La France moins portée sur les traitements de choc que ses voisins

Published 07/10/2018 in France

La France moins portée sur les traitements de choc que ses voisins
Agnès Buzyn et Gérald Darmanin présentent à la presse le Projet de loi de Finances 2019 pour la sécurité sociale, aujourd’hui au ministère de l’Action et des Comptes publics.

Santé

Une étude de la Cour des comptes montre que les autres pays européens ont réduit leurs déficits, au prix de mesures douloureuses pour les patients comme pour les personnels.

Rendue publique la semaine dernière à l’occasion de sa présentation annuelle sur la Sécurité sociale, une étude passionnante a été réalisée par la Cour des comptes, elle est intitulée «Dix ans d’évolution de systèmes de soins et de prises en charge des dépenses de santé en Europe». Le résultat est déroutant pour la France : nous sommes l’un des pays européens qui a le moins réformé son système avec la crise économique, et accepté sans trop sourciller des déficits. Finalement, la France est «parvenue à préserver la part des dépenses de santé prises en charge par la collectivité, un large accès aux soins, ainsi que les effectifs et les rémunérations des professionnels de santé», constatent les magistrats.

Aux patients de payer

De fait, la crise a profondément touché les systèmes de santé en Europe. A partir de 2008, les différents gouvernements ont réagi. Et plutôt assez vite, pour équilibrer des comptes qui commençaient à vaciller. Comme un réflexe, note la Cour, la plupart des pays européens ont alors décidé l’accroissement de la participation des patients au coût des traitements. Ainsi, «presque tous les plans d’économies ont fait appel à l’augmentation des franchises, aux tickets modérateurs ou à la mise de certaines dépenses à la charge des patients». Parfois, c’était franchement brutal. Exemple : «En Irlande, des participations forfaitaires sont demandées depuis 2012 pour les séjours hospitaliers (75 euros par jour, portés à 80 euros en 2013), y compris les passages aux urgences (100 euros). Au Portugal, les forfaits hospitaliers ont plus que doublé en 2012. L’Espagne et l’Italie ont suivi la même voie, avec en Italie, en sus, une participation de 25 euros demandée pour les passages aux urgences jugés non urgents.»

Deuxième source d’économies, on ne rembourse plus tous les soins. C’est la «contraction du panier de soins pris en charge». L’Espagne a engagé depuis 2012 un mouvement de révision visant à supprimer les traitements de «symptômes mineurs» (plus de 1 000 produits). L’Italie a fait de même. Les Pays-Bas ont renoncé à rembourser les somnifères, tranquillisants et antidépresseurs, comme les contraceptifs pour les femmes de plus de 21 ans.

Coupes et réorganisations

Un autre volet s’est vite imposé avec «la diminution des effectifs et des rémunérations des professionnels de santé», à l’exception de la France. La Cour note que «les coupes ont été plus sévères dans les pays où les professionnels de santé, dont les médecins, sont des salariés d’un système national de santé (Irlande, Espagne, Portugal) ou lui sont contractuellement liés (Royaume-Uni, Italie)».

Enfin, le changement le plus spectaculaire se situe dans la réorganisation des hôpitaux, sauf en France, là encore. «La plupart des pays ont ainsi procédé à des baisses de capacités hospitalières et à un report d’une partie de l’activité vers le secteur ambulatoire en ville», précise la Cour. «Certains pays, comme la Suède qui avait connu une crise économique majeure dans les années 1990, ont pris ce virage depuis plusieurs décennies déjà, le nombre de lits d’hôpital y passant de 12 pour 1 000 habitants en 1991 à 2,4 en 2015. Au Royaume-Uni, le nombre de lits d’hôpital rapporté à la population a été réduit de 4,1 pour 1 000 habitants en 2000 à 2,6 en 2015…» Là où des réductions de capacités hospitalières ont été décidées, elles sont souvent allées de pair avec un regroupement hospitalier afin d’améliorer l’efficience des dépenses.

La Suède fait figure de précurseur dans ce domaine : des groupes hospitaliers ont été créés, chaque région comportant désormais une organisation des soins hospitaliers hiérarchisée en trois niveaux : un centre hospitalier universitaire – des centres hospitaliers régionaux pluridisciplinaires – et des centres de soins de premier recours.Selon l’étude, «dans chacun de ces groupements, le centre hospitalier universitaire joue un rôle de coordonnateur de la politique d’offre de soins». Ce modèle a été adapté en Irlande et le récent plan Macron s’en inspire.

Des listes d’attente plus longues

Finalement, au-delà de l’aspect comptable, il y a une conséquence, bien visible, de ces politiques. «En Italie, la difficulté à obtenir un rendez-vous de spécialiste, ou à faire réaliser un examen médical, voire à fixer une date pour une hospitalisation est de loin, avec le coût, la première conséquence mise en avant par les enquêtes sur le système national de santé.» Au Portugal, le nombre d’examens médicaux a diminué d’un quart entre 2010 et 2012 du fait des compressions budgétaires, et début 2018, plus de 700 000 personnes n’étaient pas inscrites dans les patientèles des médecins de premier recours. En Irlande, les files d’attente à l’hôpital concernent plus de 15 % des patients. «Au Royaume-Uni, les délais de réponse pour quelques prestations cibles (chirurgie, cancer, ambulances, urgences) se sont tous dégradés depuis 2012.» La situation s’est aussi aggravée en Espagne : le nombre de patients en attente en chirurgie s’y est accru de 57 % entre 2006 et 2016. Dans ce pays, la durée moyenne en chirurgie atteint 83 jours.

ParEric Favereau

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