«Nous sommes chez les fous» : un nouveau livre flingue Trump et sa présidence chaotique

Published 05/09/2018 in Planète

«Nous sommes chez les fous» : un nouveau livre flingue Trump et sa présidence chaotique
Donald Trump à son arrivée à l’aéroport d’Helsinki le 15 juillet 2018. Photo Heikki Saukkomaa

Etats-Unis

Dans son nouveau livre «Fear : Trump in the White House», à paraître le 11 septembre aux Etats-Unis, le célèbre journaliste Bob Woodward, qui a révélé le scandale du Watergate, dresse le portrait accablant du 45e président américain. A quelques semaines des élections de mi-mandat.

Une équipe au bord de la «dépression nerveuse», une «maison de fous», un président aux «capacités mentales d’un enfant de 10 ans» (selon James Mattis, le ministre de la Défense). Bienvenue dans la Maison Blanche version Trump, un lieu où l’incompétence règne et les insultes fusent, selon le journaliste américain vedette Bob Woodward. Dans son dernier livre-enquête, Fear : Trump in the White House, on embarque pour un monde chaotique dont on connaissait déjà un peu les contours sans pour autant soupçonner la noirceur et, disons-le, parfois, le potentiel comique.

Dans un passage surprenant du livre, Bob Woodward révèle que l’ancien avocat du président, John Dowd, a tenté de dissuader Donald Trump de se faire interroger par le procureur spécial Robert Mueller, dans le cadre de l’enquête sur une éventuelle collusion entre son équipe de campagne et Moscou. John Dowd estimait que son client, un menteur invétéré selon lui, se serait rendu coupable de parjure. Devant l’insistance de Trump, l’avocat est allé voir Robert Mueller en personne pour lui expliquer la situation. «Je ne vais pas rester là à le regarder passer pour un idiot», avait-il expliqué sans détour.

Méthodique

Cette scène fait partie des bonnes feuilles publiées mardi par le Washington Post et CNN, à quelques jours de la sortie officielle du livre aux Etats-Unis, le 11 septembre. C’est la deuxième fois depuis le début de l’année qu’un brûlot-phare sur la présidence Trump est publié, après le Feu et la Fureur de Michael Wolff qui avait soulevé plusieurs controverses sur l’exactitude des faits rapportés. Cette fois-ci, la réputation de Bob Woodward, 75 ans, deux Pulitzer, 18 livres dont 12 best-sellers, inspire le sérieux. Ce journaliste méthodique, qui dévoila le scandale du Watergate en 1972, a réalisé durant des mois des centaines d’heures d’interviews avec différentes sources, et a amassé notes personnelles, compte-rendus de réunions ainsi que documents officiels. En sortent de nombreuses anecdotes savoureuses, parfois dignes d’une sitcom, qui renvoient l’image d’un président isolé, agressif et incapable, mais aussi d’une équipe qui redouble d’efforts pour tenter d’éviter tout dérapage.

Bob Woodward étaye notamment la consternation des conseillers de Donald Trump face à l’ignorance du président sur les questions de politique internationale. Le journaliste nous plonge par exemple dans une réunion du Conseil de sécurité nationale, en janvier. Chiffonné de constater le coût que représente le stationnement de troupes américaines dans la péninsule coréenne, Donald Trump s’interroge sur le but de cette présence militaire. «C’est pour empêcher une troisième guerre mondiale», avait répondu, exaspéré, James Mattis, le ministre de la Défense. Dans un autre passage, l’ex-secrétaire du personnel de la Maison Blanche, Rob Porter, se remémore l’époque passée aux côtés du président : «C’était comme marcher constamment au bord d’une falaise. Parfois, on tombait de la falaise et il fallait agir.»

«Un coup d’Etat administratif»

Pour ne pas «tomber de la falaise», l’ancien conseiller économique de la Maison Blanche, Gary Cohn, avait une méthode bien à lui, affirme Bob Woodward. Le conseiller voyait d’un très mauvais œil le désir de Donald Trump de retirer les Etats-Unis d’un accord commercial avec la Corée du sud – une décision qui aurait été nuisible à la sécurité nationale, jugeait l’intéressé. Afin donc d’empêcher Donald Trump d’acter ce retrait, Gary Cohn avait dérobé la lettre que devait signer le président sur son bureau. Donald Trump ne s’en était même pas aperçu. Cette situation, que Bob Woodward apparente à «un coup d’Etat administratif», s’est reproduite par la suite, assure-t-il.

«C’est faux», a tancé Donald Trump dans une interview accordée au site d’information The Daily Caller. «Personne ne m’a rien pris.» La diffusion des extraits du livre a également déclenché, dans la soirée, une série de tweets présidentiels, dénonçant un tissu de mensonges, des «interviews bidons» et une escroquerie. «Je n’ai jamais traité Jeff Sessions d’”attardé mental” et d’”abruti du Sud”», comme c’est précisé dans le livre, a-t-il aussi tenu à préciser. «Woodward cherche à nous diviser», a-t-il encore dit, en faisant référence aux prochaines élections de mi-mandat.

James Mattis et le directeur de cabinet John Kelly ont également démenti des propos qui leur sont attribués. «L’idée selon laquelle j’ai traité le président d’”idiot” est fausse. En fait, c’est tout le contraire», s’est défendu John Kelly. «Je passe plus de temps avec le président que n’importe qui et nous avons une relation incroyablement forte et franche.» Selon Woodward, John Kelly aurait prononcé l’une des phrases les plus dures à l’encontre du président : «C’est un idiot. C’est inutile d’essayer de le convaincre de quoi que ce soit. Il est en roue libre. Nous sommes chez les fous. Je ne sais même pas ce que nous faisons là. C’est le pire job que j’aie jamais eu».

ParCharlotte Oberti, intérim à New York

Print article

Leave a Reply

Please complete required fields