«La balle au panier» : quand le basket a débarqué en France

Published 22/12/2018 in Sports

«La balle au panier» : quand le basket a débarqué en France
Illustrations extraites du journal «Le Matin» du 13 février 1922.

Retronews

A son arrivée en France, au début du XXe siècle, le basket est considéré comme un sport féminin et se fait encore appeler «balle au panier».

Comment un sport naît-il, puis se développe au point de devenir une pratique mondialisée ? Quels obstacles, quels débats rencontre-t-il ? Le basket-ball est un exemple frappant : pendant l’hiver 1891, dans le Massachusetts, le professeur de gym James Naismith occupe ses élèves avec deux paniers à pêche à 3,05 mètres de hauteur, un ballon, et treize règles. Un siècle et quelque plus tard, LeBron James empile les dunks devant des millions de téléspectateurs.

En France, parmi les premières mentions du basket dans la presse, un encart dans le journal le XIXe Siècle en 1901, pour la création d’une section dans l’Association philomathique de Paris : «Jeu de basket-ball (balle au panier – ce jeu, qui nous vient d’Amérique, est très attrayant par ses règles toutes spéciales : par exemple, il est interdit de donner des coups de pied au ballon et de bousculer un adversaire).»

Dans le Figaro du 31 août 1921, on explique les spécificités de ce «nouveau sport» arrivé récemment dans l’hexagone : «Le dernier-né des sports athlétiques est le basket-ball, inventé par les Américains, importé et propagé par eux pendant et après la grande guerre.» Pour le quotidien, «le succès de ce jeu tient à ce que ses règles précises en font un sport peu violent, au matériel simple, auquel il est possible de se livrer hiver comme été dans un hall comme en plein air.»

Un sport considéré comme féminin

Rapidement, la presse semble voir dans le basket-ball un sport plutôt féminin, comme le Matin, qui, dans son édition du 13 février 1922, vante les mérites de la «balle au panier», «un passe-temps agréable qui convient parfaitement aux jeunes sportives».

«A votre tour mesdemoiselles : lancez la balle au panier !» : l’Excelsior du 20 novembre 1937, informe que «l’un des plus gracieux des sports féminins, le basket-ball, sera en honneur, aujourd’hui et demain, au stade Pierre de Coubertin à la porte de Saint-Cloud».

Cette vision du basket comme sport majoritairement féminin provoque des débats. Dans l’Intransigeant du 2 mars 1927, la charge du journaliste Robert Perrier est virulente : «Que le basket-ball soit un sport qui convienne parfaitement aux besoins de l’éducation physique de la femme, j’en suis d’accord bien que je regrette le tort que la balle au panier des jeunes filles peut causer au véritable sport que doit être le basket-ball.» Il reproche même aux femmes de «démonétiser tout sport auquel elles s’adonnent, parce qu’il est dans leur nature même de ne pouvoir le jouer comme il faudrait. Et je ne leur en tiens pas rigueur.» Il propose ainsi des réunions sportives non-mixtes où le basket serait joué «en privé, devant un public de femmes qui ne comprennent le sport qu’avec leur esprit féminin», avant de conclure que si le basket fut décrié, c’est «parce qu’il était surtout pratiqué par de braves petites sportives qui faisaient tout ce qu’elles pouvaient… mais qui ne pouvaient pas grand’chose.»

«Balle au panier» ou «basket-ball» ?

Autre débat qui agite le monde du basket en ce début de XXe siècle : le nom de la discipline. Faut-il garder la dénomination «balle au panier», en vigueur depuis l’arrivée de la pratique en France, ou «basket-ball», le terme originel plus largement employé par les pratiquants ? Dans le journal la Presse du 12 novembre 1922, on argue que «le mot panier n’est pas sportif ! Et puis, au fond, il n’y a pas de raison pour dire plus balle au panier que balle au pied. On a toujours dit football, ou rugby, ou tennis – ce sont des sports qui ne sont pas nés en France – pourquoi les débaptiser ?»

Dans l’Auto en 1927, on se demande d’ailleurs si «l’emploi en France des termes sportifs anglais est en dégression» en allant interroger Armand Thibaudeau, secrétaire général de la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France. La FGSPF est l’une des rares fédérations à conserver le terme de «balle au panier» pour qualifier le basket-ball : Thibaudeau l’explique par le fait que le sport et toutes ses règles ont été directement importés par la fédération, dès 1910 et sans rien changer ou presque. Seul le nombre de joueurs par équipe a été modifié, passant de sept à cinq.

Finalement, c’est l’appellation «basket-ball» qui s’imposera au fil des décennies, et ce sport, pourtant réputé féminin dans ses premières années, est désormais pratiqué en majorité par les hommes, même s’il reste le premier sport collectif féminin en France en nombre de licenciées. Au 16 avril 2018, la Fédération française de basket comptait ainsi au total 668 312 licences enregistrées, dont 250 000 environ l’étaient par des femmes.

ParAdrien Franque

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