Jair Bolsonaro au pouvoir, l’Amazonie au désespoir

Published 30/10/2018 in Planète

Jair Bolsonaro au pouvoir, l’Amazonie au désespoir
La déforestation affecte le tamarin lion doré, vivant au Brésil.

Analyse

L’élection du président brésilien ouvre la porte à une exploitation intensive par l’agro-industrie de cette immense forêt, habitat fragile de nombreuses espèces.

L’élection de Jair Bolsonaro, dimanche, est une très mauvaise nouvelle pour le coq-de-roche, le ouistiti pygmée, le singe-araignée ou le dauphin rose, et pour l’humanité en général puisque l’Amazonie est la réserve d’oxygène de la planète. Le nouveau président brésilien est en effet bien décidé à autoriser l’insatiable agro-industrie à exploiter des terres jusqu’à présent protégées. Sa première victime potentielle est l’Amazonie, la plus grande forêt tropicale du monde, qui s’étend sur neuf pays (dont la France) mais dont la majeure partie (63 %) se trouve au Brésil. La déforestation prive de leur habitat les espèces animales et végétales, les condamne à la disparition et entraîne d’autres fléaux : pollution, ravinement des sols…

Scénario immuable

Les territoires habités par des communautés indigènes ou des descendants d’esclaves sont sanctuarisés, mais pour combien de temps ? Jair Bolsonaro a manifesté son intention de revenir sur cette politique de protection, et d’ouvrir l’Amazonie à l’exploitation minière. Selon le principe qu’il est absurde de se priver d’importantes ressources pour sauvegarder une poignée de «sauvages». Le scénario est immuable : de grandes compagnies éliminent la couverture végétale, vendent le bois et consacrent les terres devenues vierges à l’agriculture intensive ou à l’élevage. «La déforestation a explosé en Amazonie dans les années 90, note Alexandre Müller, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), qui a passé plusieurs mois en 2016 dans un village du Pará, dans le cadre de ses études. Ces exactions étaient permises par l’absence de l’Etat. A partir de 2004, le défrichage sauvage a diminué grâce aux politiques menées par le président Lula et sa ministre de l’Environnement, Marina Silva.»

Nouvelles terres

Pendant une dizaine d’années, des opérations spectaculaires ont été lancées par la police ou l’armée contre les fronts illégaux, et d’importantes amendes infligées aux contrevenants. «Pourtant, ajoute le chercheur, Lula avait conclu des alliances avec les lobbys de l’agro-industrie. A partir de 2012, cette baisse se stabilise, et les déforestations ont repris en 2016, quand Michel Temer est arrivé au pouvoir.» Avec l’élection de ce nouveau chef de l’Etat, les inquiétudes sont vives. La sortie de l’accord de Paris, par lequel le pays s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, n’a plus l’air à l’ordre du jour. Mais il semble acquis que le ministère de l’Environnement disparaîtra, pour être rattaché à celui de l’Agriculture. «Bolsonaro a souvent cité Luiz Antônio Nabhan Garcia, président de l’Union démocrate ruraliste, qui semble être sa référence en matière d’agriculture», ajoute Alexandre Müller. Mauvais augure, puisqu’il s’agit d’un porte-parole de l’agro-négoce, avide de s’implanter sur de nouvelles terres gagnées sur la forêt.

L’entrée en fonction du nouveau président, le 1er janvier, pourrait être le feu vert pour défricher en toute impunité. Pourtant le Brésil n’est pas seul en cause. «On ne peut pas montrer du doigt un seul pays en oubliant ceux qui achètent ses productions», souligne le chercheur. Et ils sont nombreux : le Brésil est le deuxième exportateur mondial de soja et de ses dérivés, et il figure parmi les dix premiers exportateurs de sucre de canne, de café, de porc et de poulet, de cellulose de bois… Autant de matières premières en grande partie issues du saccage des forêts. La France est elle-même un important acheteur d’OGM brésiliens (soja, sucre), notamment pour l’alimentation du bétail et de volailles nourries aux aliments transgéniques.

ParFrançois-Xavier Gomez

Print article

Leave a Reply

Please complete required fields