«Agir», la droite qui y croit avec modération

Published 16/09/2018 in France

«Agir», la droite qui y croit avec modération
Franck Riester et Alain Juppé, dimanche à Montévrain (Seine-et-Marne), au congrès fondateur de la formation Agir.

Récit

La formation lancée dimanche par Franck Riester pour s’émanciper de la ligne dure de Laurent Wauquiez est tiraillée entre lancer une liste autonome et s’allier à LREM.

Vouloir «agir» n’empêche pas de réfléchir… A l’occasion de son congrès fondateur à Montévrain (Seine-et-Marne), ce parti «de la droite constructive» constitué d’ex-LR séduits par le chant des sirènes macronistes s’est à nouveau défini comme «proeuropéen, libéral et humaniste», et se demande déjà ce qu’il va devoir faire lors des européennes. Cette formation, clairement de centre droit et présidée par Franck Riester, député de Seine-et-Marne élu à l’occasion de ce congrès, hésite à présenter une liste autonome, hors du parti de Laurent Wauquiez, ou bien à participer à un grand rassemblement, l’«axe central» évoqué par Alain Juppé. Agir aurait même pu rédiger une petite annonce : «Jeune start-up politique collaborative, prête à sauver l’Europe toute seule, n’exclut pas partenaires – bonne moralité exigée – pour y parvenir.» Elle a déjà trouvé deux parrains de poids, deux anciens Premiers ministres, Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé, qui avaient fait le déplacement dans ce centre sportif près de Marne-la-Vallée, bordé de champs de maïs. L’ancien sarkozyste Frédéric Lefebvre, un des cofondateurs d’Agir, a mis les pieds dans le plat : «J’appelle la droite passionnément attachée à la liberté européenne et humaniste à bâtir les contours d’un engagement avec le centre et avec l’actuelle majorité d’Emmanuel Macron. Ce grand rassemblement, le président de la République le souhaite ardemment et sincèrement», a déclaré l’ex-député des Français de l’étranger, qui a célébré «l’excellent Premier ministre, Edouard Philippe». Et d’enfoncer le clou : «Croire à la possibilité d’une liste autonome, c’est une bulle de rêve.»

«Chapelles». En bon centriste, canal historique, Jean-Pierre Raffarin, qui participait le week-end dernier au déjeuner organisé à Bordeaux autour d’Alain Juppé avec bon nombre de personnalités LR opposées à la ligne Wauquiez, s’est montré plus mesuré. Au moment où le chef de l’Etat connaît une forte baisse dans les sondages, le Poitevin a appelé «à ne pas s’aligner derrière Emmanuel Macron, même si nous souhaitons qu’il réussisse». Et Raffarin d’ajouter : «Nous ne rejetons pas ce qui a été le pacte fondateur de l’UMP, mais nous ne voulons pas être complices d’une dérive droitière de la droite.»

Cette réunion bordelaise n’avait pas tranché entre les deux lignes possibles pour la famille centriste de LR. Et pour cause, les sondages ne créditent une liste autonome Agir que de 2,5 % des intentions de vote. Sous les 3 % pour être remboursé. «Ne nous leurrons pas. Nous nous situons aujourd’hui dans un trou de souris. Nous ne sommes pas macroniens et nous devons d’abord réunir toutes nos petites chapelles, a précisé l’ancien ministre et sénateur Claude Malhuret. Demain, Wauquiez va chercher à jouer les rassembleurs, à additionner toutes les sensibilités LR en faisant croire qu’il a changé sur l’Europe. Il sera alors très dur pour Pécresse de se mettre en dehors du mouvement». Dans son discours de clôture, Franck Riester a lui aussi «condamné la dérive identitaire, autoritaire et populiste de LR», pointant que «son nouveau président flirte toujours plus dangereusement avec les idées de la droite extrême». Le patron d’Agir n’entend pas pour autant «dissoudre [son] ADN dans celui d’En marche, un parti fourre-tout».

Voix. Alain Juppé a pour sa part joué les sages en rappelant les grands thèmes sur lesquels devrait être menée la bataille des européennes qui ne doivent, selon lui, pas «se transformer en référendum pour ou contre le président de la République, pour ou contre le gouvernement». Mais l’ex-Premier ministre, décidé à faire entendre sa voix, est conscient «que la seule chose qui intéresse les observateurs, c’est de savoir quelle liste nous allons soutenir. Ça, c’est l’affaire des partis et je ne suis plus dans un parti. Mais si j’avais envie d’adhérer, je ne serais pas insensible à votre campagne d’adhésion». Manière de mettre doucement la pression sur le patron de LR.

photo Denis Allard pour Libération

ParChristophe Forcari

Print article

Leave a Reply

Please complete required fields