La robe de mariée, pièce maîtresse du vestiaire féminin

Published 03/06/2018 in France

La robe de mariée, pièce maîtresse du vestiaire féminin
Grand Salon du château de Champs-sur-Marne. Robes vers 1850, 1840 et 1853.

Exposition

Visite de l’exposition «Vive la mariée» présentée au château de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) qui retrace l’évolution des créations nuptiales de la fin du XVIIe siècle aux années 30.

Non, ça n’a rien à voir avec le mariage royal de Harry et Meghan à 37 patates qui nous a mis en bouche pour cette visite très glamour, ni la perspective de noces à venir (les nôtres) et d’idées de robe à trouver. Avouons-le, c’est le côté vie de princesse, la fascination pour les pièces de collection, et la curiosité de voir le travail de la commissaire de l’exposition Vive la mariée, Nathalie Harran, qui nous a poussés, un beau dimanche de mai, en cette saison des mariages, au château de Champs-sur-Marne près de Paris.

A chaque salle ses robes

L’exposition que le château – aujourd’hui résidence présidentielle – présente jusqu’en septembre, a ça d’intéressant pour les «princessomanes» qu’elle est double : d’une part, on y découvre les salles du somptueux château aux décors d’oiseaux et de fleurs du peintre Christophe Huet. Et d’autre part, les robes de mariée, authentiques ou recréées avec minutie par Nathalie Harran. A chaque salle sa ou ses robes, des merveilles de taffetas, de satin, de tulle et de dentelles, de broderies, de nuances de blanc, d’ivoire, de crème, des silhouettes avec ou sans traîne. 36 tenues en tout, dont 17 recréées par les mains de la commissaire de l’exposition, sont présentées au rez-de-chaussée. Les originales sont dans les pièces plus privées du haut, dont les volets sont fermés, ce qui ajoute à la féerie. Sissi, sors de ce corps s’il te plaît. A l’étage, on se régale avec les globes de mariée, petites vitrines à souvenirs (couronne, fleurs) apparues vers 1850, qui comprennent aussi des décors, des fleurs en porcelaine ou des miroirs, qui signifient en code marital : l’amour, la prospérité, la fidélité et toutes ces choses. Inutile de dire qu’en sortant, on regarde sa robe de chez Promod avec un certain mépris… Visite des dessous de l’expo dans les pas de la commissaire.

Robe à la française, vers 1730-1750. Jupon et manteau de robe avec décoration de falbalas, pièces d’estomac ornées de dentelle. Engageantes de dentelle. Satin et soie. (Photo Marion Gambin pour Libération)

Celle-là, en tulle plumetis ? Ou alors celle-ci, en organza de soie, avec sa taille à la Sissi soit 45 cm (personne n’y croit) ? L’immense robe à tournure, aussi, doit être seyante. Et cette beauté en crêpe satin… Mon dieu, je ne sais pas laquelle choisir. D’un autre côté, avec une taille à 45 cm, ça ne va pas être simple. Au fil des siècles, le corps, les canons et les modes ont changé, explique Nathalie Harran, historienne, collectionneuse, costumière à son compte (1) qui travaille en cheville avec le château de Champs-sur-Marne et d’autres pour recréer des costumes d’époque et organiser des expositions. Ses pièces sont travaillées dans son atelier de l’Oise, demandent des heures de recherche de tissu, de fouille dans les brocantes, chez les antiquaires, et dans les ventes aux enchères. «Ces robes de mariée sont le troisième volet d’exposition d’histoire en costumes à Champs. Les années précédentes, on avait travaillé sur l’élégance au XVIIIe, de la cour à la campagne, de Louis XV à la Révolution, puis la mode de la Belle époque aux années folles», rappelle celle qui collectionne les robes anciennes et travaille seule les tissus depuis près de 20 ans. Les pièces originales peuvent aller jusqu’à 2 000 euros ou être léguées (c’est rare) par des particuliers. On en voit quelques-unes à l’étage du château, dans le noir pour ne pas les abîmer. «Celles du XIXe et du XXe, sont encore en bon état, mais fragiles. Elles se tiennent parfois très bien.»

Robe à crinoline, vers 1868. Jupe et surjupe ornées de rang de plissés, corsage à basques à décolleté carré. (Photo Marion Gambin pour Libération)

