Rugby : licencié pour «faute grave», Guy Novès attaque la FFR aux prud’hommes

Published 14/02/2019 in Sports

Rugby : licencié pour «faute grave», Guy Novès attaque la FFR aux prud’hommes
Portrait de Guy Novès, ex-sélectionneur de l’équipe de France de rugby à XV, Toulouse, le 6 février 2018.

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Destitué voilà quatorze mois de son poste de sélectionneur, Guy Novès a rendez-vous ce jeudi aux prud’hommes de Toulouse avec la FFR à qui il réclame 2,9 millions d’euros.

Dans l’arrêté de ses comptes pour la saison passée (2017-2018), la Fédération française de rugby a listé «quatre événements exceptionnels» qui pèsent lourdement sur ses finances. Le dernier concerne «le changement de staff du XV de France» pour lequel environ 2 millions ont été provisionnés. Cette «décision sportive assumée pour remettre le XV de France en ordre de marche» remonte au mois de décembre 2017, lorsque le président de la Fédération française de rugby, Bernard Laporte, annonçait que Guy Novès, sélectionneur du XV de France, et ses adjoints Jean-Frédéric Dubois et Yannick Bru, étaient relevés de leurs fonctions. «Nous avons estimé que Guy n’était plus l’homme de la situation», lâchait alors Bernard Laporte.

Une fin abrupte après deux ans de mandat. Guy Novès avait pris les rênes de l’équipe de France en novembre 2015, après une Coupe du monde calamiteuse pour les Bleus qui s’était terminée par un cuisant revers face aux All Blacks en quart de finale (62-13). Pierre Camou, alors président de la FFR, avait misé sur cet entraîneur au glorieux palmarès (dix titres de champion de France et quatre Coupes d’Europe avec le Stade toulousain) pour redorer le blason des Bleus et préparer la Coupe du monde de 2019. Un climat de confiance régnait entre Pierre Camou, vénérable dirigeant du rugby français, et Guy Novès, qui accédait enfin au poste de sélectionneur national après 22 saisons passées en tant qu’entraîneur du Stade. Une idylle qui n’aura duré que douze mois, jusqu’à l’élection de Bernard Laporte à la présidence de la FFR en décembre 2016.

Durant la campagne électorale contre Camou, Laporte avait pourtant maintes fois réitéré sa volonté de conserver Novès à son poste. Mais les relations entre les deux hommes ne laissaient pas présager d’une longue collaboration. Ils avaient eu l’occasion de se défier, et de s’accrocher, lorsque Bernard Laporte était l’entraîneur du Stade français et Guy Novès celui de Toulouse. En 1999, Laporte avait été nommé sélectionneur des Bleus et avait alors dû composer avec l’entraîneur du club qui fournissait le plus d’internationaux au XV de France. «Il [Novès] n’a jamais été tendre avec l’équipe de France. Il a souvent barré la route des sélectionneurs. A Toulouse, on ne pouvait pas aller voir les entraînements. Il ne faut pas oublier tout ça. Je n’ai rien contre sa nomination, mais il n’a pas toujours été réglo avec les entraîneurs», confiait ainsi Laporte sur l’antenne de RMC en 2015.

«Pris pour un idiot»

Les relations entre Laporte et Novès se sont encore dégradées avec les résultats sportifs de 2017. A l’issue d’un Tournoi convenable qui voit les Bleus terminer à la troisième place, une série de défaites débute : les Bleus tombent trois fois lourdement en Afrique du Sud, puis s’inclinent à la maison face à la Nouvelle-Zélande et sont de nouveau battus par les Sud-Africains. Le 25 novembre, l’inauguration sportive de la U-Arena de Nanterre débouche sur un match nul contre le Japon. Une contre-performance qui signe la fin de l’ère Novès, deux années pendant lesquelles les Bleus n’ont remporté que 7 de leurs 21 matchs. Laporte confie un audit sur l’état du XV de France à son vice-président Serge Simon, qui avait eu plusieurs différends avec Novès au cours des mois précédents. Trente jours plus tard, le sélectionneur est licencié pour «faute grave», se voyant publiquement reprocher la dégradation des liens entre la FFR et les clubs.

C’est la nature exacte de cette faute qui sera débattue ce jeudi devant les prud’hommes de Toulouse. Guy Novès réclame 2,9 millions d’euros à la FFR, une somme qui comprend notamment les salaires restants, l’indemnisation du préjudice moral et de nombreuses heures supplémentaires impayées. Dans une interview accordée la semaine dernière au Monde, il ne cache pas son sentiment de colère à l’égard de ceux qui l’ont «pris pour un idiot». Il a vécu son licenciement comme une profonde injustice et il espère que la décision du tribunal, qui sera mise en délibéré pendant un à deux mois, lui permettra de passer enfin à autre chose. Aujourd’hui âgé de 65 ans, cet ancien rugbyman international affirme se battre pour réussir à laver son honneur.

A lire aussi Le portrait de Guy Novès dans Libération en mars 2018

La FFR, qui a trouvé un accord avec les anciens adjoints Bru et Dubois, redoute, elle, les conséquences financières du dossier Novès. La bataille juridique devant les prud’hommes se concentrera autour du contrat de Guy Novès. Me Joseph Aguera, avocat de la FFR, affirme que ce document «contient un certain nombre d’anomalies» et il tentera d’obtenir sa requalification en CDI, de manière à réduire le montant des indemnités à verser. Il s’efforcera également de démontrer que le licenciement de Novès n’avait rien de «prémédité» et qu’il n’était pas lié aux résultats décevants des Bleus. Sur le plan sportif, le départ de Novès n’a, en tout cas, pas eu les effets escomptés puisque son successeur, Jacques Brunel, affiche un bilan encore plus faible de 3 victoires en 13 matchs. La dernière défaite est encore toute fraîche, les Bleus ayant lourdement chuté dimanche en Angleterre (44-8). A défaut de se remettre «en ordre de marche», ils continuent de reculer.

ParOlivier Bras

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