Salut c’est cool, bonjour les dingues gars

Published 02/06/2019 in Musique

Salut c’est cool, bonjour les dingues gars
Salut c’est cool, soit quatre ex-étudiants en arts plastiques à l’esprit caustique.

Critique

Le quatuor parisien de pop électronique arty revient sur un label indé avec «Maison», un huitième album moins festif et plus poétique.

Coincé entre l’arty et le festif, l’opprobre de l’intelligentsia pop et l’effervescence populaire en concert, Salut c’est cool est un incomparable aimant à enthousiasmes, haines et discussions. Depuis ses premières chansons déversées sur Internet en 2010, le quatuor fondé à Paris, auto-étiqueté «techno variété» à un moment indéterminé de sa carrière mais fertile aussi sur YouTube (plusieurs clips ont été distingués par les Cahiers du cinéma), fait parler et s’interroger autant qu’il fédère et fait danser. C’est mérité, et recherché : si les anciens étudiants en arts plastiques James Darle, Vadim Pigounides, Louis Donnot et Martin Gugger n’inventent pas tout à partir de rien (de Oui Oui, groupe pop-punk absurdiste d’Etienne Charry et Michel Gondry dans les années 80 jusqu’à la poésie de l’échec des plasticiens Erwin Wurm ou Michel Blazy, les racines sont nombreuses à repérer), leur esprit de dérision et leur talent pour voir, attraper et exploiter dans leur dance de free party dégénérée les myriades d’étrangetés de notre temps, sont résolument uniques et tout à l’honneur de leurs ambitions populaires – le genre «cyber-troubadour», autre étiquette revendiquée, en dit long sur ces dernières.

Optimisme. Autant dire que Salut c’est cool n’a pas volé son succès étonnant et finalement aisé à expliquer, comme celui en son temps de Stupeflip : certes «compliqué avec les définitions» (sic), le collectif fait des étincelles avec le beauf, la faille et la dance, ainsi qu’une forme simpliste mais limpide de postmodernité. Emblématique, l’hymne Techno toujours pareil, qui aligne 13 millions de vues sur YouTube et fait onduler les foules des grands festivals depuis cinq ans, atteint par exemple une diabolique efficacité ironique en critiquant ceux qui dansent sur leur rythme tout en les encourageant à en profiter.

Maison, huitième album qui paraît sur le label indé Pain Surprises après la parenthèse Barclay, nous arrive alors que le groupe a perdu quelques plumes de popularité et en profite pour repréciser son art en y accueillant un grand bol de spleen, d’optimisme et de liberté. Grand bien nous fasse à tous car, encouragé par le redoutable Jacques (qui a donné un coup de main pour arranger l’ensemble), Salut c’est cool semble prendre de plus en plus au sérieux l’écriture et l’art de la pop électronique et aboutit à un charmant assortiment de chansons réflexives et domestiques, un peu plus près de Philippe Katerine et Kraftwerk et un peu moins des free parties au second degré. Comme les pionniers de Düsseldorf, le collectif parisien place une confiance illimitée en la puissance d’évocation du son électronique le plus sommaire, et tresse sa poésie au plus près de sa synthèse avec une absconse, vertigineuse – et parfois très poétique – littéralité.

Manifeste. Le but des meilleures, des plus efficaces chansons, n’est-il pas d’imiter les choses du réel, sans passer par le tartinage de notes et d’harmonies compliquées ? Ainsi Voilà, emballant manifeste hardtek qui clôt le disque, donne à entendre ce que ça «donne» de «marcher», ce que «ça fait» de «regarder le soleil», «se remémorer un souvenir», «tenir une pomme de pin», «être mort et enterré». Pour quoi faire ? Pour mieux écouter le monde, mieux le regarder aussi. A mieux vivre, tout simplement.

ParOlivier Lamm

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