Hulot ou un bigorneau, rien ne changera

Published 04/09/2018 in France

Hulot ou un bigorneau, rien ne changera
Passation de pouvoir entre Nicolas Hulot et François de Rugy, mardi, au minist-re de la Transition écologique.

Analyse

Le ministère de l’Ecologie restera un portefeuille fantoche tant que le capitalisme court-termiste sera le modèle économique dominant.

Mardi dernier, dans son fracassant testament radiophonique en forme de cri d’alarme (Libération du 29 août), Nicolas Hulot l’a martelé : tout seul, un ministre de l’Ecologie, aussi sincère, déterminé et populaire soit-il, ne peut rien. Rien du tout. Tant que le sommet de l’Etat et les rouages de nos institutions censées défendre l’intérêt général seront aux mains des lobbys servant des intérêts privés, il ou elle aura au mieux «un peu d’influence», comme l’a dit Hulot, mais «pas de pouvoir».

Tant que le capitalisme financier mondialisé dictera sa loi, et même si ce dernier fait mine de se repeindre en vert, le business as usual mortifère perdurera sans vergogne. Tant que les grandes banques et les multinationales de l’agrochimie ou des énergies fossiles imposeront leurs objectifs de maximisation du profit à très court terme au mépris du climat, de la biodiversité, de la santé humaine et donc de l’avenir même de notre civilisation à brève échéance, peu importe qui remplace Hulot. Le problème n’est pas la personne qui se trouve à ce poste impossible qu’est celui de ministre de l’Ecologie. Qu’il s’agisse de Hulot, d’une plante verte, de François de Rugy, d’un bigorneau ou du pape, le résultat sera le même. Kif-kif. Rien ne changera, ou si peu. Et l’écologie perdra la plupart des arbitrages. La loi mobilités, maintes fois repoussée et vidée cet été de l’essentiel de sa substance, risquera d’oublier le vélo et les transports en commun et de ne pas taxer le transport routier de marchandises qui demeure, après l’abandon de l’écotaxe poids lourds, exonéré de toute contribution quant aux externalités qu’il produit. La programmation pluriannuelle de l’énergie risque, elle, de ne pas acter noir sur blanc le nombre de réacteurs nucléaires devant fermer sous le quinquennat. La France risque de ne pas défendre le verdissement de la politique agricole commune, de ne pas réduire véritablement l’utilisation des pesticides. Le gouvernement risque de ne pas consacrer de budget suffisant à la rénovation thermique des logements, un chantier pourtant essentiel. Etc.

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L’ancien ministre l’a aussi répété mardi dernier : au-delà de l’organisation de l’Etat, ce qui cloche, ce qui nous mène dans le mur et que les chefs d’Etat doivent corriger de toute urgence, c’est le modèle économique dominant. Pendant que «la planète est en train de devenir une étuve, que nos ressources naturelles s’épuisent, que la biodiversité fond comme la neige au soleil», Emmanuel Macron, Edouard Philippe, comme tous les dirigeants de la planète, pensent croissance, PIB, relance de la consommation… Bref, dixit Hulot, «on s’évertue à entretenir, voire à réanimer un modèle économique marchand qui est la cause de tous ces désordres». Et alors que «l’enjeu écologique est un enjeu culturel, sociétal, civilisationnel, on ne s’est pas du tout mis en ordre de marche pour l’aborder comme cela». Hulot l’a dit : au-delà du ministre de l’Ecologie, c’est l’ensemble du gouvernement, l’industrie, l’économie, le budget, les transports, l’agriculture qui doivent «porter, incarner, proposer, inventer une nouvelle société économique». Et au-delà de ce changement profond nécessaire à la tête de l’Etat, puisque «la responsabilité est collégiale, collective, sociétale», c’est l’ensemble de la société, nous tous, qui devons «changer de paradigme», nous «hisser au-dessus des querelles habituelles» pour «être à la hauteur du pire défi que l’humanité ait jamais rencontré».

Puisqu’il y a fort à parier que la nomination de François de Rugy ne signe pas un sursaut écolo à la tête de l’Etat, c’est à la société civile de se réveiller massivement et de peser de tout son poids. Ces dernières années, c’est grâce à elle, à sa pression sur le politique, que les forages de gaz de schiste ne transforment pas l’Hexagone en fromage suisse. Ou que l’usage des néonicotinoïdes, comme le glyphosate, a été (certes encore trop peu) freiné. L’unique espoir est là.

ParCoralie Schaub

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