Montali, qui a quitté l’entreprise. Les sommets du Parisien sont actuellement occupés par quatre hommes. Le directeur de la rédaction, Stéphane Albouy, est épaulé par trois adjoints : Nicolas Charbonneau, Frédéric Vézard et Pierre Chausse. Contacté par Libération, Stéphane Albouy n’a pas réagi.

«En quinze ans au Parisien, j’ai dû connaître une femme à la direction de la rédaction, poursuit l’initiatrice déjà citée. Actuellement, sur 13 chefs, il y a 12 hommes et une seule femme qui dirige la Parisienne (le magazine féminin du groupe, ndlr). La société avance, mais nous n’avons pas l’impression que le Parisien suive le mouvement. Et puis, la direction de la rédaction signe les éditos du journal, c’est un élément qui compte dans notre démarche.» Des éditos par ailleurs très critiqués en interne. 

«Comment faire vivre un débat salutaire au cœur même d’une rédaction sans pluralité des profils à sa tête?, s’interrogent les auteures dans le texte envoyé à la DRH. Etre une femme n’est pas une compétence, mais être un homme non plus. Et nous répondre qu’elles ne postulent pas à ces postes ne serait pas un argument.» Et de conclure: «Je fais confiance aux personnes qui dirigent le Parisien-Aujourd’hui en France pour promouvoir les talents féminins qui se trouvent au sein de notre rédaction, ou pour aller les chercher et leur donner envie de rejoindre notre grand journal.»

Il est à noter que le Parisien-Aujourd’hui en France a une femme pour directrice générale, en la personne de Sophie Gourmelen. Nommée à ce poste après le rachat du journal par LVMH, elle n’a cependant pas de fonction éditoriale.

Cette fronde féminine doit rappeler au groupe LVMH un autre épisode. En juin 2013, les femmes journalistes des Echos, quotidien également détenu par la multinationale du luxe, s’étaient insurgées contre le même problème et avaient décidé une «grève des signatures». A l’époque, le journal économique ne comportait aucune femme au sein de la direction de la rédaction ou de la rédaction en chef. «On nous dit qu’aucune femme ne correspondait aux profils recherchés ! Les Echos ne manquent pourtant pas de femmes compétentes, motivées et ambitieuses. Mais elles ne sont pas considérées», s’insurgeaient-elles alors.  

Pour dénoncer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes au sein de l’audiovisuel britannique, Carrie Gracie, rédactrice en chef de la BBC en Chine, a, elle, démissionné cette semaine de ses fonctions d’encadrement. Dans une lettre ouverte, la journaliste a pointé le fait que deux des quatre rédacteurs en chef internationaux de la BBC – deux hommes – gagnent 50% de plus que leurs collègues féminines. Sous pression, la chaîne n’a pu que réaffirmer son engagement pour l’égalité salariale.

ParJérôme Lefilliâtre

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