Le cyclone Lorenzo est-il vraiment «un monstre» qui «se dirige vers l’Europe» ?

Published 01/10/2019 in https:2019/10/01/

Le cyclone Lorenzo est-il vraiment «un monstre» qui «se dirige vers l’Europe» ?
L’ouragan Lorenzo avant sa remontée vers les Açores.

Décryptage

Désormais affaibli, il s’apprête à passer sur les Açores et devrait poursuivre sa route vers l’Irlande.

Dimanche, il est devenu «le cyclone le plus puissant jamais enregistré jusque-là au nord et à l’est du bassin Atlantique», dixit la NHC, l’agence américaine de surveillance des cyclones. C’est le record que détient désormais Lorenzo (rien à voir avec le chanteur).

Né le 23 septembre au large de l’Afrique de l’ouest, ce cyclone cap-verdien a pris du galon jusqu’à atteindre la catégorie 4 en plein milieu de l’Atlantique, puis a commencé à décliner en catégorie 3. Mais ce week-end, celui-ci a suscité un regain d’attention. Il passe sur une poche d’eau chaude en surface de l’océan et se renforce à nouveau. Tout en remontant vers le nord-est, ses vents atteignent plus de 250 km/h, ce qui lui vaut de décrocher la classification maximale, la 5. A cet instant précis, il est «l’ouragan le plus puissant jamais enregistré» au nord comme à l’est de l’océan Atlantique. Du moins pour ce qui a été observé par les satellites depuis la fin des années 70.

Les projections montrent alors que sa trajectoire en forme de coude met le cap vers les côtes britanniques. Des articles parlent de «monstre» qui «se dirige vers l’Europe». De quoi donner des sueurs froides. Mais l’escalade a pris fin ce lundi, quand Lorenzo a été rétrogradé en catégorie 2 (vents de 155 km/h à 177 km/h). Il devrait cependant atteindre l’ouest de l’archipel des Açores ce mardi soir en conservant cette puissance. Les prévisionnistes estiment qu’il perdra ensuite son statut de cyclone avant d’arriver au niveau de l’Irlande jeudi matin sous forme de tempête. La France sera épargnée mais «dès jeudi soir et jusqu’à vendredi, un front associé à Lorenzo donnera des pluies sur la moitié nord», précise Météo-France.

Lorenzo est-il un ovni ?

Il semblerait que non. «Il n’a pas grand-chose de notable, si ce n’est que c’est le cyclone qui a atteint sa catégorie 5 le plus à l’est. Il a une trajectoire relativement classique», tempère Fabrice Chauvin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRM) et spécialiste des cyclones tropicaux. Il précise : «Certains cyclones cap-verdiens traversent l’Atlantique, d’autres incurvent leur trajectoire vers le nord pour ensuite repartir vers l’est. C’est le cas de Lorenzo, qui a opéré un retournement assez tôt dans son cycle de vie.» Le fait de décélérer et d’accélérer à nouveau n’est pas non plus inhabituel.

Appartient-il à une nouvelle génération qui tendrait à davantage remonter vers l’Europe ?

«Cela reste très questionnable. En tout cas, nous avons observé que la latitude où les cyclones atteignent le maximum d’intensité a augmenté au cours des quarante dernières années. Le déplacement est d’une centaine de kilomètres par degré de réchauffement de l’eau, ce qui reste cependant assez limité», nuance Fabrice Chauvin. Cela serait en partie dû à ce que l’on appelle «l’expansion des tropiques». Avec le réchauffement climatique, la zone dite tropicale (chaude et humide), propice à la naissance et au maintien des ouragans, s’étend un peu.

Est-ce une preuve que les ouragans de catégorie 4 et 5 vont être plus nombreux ?

Globalement, sur la planète, le nombre d’ouragans annuels ne devrait pas augmenter. Mais ils pourraient atteindre plus souvent la catégorie 4 ou 5, résume le dernier rapport du Giec. Or l’année 2019 a cumulé deux cyclones à très forte puissance : Dorian et Lorenzo. Chose rare. «Cela peut être une illustration [des prévisions du Giec] mais les climatologues que nous sommes prennent beaucoup de précautions, explique Fabrice Chauvin. Dans l’Atlantique, nous avons l’impression que le nombre de cyclones de catégorie 5 a augmenté au cours des vingt dernières années mais il est encore trop tôt pour dire si cela est dû au changement climatique ou aux phénomènes de variation de l’activité cyclonique qui se déroulent sur plusieurs dizaines d’années.» Patience, donc.

ParMargaux Lacroux

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