L’équipe de Belgique, un système caméléon

Published 09/07/2018 in Sports

L’équipe de Belgique, un système caméléon
Les Diables rouges, pendant leur hymne national à l’occasion du match Belgique-Brésil.

Analyse

Contre le Brésil, les Diables rouges ont su adapter leur jeu. Une flexibilité qu’ils pourraient remettre à l’œuvre contre les Bleus.

«Une marque de fabrique ? Je ne crois pas. On ressemble pas mal à l’équipe de France. Comme eux, on a les qualités pour varier notre jeu», analysait le latéral belge du PSG Thomas Meunier vendredi, après la victoire de sa sélection contre le Brésil, tandis que lui commençait à réaliser qu’il ne serait pas de la partie en demie, suspendu pour cause de carton. «Comme les Français, on peut aussi bien jouer la possession que le contre, poursuivait-il. Physiquement on a pas mal d’impact, on a de la taille, on peut être dangereux sur phases arrêtées… On a une richesse qui nous permet de nous adapter à chaque adversaire, même si la France a un groupe exceptionnel, mieux organisé, plus solide sur le plan défensif que le Brésil, dont on avait pu identifier des failles. Deschamps mène bien sa barque.»

Lézardes

Il ne faut pas croire discerner là la cachotterie feinteuse d’un compétiteur masquant son jeu : ni Meunier ni même son sélectionneur, Roberto Martínez, ne savaient vraisemblablement vendredi soir quelle forme épouserait leur Belgique lors de la demi-finale contre la France. Par-delà les ajustements relatifs à l’adversaire du jour, la suspension du latéral n’arrange à vrai dire personne : ni le joueur, frustré de rater pareille affiche, ni son sélectionneur, qui devra adapter ses plans en faisant sans doute évoluer à droite un joueur plus accoutumé à l’autre côté du terrain (Nacer Chadli), ni Didier Deschamps et son staff, dont on sait qu’ils travaillent à longueur de journée à scruter les possibles lézardes de l’édifice adverse – mais encore faut-il savoir deviner comment celui-ci pourra bien se présenter.

Dans un Mondial où le football de possession, devenu la norme majoritaire depuis dix ans chez les grandes nations (Espagne et Allemagne en tête), a été essentiellement mis à mal, il est vraisemblable que ces deux équipes si labiles s’ingénient l’une et l’autre à s’abandonner le ballon pour mieux miser sur la brillance de leurs transitions offensives éclairs – la France avait procédé ainsi lors de la victoire contre l’Argentine, dont Deschamps devrait reconduire le schéma et les acteurs. A quoi pourront bien ressembler sur le terrain les politesses mutuelles de deux équipes cherchant chacune à se défausser sur l’autre de la domination du cuir pour mieux la prendre à revers ? On n’est pas loin d’en faire l’objet de curiosité premier du match.

Arrivé en poste il y a deux ans (et, passé une défaite inaugurale contre l’Espagne, invaincu depuis 24 matchs : 19 victoires et 5 nuls), Martínez avait alors séduit les suiveurs des Diables rouges par son discours de flexibilité, marqué par l’ambition de rendre son équipe apte à changer de système à tout moment. Très vite, pourtant, il s’était entiché d’un système peu académique (le 3-4-3 : trois défenseurs, quatre milieux, dont les deux latéraux, et trois attaquants), qui lui permet d’aligner et mettre en valeur de concert la plupart de ses stars. Et, son équipe alignant les records, il n’en avait presque plus varié. Contre le Brésil, son 4-3-3, inédit et propice à libérer De Bruyne et Lukaku des rôles qui leur incombent d’ordinaire, a pris tout le monde par surprise, à commencer par la Seleção, ventilée en une mi-temps. «Ça s’est fait en peu de temps, nous révélait Eden Hazard à la sortie du stade. Il y a eu une courte séance tactique importante, la veille du match. Ça a suffi pour qu’on arrive sur le terrain en sachant ce que l’on devait faire.»

Ours

Martínez retentera-t-il pareil coup improvisé contre la France ? On ne lui connaît que cette certitude, qui relève de la mystique, martelée chaque fois que l’on est venu l’entendre parler ces dernières semaines : pour gagner une Coupe du monde, mieux vaut l’avoir déjà remportée auparavant, «sans quoi c’est plus difficile de se dire qu’on peut le faire, ça reste un peu abstrait». Or, quelquefois placés, jamais premiers, les Belges n’ont rien gagné sur un terrain de foot, sinon une médaille d’or olympique en 1920. C’est l’une des raisons pour lesquelles le sélectionneur s’est adjoint l’ancien international français Thierry Henry. «[Henry] a gagné une Coupe du monde comme joueur, il apporte cette connaissance qui nous intéresse», redisait jeudi l’Espagnol : pour abattre l’ours, il préfère partir à la chasse accompagné de l’homme qui l’a vu en 1998. Et qui, sous le même maillot que Deschamps, en avait alors eu la peau.

ParJulien Gester, Envoyé spécial à Saint-Pétersbourg

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