Les Andes, fabrique de champions colombiens

Published 29/07/2019 in Planète

Les Andes, fabrique de champions colombiens
En juin 2015, Nairo Quintana (à droite) lors d’une sortie d’entraînement près d’Arcabuco, dans le département de Boyaca où il est né.

Vu de Colombie

Bernal, Quintana et beaucoup d’autres viennent des régions montagneuses du pays, où les municipalités mettent en œuvre des politiques ambitieuses de formation des jeunes.

Des montagnes à perte de vue, à 2 600 mètres d’altitude. Au milieu des nuages, la cordillère orientale des Andes étend ses paysages vallonnés à des centaines de kilomètres à la ronde. Ce paysage stupéfiant par son immensité pour qui vient de la vieille Europe est celui de l’Altiplano cundiboyacense, dont sont issus Egan Bernal et Nairo Quintana, et biens d’autres cyclistes colombiens. La région couvre deux départements. D’abord le Cundinamarca, au centre duquel se trouve Bogotá, la capitale du pays, perchée à 2 600 mètres d’altitude, Zipaquirá, à peine plus haute, la ville d’Egan Bernal et d’Efraín Forero, «l’indomptable Zipa», premier héros du cyclisme colombien dans les années 50, ou Fusagasugá où est né Lucho Herrera (première victoire d’étape colombienne du Tour de France en 1984).

Un peu plus au nord se situe le département de Boyacá, parsemé de petites villes riches en champions cyclistes : Sogamoso (2 569 mètres), ville natale de Fabio Parra (3edu tour en 1988) – Duitama, terre du grimpeur Oliverio Rincón, où se déroula un mémorable championnat du monde sur route en 1995 – Pesca, le village de Miguel Angel «Superman» Lopez (3e du Tour d’Italie en 2018) – Cómbita, où habite Nairo Quintana, à 2 825 mètres d’altitude, quand il n’est pas à l’étranger en compétition.

«C’est assez pentu»

«Il y a traditionnellement une rivalité entre la région cundiboyacense et l’Antioquia, l’autre terre à cyclistes d’où vient par exemple Rigoberto Urán», souligne le journaliste spécialisé Mauricio Silva. Mais partout la montagne fournit des cyclistes. Sur les routes sinueuses des hauts plateaux du Cundinamarca ou du Boyacá, croiser des cyclistes, seuls, en groupe, en famille, équipés ou pas, est fréquent à toute heure. Le week-end, ils sont encore plus nombreux. Et tous grimpent. «Pas étonnant si tu sors de ta maison à 2 700 mètres et que tu veux faire du vélo, la colline juste au-dessus se trouve à 3 200», ironise un aficionado. «C’est notre géographie, elle se retrouve dans les poumons des coureurs, dans leur capacité à résister, car il faut dire que c’est assez pentu», souligne le maire de Zipaquirá, la ville natale d’Egan Bernal située à 42 kilomètres de Bogotá.

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Luis Alfonso Rodríguez Valbuena ne cache évidemment pas son plaisir, puisque le nouveau prodige colombien qu’il a «connu tout petit et timide» est issu des écoles de formation en VTT financées par la mairie de la ville de 120 000 habitants. Environ 300 enfants, explique-t-il, y pédalent presque tous les jours sous la houlette de deux figures du cyclisme colombien Carlos Muñoz et Fabio «Besolindo» Rodriguez. Ce dernier, qui a porté dans les années 90 le maillot de l’équipe italienne Mapei, au côté notamment du Suisse Tony Rominger, a été le premier entraîneur d’Egan Bernal et affirme que dans ces écoles se trouve aujourd’hui «une portée de futurs champions». L’enfant prodige a commencé à 8 ans à pédaler avec discipline et talent sur les pistes VTT jusqu’à se décider à faire de la route à 16 ans.

Cathédrale de sel

La ville a aussi monté il y a deux ans l’équipe espoirs «Parque de la Sal» financée en partie par les ressources de la cathédrale souterraine de sel, une curiosité de la région et qui est un des monuments les plus visités de Colombie. Tandis que la Fondation Mezuena, par laquelle est aussi passé Egan Bernal finance de jeunes talents. Car «90% des enfants – comme Egan dont le père était gardien et la mère travaillait dans les exploitations de fleurs – sont issus de familles modestes», insiste le maire.

La terre nourricière du cyclisme en Colombie est plutôt rude : à une telle altitude, même à l’Equateur, les températures chutent dès la nuit tombée. La population, majoritairement issue du peuple Muisca, est volontiers réservée, habituée à l’effort, que ce soit dans les pâturages ou les champs de pomme de terre et d’oignons qui couvrent une bonne partie des vallées, ou les mines – notamment d’émeraudes et de charbon – dont elle regorge.

ParAnne Proenza, correspondante à Bogota

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