«Alien Crystal Palace», fou artistique

Published 22/01/2019 in Cinéma

«Alien Crystal Palace», fou artistique
«Alien Crystal Palace» oscille entre le kitsch des années 90 et de vraies fulgurances de mise en scène.

Critique

Fantaisiste et obscur, le film d’Arielle Dombasle est à voir comme une fête mondaine entre divinités égyptiennes et guest-stars.

En quatre films, dont le meilleur à ce jour reste Opium (2013), Arielle Dombasle a bâti une filmographie des plus étranges et improbables, à la mauvaise réputation imméritée. Les ricaneurs s’en donneront à nouveau à cœur joie face à ce conte ésotérique mêlant divinités égyptiennes, mythe de l’androgyne, giallo, imagerie pop et guest-stars en tout genre. Formellement, ça oscille entre le kitsch des années 90 et de vraies fulgurances de mise en scène. On pense successivement à Zulawski, aux films de Robbe-Grillet dernière manière (Gradiva, avec Dombasle) ou à un suédage du Lucifer Rising de Kenneth Anger. On pourrait continuer longtemps cette litanie qui dirait combien Alien Crystal Palace est à la fois aberrant et généreux, sauvagement cultivé et profondément fantaisiste.

Joie

D’un côté, celui du bon goût et du rationalisme, ça ne tient certes pas. Le film part dans trop de sens, esthétiques, narratifs, mystiques, pour qu’il soit possible d’y croire en quoi que ce soit. Mais il y a là, dans cette accumulation jusqu’à saturation, une indéniable vitalité et un enthousiasme de bricoleur qui, si on en accepte la part délirante, procure un plaisir devenu plutôt rare : celui d’assister au déploiement d’une joie créatrice où tous, devant et derrière la caméra, semblent s’amuser comme des fous.

Au fond, Dombasle n’aime mettre en scène qu’une chose, ici comme dans les étranges rendez-vous de Chassé-croisé (1982), les sectes mexicaines des Pyramides bleues (1988) ou les amours opiacées de Cocteau et Radiguet (Opium) : le monde réduit à des représentations, des rituels, des fêtes. Ici, la cérémonie a d’abord ses complices et maîtres – Nicolas Ker, qui signe la musique tout en tenant le premier rôle masculin (aussi exaspérant que touchant en écorché gainsbourien) et Michel Fau, meneur de jeu asexué et immortel. Puis, il y a la ribambelle d’invités. Ça va de Jean-Pierre Léaud (en dieu Horus) à Christian Louboutin, d’Asia Argento (impayable lorsqu’elle annonce que «le beaujolais nouveau est arrivé») au photographe Ali Mahdavi (formidable acteur excentrique), de Théo Hakola au galeriste Thaddaeus Ropac.

Oui, c’est très mondain. Mais d’une mondanité sans cynisme, où le dandysme s’accompagne du plaisir enfantin de se déguiser, où l’absolue absence de peur du ridicule apparaît comme un comble de générosité, où le champagne sert à digérer les peurs contemporaines entre deux rires angoissés, tandis que tout puritanisme est balayé par le vent de partouze qui souffle entre chaque regard et réplique.

Ivresse

On remarquait la semaine dernière à quel point Eva Ionesco peinait à reconstituer dans son dernier film les légendaires soirées du Palace des années 80. En fait la véritable résurrection de «l’esprit Palace» a lieu dans ce bien nommé Alien Crystal Palace où ne manquent même pas les vrais Louboutin et Vincent Darré. C’est d’abord ainsi qu’il faut le voir : comme le prolongement joyeux d’une fête d’un autre âge, d’une ivresse anachronique. En ce qui concerne son sens profond, spirituel et philosophie, tout fut résumé en une phrase par la réalisatrice lors d’une présentation du film au Luminor : «J’aime le côté Marvel de la vie.»

ParMarcos Uzal

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