Jean Nouvel se dit «traumatisé» par le contrat de la Philharmonie

Published 18/06/2015 in Culture, Design&Archi

Jean Nouvel à la Galerie Gagosian au Bourget en octobre 2012. REUTERS/Charles Platiau (Photo Charles Platiau. Reuters)

RÉCITL’architecte de la Philharmonie de Paris a répondu aux critiques dont il avait fait l’objet quant à l’explosion des coûts de construction.

Le 14 janvier, la Philharmonie de Paris était inaugurée en grande pompe mais en l’absence de son architecte, Jean Nouvel. Le même jour dans le Monde, il expliquait que son architecture était «martyrisée» et les détails «sabotés». Convaincu donc que les travaux n’étaient absolument pas finis et que le bâtiment ne respectait pas ses plans initiaux, Jean Nouvel avait boycotté son inauguration.

Quelques mois après, jeudi 18 juin, Jean Nouvel prend la parole au cours d’une conférence de presse de plus d’une heure et demie dans son agence parisienne. Se présentant comme un «homme traumatisé, muselé par un contrat qui [l]’a empêché de dire quoi que ce soit» et voulant «en finir avec les idées reçues», il a affirmé, devant une trentaine de journalistes invités par un communiqué de presse lundi dernier : «Je me suis permis de rompre le silence une première fois mais sans parler de ce qui se passait à l’intérieur. […] Mes avocats m’ont dit que je pouvais parler maintenant, avec la distance.»

«Sabotage»

Jean Nouvel explique que de nombreuses modifications ont été apportées par la maîtrise d’œuvre à son idée initiale, telles que le retrait de la majeure partie du bois de la salle principale ou encore le refus de créer le voile blanc acoustique qu’il avait pensé. Il qualifie tous ces changements de «sabotage» de son projet initial : «Ce qu’on veut faire croire, c’est que c’est moi qui ai changé les plans avec mes lubies, mais c’est eux qui ont changé.»

Souvent pointé du doigt et désigné comme responsable de l’explosion du coût de construction de la Philharmonie (financée à 100% par de l’argent public, à 45% par le ministère de la Culture, à 45% par la ville de Paris, et à 10% par la région Ile-de-France), l’architecte se défend en expliquant qu’il y a eu dès le départ une fausse estimation du prix (200 millions d’euros), dont le but était de faire passer le projet à Bercy. Jean Nouvel qualifie cette sous-estimation de «première des malhonnêtetés». Il explique ensuite : «Si je voulais construire ce type de programme, j’étais obligé de signer. Dès 2007, on a rendu le vrai prix», qui était de 250 millions. Le prix actuel est de 386 millions, mais «ce n’est pas le même projet», selon Jean Nouvel.

Il revient également sur l’ouverture «prématurée» de la Philharmonie en janvier qu’il qualifie «d’inconscience sécuritaire» et qui, selon lui, a entraîné de nombreux coûts d’accélération. «Le problème posé est celui de l’utilisation de l’argent public : qui va payer, qui va nous dire le prix, qui va le contrôler ?»

«Je ne renie pas ce bâtiment à 100%»

L’architecte revient également sur le processus d’éviction et le «véritable bashing» dont il a été victime. Il affirme : «On nous a refusé la coordination, le pilotage a été confié à un prestataire extérieur. […] La plupart des ouvrages ont été faits en dehors des visas de l’architecte. […] Le maître d’œuvre a de moins en moins voulu que nous soyons au courant du prix du bâtiment. […] C’est dur de piloter un chantier dans ces conditions.» Il parle «d’attaques préméditées contre l’architecte» dont le «pouvoir est totalement nié». «Ce qui m’arrive arrive à de plus en plus d’architectes en France.» Souvent critiqué pour la complexité de ses réalisations, l’architecte, qui n’a aucune envie de prendre la responsabilité de tous ces mois de retard et du surcoût de la construction, nie toute «prouesse technique» dans son projet qu’il ne considère pas comme complexe.

Il a conclu en expliquant : «Je ne renie pas ce bâtiment à 100%, je le défendrai jusqu’au bout. C’est l’exécution de tout ça qui pose problème. […] Si on me permet de corriger ce bâtiment pour qu’il soit digne, j’irai jusqu’au bout.» Même si pour lui, cela relèverait du «miracle».

Juliette Mitoyen

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