Pour Macron, contrition et concertation

Published 09/12/2018 in France

Pour Macron, contrition et concertation
Le président Emmanuel Macron, le 2 décembre 2018 à l’Elysée.

Analyse

Avant son allocution, qui s’annonce décisive, le chef de l’Etat rencontrera toute la journée des responsables syndicaux et politiques.

Faire publiquement l’aveu d’un échec. Montrer qu’il a compris les ressorts de la détestation dont il est l’objet tout en proposant de vrais gestes sur le pouvoir d’achat. Emmanuel Macron prononcera ce lundi soir un discours crucial. Un moment de vérité qui décidera sans doute de sa capacité à poursuivre ce quinquennat.

«La manière va radicalement changer», pronostique le maire LR de Poissy (Yvelines), Karl Olive. Avec une quinzaine d’autres élus de son département, ce juppéiste, familier de Matignon, a passé plus de trois heures, vendredi soir, dans le bureau du chef de l’Etat. Il en est ressorti convaincu que ce dernier était «lucide» sur la profondeur de la crise et donc sur l’ampleur des changements nécessaires. Fondateur de Génération terrain, association d’élus locaux qui se veulent «pragmatiques», Olive avait été invité à l’Elysée à la suite de l’envoi d’un SMS dans lequel il conjurait Macron de s’appuyer sur les maires «en prise quotidienne avec les gilets jaunes».

Mea culpa. «On lui a dit notre exaspération de voir tout tomber de haut, sans aucune concertation», raconte-t-il. Pendant une heure et demi, Macron a écouté, sans dire un mot, le long catalogue des fautes dénoncées par ses invités : les emplois aidés supprimés, les APL rabotées, les intercommunalités imposées, les députés déconnectés et, bien sûr, cette haine anti-Macron qui déborde sur les ronds-points de France. Ce long pilonnage a été suivi d’un échange de près de deux heures au cours duquel le chef de l’Etat a reconnu quelques «conneries», comme la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes. Mais il a surtout, raconte le maire de Poissy, fait le constat que son gouvernement avait «confondu vitesse et précipitation». Avant de s’adresser aux Français, Macron a souhaité – «dans ce moment grave que traverse la nation» – entendre lundi matin les présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale et des associations d’élus ainsi que les responsables syndicaux et patronaux. Au moins autant que sur les annonces pour améliorer les fins de mois, Macron est attendu sur son mea-culpa à propos de ce qui a été perçu comme des marques d’arrogance et de mépris, tant à l’égard des classes moyennes et populaires que des corps intermédiaires. Tous ceux, en somme, qui n’auraient pas voulu comprendre que sa politique de réforme à la hussarde était la seule possible pour réussir la transformation du pays.

«Bienveillance». De nombreux marcheurs attendent du chef de l’Etat qu’il renoue avec la promesse «participative» du candidat Macron. «On voulait faire de la politique autrement, changer les pratiques. On s’est perdu en route», constate le député LREM Jacques Maire, rappelant que plusieurs élus de la majorité avaient prévenu, dès juillet, que «la taxe carbone ne passerait pas». Il souligne l’engagement de certains «parlementaires expérimentateurs», «totalement invisibles au niveau national», qui partagent leurs expériences sur «le lab des députés LREM». Lors de son élection, le 1er décembre, le nouveau patron du parti Stanislas Guerini s’est fixé comme priorité de renouer avec «l’ADN» d’En marche qui avait fait de «la bienveillance sa marque de fabrique». De toutes parts, dans la majorité comme dans l’opposition, on attend de Macron qu’il fasse preuve de «considération et d’humilité».

Au temps de sa splendeur jupitérienne, à l’automne 2017, le jeune président français faisait l’éloge de «l’héroïsme politique», seul moyen de renouer avec «le grand récit» qui permettra aux classes moyennes de croire de nouveau «au progrès pour elles-mêmes et leurs enfants». Les principaux intéressés n’ont manifestement pas cru à cette promesse mise en œuvre, en toute verticalité, depuis l’Elysée. Avec les gilets jaunes, ils ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas attendre l’hypothétique succès de cette entreprise dont l’héroïsme leur a manifestement échappé.

ParAlain Auffray

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