Les palais secrets du Premier ministre russe

Published 03/03/2017 in Planète

Les palais secrets du Premier ministre russe
Le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, dans sa résidence secondaire officielle, en banlieue de Moscou, le 31 décembre.

Histoire

L’opposant Alexeï Navalny révèle dans une nouvelle enquête un empire immobilier à la tête duquel se trouverait Dmitri Medvedev.

Le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, le binôme de Vladimir Poutine depuis 2008, à la fois son dauphin et son prédécesseur, ne serait pas seulement un Premier ministre docile et insipide, amateur de gadgets et d’Instagram, photographe à ses heures perdues. Dans sa dernière enquête, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK) de l’opposant Alexei Navalny accuse le chef du gouvernement russe d’avoir érigé un petit empire immobilier, financé par les oligarques russes, via des fondations caritatives dirigées par ses camarades d’université et autres cousins. Chalet de luxe à Sotchi, résidence sur la Roublevka (banlieue des riches à côté de Moscou), hôtel particulier à Saint-Pétersbourg, vignobles en Russie et en Toscane, deux yachts… Medvedev serait l’un des «fonctionnaires les plus riches du pays».

Dans une vidéo de 50 minutes, Navalny présente lui-même les résultats de l’enquête, extraits de cadastres et images aériennes par drones à l’appui. Tout a commencé par le piratage de la boîte mail de Medvedev par des hackers russes, révélant l’achat en ligne de chaussures de sport dernier cri et chemises bariolées, dans lesquelles le Premier ministre se pavanait ensuite sur des photos publiées sur son compte Instagram. L’e-shopping se faisait sous un nom et une adresse d’emprunt. C’est ainsi que le FBK est tombé sur un premier frontman, puis un deuxième. En déroulant le fil, le FBK a finalement tissé une toile reliant hommes de paille et oligarques graisseurs de patte, fonds caritatifs et sociétés offshore, qui œuvreraient tous à l’enrichissement personnel du Premier ministre. Le principal organisateur de ce réseau serait Ilya Eliseev, le directeur-adjoint de Gazprombank, et camarade de fac de Medvedev.

Hors champ…

«Medvedev peut voler autant et aussi ouvertement parce que Poutine fait la même chose, mais à une échelle plus grande, et parce que tous les membres du gouvernement font de même, comme les chefs des tribunaux, du parquet et des services secrets. Ils deviennent tous millionnaires grâce à la corruption», conclut Navalny, en appelant les spectateurs à voter pour lui en 2018. La porte-parole de Dmitri Medvedev, Natalia Timakova, a immédiatement dénoncé «une attaque de propagande d’un opposant condamné» par la justice, à un an de la présidentielle. Le juriste quadra s’est spécialisé dans les enquêtes sur la corruption des élites russes, et a fini par devenir la principale figure d’une opposition étouffée et aux abois. Depuis qu’il a pris son envol politique, au lendemain des législatives contestées de 2011, il est poursuivi pour détournement de fonds, dans une série de procès, qu’il dénonce comme politiques. 

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Les enquêtes de FBK, pour impressionnantes et alarmantes qu’elles soient, demeurent confidentielles car les médias officiels les passent sous silence. Qui plus est, ce dernier rapport ne résiste pas à l’argument juridique, préviennent les experts, car tous les biens cités ont été légalement acquis ou transférés, tandis que le nom de Dmitri Medvedev n’apparaît nulle part. «Le recours aux sociétés à but non lucratif ou ONG permet de bénéficier d’un vide juridique dans la législation russe. En l’occurrence, un schéma légal permet de s’approprier des fonds illégaux, explique Ilya Choumanov, de Transparency International, à Meduza.io. Mais si Medvedev doit se justifier un jour, il invoquera le cadre juridique, en laissant les enjeux éthiques hors-champ.»

ParVeronika Dorman

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