«Venise n’est pas en Italie», pas de quoi se gondoler

Published 28/05/2019 in Cinéma

«Venise n’est pas en Italie», pas de quoi se gondoler
Les Chamodot et leur caravane qui tombe à plat.

Critique

Arpentant sans souci d’originalité les terres archi labourées de la comédie sociale, Ivan Calbérac suit une famille de prolos en vacances dans un road-trip épuisant.

«Encore combien de kilomètres ?» geignent tous les enfants du monde en voiture, saucissonnés par leur ceinture de sécurité pendant les longues heures de route. Comme ces innocentes petites têtes blondes, nous voici donc ici à suffoquer sur notre siège, coincés sur l’autoroute A1 du navet dans d’interminables embouteillages de punchlines gênantes, transformant en cauchemar ce qui devait être le chemin des vacances. Non qu’on soit rentrés dans la salle avec la naïveté d’attendre de ce Venise n’est pas en Italie qu’il nous propulse dans des contrées inexplorées de la comédie sociale française, mais qui pouvait s’attendre à ce qu’il en laboure à ce point les mêmes terres, déjà ravagées par le Roundup du LOL-marketing ?

Le film d’Ivan Calbérac est un road-trip. Et plus exactement une course contre la montre qui doit mener Emile Chamodot, jeune fils de prolos épris de Pauline, fille de bourges, jusqu’à Venise, où sa douce l’a invité à son concert de harpe. Comme on est chez les pauvres – ces «bons bougres» qui font des pets-flamme mais savent s’aimer pour de vrai – les valeurs de solidarité bafouées par les riches pousseront la famille Chamodot à aider l’ado dans son projet amoureux, sans mesurer à quel point ce petit ingrat d’Emile cultive une honte sociale envers elle (mais pas pour longtemps, rassure toi, spectateur ! C’est aussi un roman d’apprentissage). Et voici donc la «famille de ouuuuf», tripotée de «taréééés» – on crie beaucoup sur la route – lancée en caravane vers les terres du Tintoret.

Entrouvrant la fenêtre du véhicule en quête d’un peu d’air frais, le spectateur verra défiler à toute blinde dans le paysage les silhouettes d’un nombre incalculable de films – et pas que des grands – dont le cinéaste semble ramasser les restes et les vider dans la gamelle du chien : du Little Miss Sunshine avec un fond de veau façon le Goût des autres et la goutte de sueur de 24h Chrono. Car il s’agit toujours d’accélérer dans ce Venise n’est pas en Italie (pointe à moto, sprint le long des calle…) : rien n’arrête la détermination de la fraternité et de l’amour, et surtout pas la violence symbolique des puissants qui vomissent Bourdieu – le papa de Pauline, chef d’orchestre, est très très méchant. Cette histoire de chronomètre, finalement, offre une juste allégorie du rapport que le film noue avec son public, en cavalant comme un dingue pour nous supplier de rire – sans s’apercevoir qu’on s’est endormi au restoroute.

ParÈve Beauvallet

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