Corées : «Je ne peux pas m’empêcher d’être ému dans ce lieu historique»

Published 27/04/2018 in Planète

Corées : «Je ne peux pas m’empêcher d’être ému dans ce lieu historique»
Le leader nord-coréen Kim Jong-un et le président sud-coréen Moon Jae-in, le 27 avril 2018.

rencontre

Kim Jong-un et Moon Jae-in ont échangé une longue poignée de main chaleureuse en enjambant la ligne de démarcation entre les deux Corées soixante quinze ans après la fin de la guerre.

D’abord, des images étonnantes. Des visages, des femmes et des hommes derrière des portes vitrées. Il va arriver. Tout le monde l’attend. Il est 9h30. Grâce aux caméras du sud, nous sommes devant le bâtiment Panmun-gak dans la partie nord de la ligne de démarcation. La porte s’ouvre, des hommes de la sécurité –costumes sombres et cheveux ras, chemises blanches et cravates bleues – s’avancent. Il est derrière. Dans la salle de presse installée en banlieue de Séoul, une acclamation sourde : Kim Jong-un. Dans son costume sombre et rayé, il descend les marches, encadré par sa garde rapprochée.

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Au sud, le président Moon Jae-in patiente entre les baraques bleues où fut signée l’armistice de la guerre de Corée le 27 juillet 1953. Kim marche, arrive tout sourire devant Moon. C’est la première rencontre entre les deux dirigeants. «Je suis heureux de vous voir», dit le Sud-coréen. «Je ne peux pas m’empêcher d’être ému au moment où nous nous rencontrons dans ce lieu historique. Et c’est aussi très émouvant que vous, monsieur le Président, soyez venu à Panmunjom, sur la ligne de démarcation, pour m’accueillir», lui répond Kim dont les propos sont rapportés par l’agence de presse Yonhap. Leur poignée de main est saluée par des applaudissements au niveau de la ligne de démarcation et par les journalistes sud-coréens. Elle est chaleureuse, longue et ponctuée de remerciements de Kim et de bienvenue de Moon.

Le moment attendu arrive. Kim franchit pour la première fois la ligne de démarcation et pose ses pieds au sud. Poignée de main à nouveau pour les photographes du nord. Puis, demi-tour pour être face à ceux du sud. Et après, il y a ce moment incertain et symbolique qui semble échapper au protocole très minutieusement mis en place par Séoul et Pyongyang. Un habile moment de flottement.

«Une nouvelle histoire commence maintenant»

En se lançant vers la Maison de la paix où doivent se tenir les discussions, Kim marque un temps d’arrêt et se retourne vers le nord. Moon stoppe. «Vous êtes venus au sud, je me demande quand je pourrai aller au nord», dit le chef de l’Etat du sud selon le récit de Yoon Young-chan de la présidence sud-coréenne. «Et si nous traversions la frontière à nouveau ?», a alors décoché Kim à Moon. A ce moment, le président sud-coréen semble hésiter. L’échange dure 5 secondes peut-être, juste le temps d’un sourire surpris chez Moon et d’une certitude enjouée affichée par Kim. Cet arrêt dans la cérémonie scrupuleusement millimétrée est un grain de sable bienvenu. Contre toute attente, Kim prend par la main le président sud-coréen (a-t-il vu Donald Trump tirer Emmanuel Macron par la main la veille à Washington ?) et l’emmène au nord. Ainsi, les deux chefs d’état vont et viennent par-dessus la ligne de démarcation. Besoin d’un autre symbole fort pour enterrer une année de menaces, de tweets, de tirs et de conflit ouvert ?

Après la revue de la garde, le salut des délégations. Kim est notamment accompagné de Kim Yong-nam, président du presidium de l’assemblée et de Kim Yo-song, la sœur du dirigeant de Pyongyang. Ces deux proches de Kim représentaient déjà la Corée du nord de la Cérémonie d’ouverture de JO de Pyeongchang en février. Puis les deux hommes, pénètrent dans la Maison de la paix de Panmunjom, ce bloc de béton et de verre bâti en 1989 que les Sud-coréens viennent de restaurer pour la rencontre. Là, Kim, un peu essoufflé, signe le livre d’honneur avec un crayon que lui tend sa sœur : «Une nouvelle histoire commence maintenant, au début de l’histoire et d’une ère de paix», écrit Kim.

Puis, les deux hommes avec leurs délégations se sont enfermés dans la salle de réunion pour une première séance de discussions. Dans le compte-rendu et les quelques captures vidéo, c’est un climat de franchise et d’ouverture qui transparaît avec des premiers engagements. «Je veux dire devant le président Moon et de nombreux journalistes que je participerai à de bonnes discussions avec un état d’esprit honnête, sincère et franc pour produire de bons résultats», a déclaré Kim Jong-un. En exprimant sa gratitude au dirigeant nord-coréen, Moon Jae-in a indiqué qu’au «moment où le président Kim a traversé la ligne de démarcation militaire, Panmunjom est devenu un symbole de paix, pas un symbole de division.»

Selon les grandes lignes rapportées par le conseiller du sud Yoon Young-chan, les deux leaders ont multiplié les signes de rapprochement vendredi matin, parlant de «relations à restaurer», d’échanges à multiplier, de «blessures à soigner». Kim s’est dit prêt à aller à Séoul, à la Maison Bleue, l’Elysée sud-coréen.

On est dans le symbolique et le sympathique. Mais le politique n’est pas complètement absent. Les deux leaders semblent être allés plus loin que les belles déclarations à en croire la présidence sud-coréenne. Kim souhaiterait un nouvel accord, plus engageant et «différent à ceux du passé dont les résultats n’ont pas pu être mis en œuvre». Pyongyang et Séoul auraient discuté pour «travailler ensemble au développement de nouvelles infrastructures dans les transports» notamment. Avant d’évoquer une nouvelle réunion intercoréenne dans 100 jours. Puis, un peu avant midi, Kim Jong-un a quitté le sud pour aller au nord. Il s’est glissé dans une énorme limousine Mercedes. Encadré par un service d’ordre en costume qui courait de chaque côté, Kim est allé déjeuner. 

ParArnaud Vaulerin, envoyé spécial à Séoul

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