Olivier Saillard, la couture et ses petits riens

Published 02/07/2019 in Culture

Olivier Saillard, la couture et ses petits riens
«Moda Povera», un projet couture tendant à prouver qu’on peut faire beau à partir de peu.

Mode

L’ancien directeur du musée Galliera a présenté aux Beaux-Arts de Paris un nouveau chapitre de «Moda Povera», une performance digressive autour de 17 chemises.

Dans l’atelier de morphologie de l’école des Beaux-Arts «où Matisse et Duchamp ont appris à dessiner», voici Olivier Saillard, fin connaisseur de la mode, historien, longtemps directeur du musée Galliera, officiant désormais sur d’autres versants, à la fois directeur artistique de la maison Weston et créateur. Créateur de formes, de performances, d’images qui suggèrent toujours de nouvelles réflexions sur la mode. Saillard présentait lundi un nouveau chapitre de «Moda Povera», projet couture tendant à prouver qu’on peut faire beau à partir de peu. L’an dernier, il s’était attelé au même exercice sur une série de tee-shirts. Cette fois, il a choisi 17 chemises blanches 8XL de facture classique, qu’il a ensuite déstructurées et restructurées. La collection a été réalisée par d’anciens étudiants de l’école des arts décoratifs formés par Martine Lenoir qui travailla pour Madame Grès, grande couturière à la tête de sa propre maison, à son apogée dans les années 30 à Paris.

De son projet, Saillard dit ceci : «Il s’agit d’un processus créatif qui m’est apparu comme une sorte de thérapie, celui d’apprendre à draper, avec Martine Lenoir, des plis tels que Madame Grès les faisait.» Les performances de cet intellectuel au bon sens paysan sont de celles qui restent en tête et redonnent foi dans le chiffon. Moda Povera tire son nom de l’Arte Povera, courant artistique fondé sur le principe d’austérité et la pauvreté des matériaux.

Collant noir et Debussy

De ces chemises, Saillard fait une série de pièces sophistiquées présentées par trois modèles longilignes et filiformes d’âges variés, en collant noir et talons aiguilles. Les trois dames sont dévêtues et habillées sous les yeux du public. Elles prennent la pose à la façon des modèles de peinture, se déplaçant dans la petite salle baignée de lumière naturelle, des iPhone à la main diffusant du Debussy.

La collection explore différentes facettes du travail dit des ateliers : la coupe en biais, le plissé à la façon de madame Grès qui redessine le vêtement presque à l’infini, les cols et les décolletés, le boutonnage, les manches de tout acabit. Tout est très simple, raffiné, pas snob ni engoncé, du geste d’Olivier Saillard, qui habille ses modèles dans l’embrasure d’une porte, aux postures des trois modèles et à l’attention du public. Olivier Saillard a tenu à préciser qu’il n’y a «pas d’économie» dans cette entreprise-là. «Nous vendons un peu, mais là n’est pas le sujet. Il n’y a pas de griffe. Mon but n’est pas d’envahir la mode. Charles James, dans les années 50, avait renoncé à la réussite financière au bout d’un certain nombre de faillites. Il disait : “Je vais faire 20 robes, je vais les vendre à 20 clientes et je reviendrai l’an prochain.” On peut reconsidérer la mode en reconsidérant son système.»

ParMarie Ottavi

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