Crinolines et plissés

Les autres, la costumière les refait, avec des matériaux anciens, l’aide de documents historiques et des magazines de mode. «Les tissus unis sont souvent des restes de grands couturiers, ou des magasins de créateurs qui déstockent. Pour les tissus motifs du XVIIIe siècle, j’en ai déniché chez des soyeux de Lyon.» Trois semaines de travail au minimum, comme pour la robe Premier Empire dotée de broderies en motifs d’artichauts, réplique d’une pièce du musée des Arts décoratifs (parmi les plus difficiles à faire avec celle à broderies). Même les robes en coton simple demandent de la recherche pour trouver le bon grammage. Les petites Empire qui collent au corps et dessinent les seins ? A peine trois mètres de tissu, mais pour celles du XVIIIe, on monte à sept mètres. Nathalie Harran a sa préférence. «Dans les robes anciennes, c’est la tournure en satin et dentelle visible sur l’affiche de l’expo. Dans celles que j’ai faites, sans doute la grande crinoline projetée avec le corsage de soirée ou celle de 1868 avec les plissés.» Elle précise : «ce qui est un peu compliqué, c’est de retailler les mannequins pour leur donner la bonne silhouette. 47 cm de tour de taille pour une femme d’1m60, ce sont en gros les standards au XVIIIe siècle.» Avis à ceux qui pensent qu’1m60, ça fait naine.

Robe, vers 1907. Jupe avec applications de motifs floraux, corsage à col montant, plastron décoré de perles et paillettes. Taffetas et mousseline de soie. Ottoman de soie, dentelle mécanique et dentelle à aiguille. (Photo Marion Gambin pour Libération)

En noir et blanc

Pour cette exposition, où l’on voit les robes de très près, il faut être précis dans le détail lorsqu’on a trouvé le costume intéressant qui va raconter quelque chose. Mais alors pourquoi des robes de mariées ? «Le thème fait rêver. La robe de mariée est un détour intéressant qui permet aussi de raconter les modes de tous les jours, parce qu’elle les suit littéralement. Robes à paniers, celles portées sans corset, port de la crinoline, elles suivent les tendances. Il n’y a pas de mode spécifique aux robes de mariées. Je suis partie de la fin du XVIIe, pour finir aux années 30, pour montrer la variété de styles de la robe de mariée a été très variée.»

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On suit donc le corps des femmes au fil des pièces du château, puisque la présentation est chronologique. Les années 20 sont très minces, les femmes ont porté des corsets dès l’enfance, la taille est donc menue (le mot est faible). On voit nettement ensuite que le corps s’est modifié, qu’on a arrêté de se déformer et qu’avec l’arrivée de la mode du sport, la taille n’est plus marquée. Deux siècles auparavant, au XVIIIe, en plus de porter des chaussures impossibles, les femmes arboraient des corps à baleines, le buste était de forme conique, la poitrine relevée en hauteur et un peu écrasée, le dos très étroit, on se tient droite. Au siècle suivant, on a une farandole de corsets, de tissus, de fanfreluches, de dentelles. Et cette robe de mariée noire ? «A la campagne, la robe de mariée est réutilisée pour différentes occasions, enterrements, fêtes, le dimanche, etc.»

Robe noire vers 1867. Jupe à crinoline et corsage ajusté. Satin et soie. Etole en «blonde» (dentelle et soie). (Photo Marion Gambin pour Libération)

«Le blanc est symbole de pureté»

La robe de mariée varie ses nuances de couleur, rappelle l’historienne : «Depuis la Renaissance, le blanc est symbole de pureté. Il s’impose peu à peu, surtout à partir du Premier Empire, car alors le coton blanc est partout à la mode. Et dans la famille impériale, il y a eu plusieurs mariages en blanc». Avec la nuance que «que la soie est plutôt couleur ivoire, plus ou moins foncée, car il n’y a que le coton qui est vraiment blanc, ou alors les tissus synthétiques à partir des années 30.» La soie est brochée et à petits motifs. Au XIXe siècle, la mode est à l’ivoire et au satin. «Cette nuance ne s’impose vraiment partout qu’au début du XXe siècle, avec le modèle de la mariée bourgeoise, poursuit Nathalie Harran. Pour les gens plus modestes, on porte une robe neuve de couleur plus ou moins inspirée du costume régional, ou du noir, quand on veut faire plus chic, ou encore, une couleur unie si la femme est plus âgée ou qu’elle se remarie.»

Nous voilà pointus sur le dossier mariée. A part les expositions de robes, Nathalie Harran voudrait créer «un musée permanent du costume historique qui n’existe pas encore en France. Le projet m’avait été demandé, mais c’est tombé à l’eau, alors maintenant je cherche une ville ou un site qui aurait un bâtiment inexploité pour le mettre en valeur et profiter de l’intérêt actuel du public pour la mode, le costume et l’histoire». Et les robes de fée…

Robe, vers 1928. Robe plongeante avec traîne, encolure, ceinture basse et poignets soulignés de dentelles perlées. Crêpe et satin de soie. (Photo Marion Gambin pour Libération)

(1) https://www.ladamedatours.com/ Elle a reçu le label EPV (entreprise du patrimoine vivant) en 2017, attribué par l’Etat aux entreprises qui possèdent un savoir-faire artisanal d’excellence.

Vive la mariée, exposition jusqu’au 12 septembre au château de Champs-sur-Marne, 31, rue de Paris 77420. 8 euros l’entrée, déguisements fournis à l’entrée si on a envie. 

ParEmmanuèle Peyret

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