Open d’Australie : Lucas Pouille, de revers en rebond

Published 24/01/2019 in Sports

Open d’Australie : Lucas Pouille, de revers en rebond
Lucas Pouille savoure sa victoire en quart de finale contre Milos Raonic, mercredi à Melbourne.

Tennis

Après un «burn-out» en 2018, le Français de 24 ans désormais entraîné par Amélie Mauresmo est en pleine renaissance. Ce vendredi à Melbourne, il affronte le numéro 1 mondial Novak Djokovic lors de sa première demi-finale en Grand Chelem.

«Je suis très heureux.» Ses premiers mots sur le court au micro de John McEnroe peuvent sembler banals. Mais ils disent simplement l’évidence. Celle d’un joueur qui a repris goût au tennis. «On a retrouvé le Lucas d’avant», souffle Léna, la maman, émue. Mercredi à Melbourne, dans les couloirs de la Rod Laver Arena, entre les vestiaires et le salon des joueurs, le clan Pouille est euphorique après la victoire de Lucas contre le Canadien Milos Raonic, 17e mondial, au terme d’un match extrêment solide. Le Nordiste vient de s’offrir un ticket pour le dernier carré de l’Open d’Australie. Une demi-finale – sa première dans un tournoi du Grand Chelem – qu’il dispute ce vendredi face à Novak Djokovic, numéro 1 mondial. Rien que ça ! La performance est d’autant plus notable qu’il n’avait jusque-là jamais réussi à passer un seul tour à Melbourne.

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Cette victoire contre Raonic, tout comme celle contre Borna Coric au tour précédent, sont les signes d’une renaissance pour Lucas Pouille après une année 2018 désastreuse où il a sombré au classement et moralement. «C’était très dur, dit Clémence Bertrand, sa petite amie, qui peine à sécher ses larmes. On se demandait quand ça allait revenir. On savait qu’il était capable de plein de belles choses mais nous on ne pouvait rien faire. On avait beau lui dire “t’es fort, ça va aller”, tant qu’il n’avait pas le déclic…»

Couper le cordon

Le déclic est venu quand il a pris la décision de se séparer d’Emmanuel Planque, son entraîneur de longue date. «La décision la plus difficile qu’il ait jamais eu à prendre, poursuit son amie. Ensemble, ils ont vécu quelque chose d’incroyable pour toute la vie, mais c’était le moment d’en finir. On retrouve enfin le Lucas d’avant, cette combativité, ce mental qui font sa force. Et ça fait du bien.» Pour évoquer, la traversée du désert par lequel Lucas Pouille est passé l’an dernier, Clémence Bertrand n’hésite pas à parler de «burn-out» : «Les joueurs ne sont pas des machines, ce ne sont pas des robots. Le circuit est très dur. Ce sont énormément de sacrifices et de fatigue.»

L’intéressé ne révoque par le terme. Bien au contraire. «Burn-out, oui, c’est ça. Je n’avais plus envie, dit-il. J’avais perdu la joie d’être sur un court, de m’entraîner dur. Et après, c’est l’engrenage. Tu perds un match, puis deux, puis trois, et tu perds la confiance. C’est dur de revenir quand tu n’as plus de plaisir. J’ai pris le temps de me regarder dans le miroir, de me dire les quatre vérités et de me demander ce que je voulais vraiment pour les dix prochaines années. Et quand j’ai compris que c’était retrouver le plaisir de jouer sur les plus grands courts du monde, devant des foules incroyables et réaliser de belles choses, décrocher des titres, je me suis dit qu’il fallait que je me bouge. Et ça passait par la prise de certaines décisions.»

Comme celle de couper le cordon avec un entraîneur et une relation qui, longtemps bénéfique, devenait incompatible avec son besoin de se construire en tant qu’adulte. Lucas Pouille s’est pris en main pour mettre en place une nouvelle structure qui semble plutôt bien lui convenir avec Amélie Mauresmo (lire ci-contre), mais aussi Loïc Courteau, l’ancien entraîneur de la double vainqueure en Grand Chelem. Et une préparatrice mentale. Cette nouvelle équipe l’a remis sur les bons rails. «Il a retrouvé un gros niveau de jeu et il a l’air d’être heureux sur le terrain, explique Courteau. Et la confiance est revenue au fur et à mesure qu’il gagnait ses premiers matchs ici. Ça débride pas mal de choses. Mais c’est lui qui s’est reconstruit tout seul en décidant d’un nouveau projet avec de nouveaux objectifs. Il avait envie de passer un autre cap. C’est lui qui a été le moteur de ce qui se passe là et, nous, on l’accompagne.»

De toute évidence, son expérience de vainqueure de Grand Chelem et ancienne numéro 1 mondiale confère à Amélie Mauresmo une légitimité naturelle auprès du Français. Elle a su trouver les mots pour panser les maux. «Elle m’apporte énormément de confiance. Au niveau de mon jeu, de ma personnalité et de mon état d’esprit, admet Pouille. C’est une grande championne. Elle sait ce que je peux ressentir.» Le Français apprécie ce regard nouveau porté sur lui et sur son jeu. C’est pour ça qu’il récolte déjà les fruits de cette toute récente collaboration.

«Recoller les morceaux»

«Au-delà de son jeu qui se met en place, on sent une force mentale qui le rend imperturbable, souligne Thierry Champion, directeur du haut niveau à la Fédération française. Contre Raonic, il fait un mauvais début de match mais ne s’affole pas. Il prend son temps. Dans les moments importants, il sait retrouver sa respiration, son calme, sa frappe. Et son envie retrouvée, il la met dans les matchs, mais aussi à l’entraînement. C’est un très bon joueur. Il fallait juste qu’il recolle les morceaux.» Pour retrouver le goût du jeu et de la victoire. Et la satisfaction de pouvoir s’offrir les frissons des matchs des grands soirs, en session de nuit, devant les 15 000 spectateurs de la Rod Laver Arena, d’ores et déjà séduit par ce jeune Français maniant parfaitement la langue de Shakespeare, ce joueur à la fois timide et sûr de lui.

Lucas Pouille sait qu’il ne partira pas favori vendredi face à Novak Djokovic. Mais porté par l’euphorie de ce parcours inespéré, il donnera tout ce qu’il a dans sa raquette et dans ses tripes pour tenter de déstabiliser le numéro 1 mondial. «J’ai hâte de cette rencontre, annonce le Serbe. Et même si c’est sa première demi-finale en Grand Chelem, il avait battu Nadal à New York il y a quelques années. Il n’a pas peur de l’enjeu et est capable de jouer à son meilleur niveau sur les plus grandes scènes.» Quoiqu’il arrive dans cette demi-finale, le nouveau protégé d’Amélie Mauresmo quittera Melbourne avec le sentiment d’avoir de toute façon gagné la bataille. Contre le Lucas d’il y a quelques mois.

ParIsabelle Musy, à Melbourne

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