La société à l’origine du scandale des bébés abandonnés des mères porteuses promeut des techniques douteuses de la FIV

La vidéo choquante montrant des dizaines de bébés nés des mères porteuses coincés en Ukraine à cause de la fermeture des frontières liée à la pandémie de covid s’est retrouvée au centre de l’attention des médias mondiaux. Tous ces enfants ont été conçus au sein du programme de la gestation pour autrui organisé par la clinique de PMA BioTexCom située à Kiev. [biotexcom.com/].
Même si les chaînes principales du monde ont bien divulgué la situation des parents d’intention cherchant à se réunir avec leurs enfants à tout prix, seules quelques sources ont exprimé la préoccupation par rapport au commerce de la gpa internationale qui s’était développé bien avant les complications causées par la crise de COVID.
Au fur et à mesure que certains couples arrivent à rejoindre leurs bébés, [https://www.unian.info/society/surrogacy-in-ukraine-11-couples-arrive-from-argentina-to-pick-up-their-babies-11017994.html] , nous continuons à investiguer l’activité de Biotexcom. Les résultats sont dérangeants.
Cette clinique englobe beaucoup de pratiques louches concernant la PMA à l’étranger et la gpa internationale, à commencer par l’exploitation et l’abus des femmes économiquement vulnérables devenant mères porteuses et donneuses d’ovules, en passant par les scandales impliquant l’abandon d’enfants handicapés jusqu’aux accusations de la vente d’enfants ou de trafic des êtres humains.
BioTexCom est également une des cliniques de PMA minoritaires ayant commercialisé la méthode risquée, non testé et très controversée, désignée comme le « don de mitochondries ». Selon leur publicité, cette technique est considérée comme un « supplément » aux formules standardes de la PMA.
L’implication de BioTexCom dans les scandals a été refletée ces dernières années par tels médias que ABC News Australia, El Pais et Al Jazeera ; l’ensemble de leurs pratiques douteuses est largement présenté sur leur site. Or, peu d’histoires sur les enfants abandonnés y ont été vraiment abordées. Avec une exception remarquable : l’article publié par Marie Claire en partenariat avec The Fuller Project a traité BioTexCom Ukraine de « l’agence la plus mal réputée ».
Le passé insolite de BioTexCom
En 2011 un couple italien est rentré chez lui avec l’enfant né d’une mère porteuse ukrainienne au sein de BioTexCom. Après le test ADN les autorités italiennes ont découvert l’absence de filiation de l’enfant avec les parents d’intention, ce qui ne leur permet pas de devenir ses parents légaux. (Ultérieurement cet enfant a été adopté par un autre couple d’Italie).
En présumant que le cas du 2011 n’était pas du tout isolé – et qu’il était probablement lié aux révélations du 2012 sur « l’espace de la vente de bébés » lorsque les cliniques de PMA ukraininnes dressaient la « liste des bébés pas encore nés » pour les parents n’en ayant la moindre idée – les autorités ukrainiennes ont initié l’enquête sur BioTexCom en 2018. Les persécuteurs ont réclamé l’autorisation de réaliser l’examen génétique chez plus de 200 enfants en Europe et en Chine. Le propriétaire de BioTexCom Albert Totchilovski et le médecin en chef ont été accusés de la traite des êtres humains, de la falsification des documents et de la fraude fiscale. M. Totchilovksi a été temporairement arrêté dans son logement, mais apparemment l’affaire n’a jamais été portée dans le tribunal. Totchilovski, étant le propriétaire de Biotexcom depuis 2012, affirmait que l’affaire du 2011 c’était produite « avant qu’il soit là » et qu’il ne s’agissait que d’une simple erreur d’embryons qui ne doit faire l’objet que des sanctions administratives.
En 2019 un journaliste australien a mis en lumière le cas de Bébé Bridgit dont les parents d’intention américains ont refusé de la garder après sa naissance prématurée, vu qu’elle nécessitait l’assistance médicale importante. A l’âge de 3 ans elle avait passé la grande partie de sa vie dans les hôpitaux et avait été placée dans un orphelinat en Ukraine. Là elle bénéficiait des soins suite à son handicap, en attendant toujours d’obtenir la nationalité ukrainienne sans laquelle elle n’était pas éligible à l’adoption. Selon M. Totchilovski, les parents d’intention de Bridgit n’étaient jamais ses clients et apparemment c’étaient ceux d’une autre clinique qui prétendait être Biotexcom afin de gâcher sa réputation.
Modèle commercial : « La GPA la moins chère en Europe »
BioTexCom est l’agnt principal sur le marché dynamique de la GPA en Ukraine, nourri par la pauvreté et l’instabilité de ce pays. Ceci est même exposé sur le site : « LA GPA la moins chère en Ukraine – le pays le plus pauvre de l’Europe ». Totchilovski affirme d’occuper le quart du marché de la GPA dans le monde et 70% du marché ukrainien.
La société en question se distingue d’autres cliniques de PMA et d’agences de la GPA en proposant les forfaits tout est compris, y compris la formule « Succès garanti » de la FIV avec garantie de remboursement après 5 essais de la FIV, si la grossesse ne survient pas ou si elle s’arrête avant le terme de 12 SA. Leurs forfaits de la GPA, dont les prix commencent à 34900 euros, incluent les tentatives illimitées de la FIV avec les mères porteuses en utilisant le don d’ovocytes (les patients ont 2 tentatives avec leurs propres ovocytes).
BioTexCom propose à ses clients potentiels un repos de luxe avec l’hébergement dans les « hôtels haut de gamme », ainsi que les repas, les chauffeurs et même la carte SIM avec numéro local fourni par la clinique. Le « forfait VIP » pour 64900 euros comprend les prestations en dehors de la proposition standarde de la gpa « tout est compris » (34900 euros), en ajoutant le choix de sexe, la compensation pour la mère porteuse en cas de grossesse gémellaire, et la priorité dans la file d’attente (moins de 4 mois d’attente par rapport à « jusqu’à 1 an » dans le forfait standard de la GPA).
Ces formules incluent un large nombre de prestations. Biotexcom possède et gère non seulement la clinique, mais aussi les appartements, les hôtels, l’équipe logistique, et les chauffeurs privés. Ce type de « l’intégration verticale » est rare dans l’industrie de fertilité, même dans les agences internationales de la GPA dont la spécialité est le « tourisme procréatif ». Totchilovski envisage l’expansion horizontale de son empire, en espérant de commercialiser au bout du compte les biotechnologies marginales suscitant des problèmes éthiques et n’étant pas encore adaptées à la mise en oeuvre. L’utérus artificiel et les organes humains cultivés dans un laboratoire sont parmi ces techniques.
La normalisation de la technique à risque
La liste courante des prestations de BioTexCom fait preuve de négligence explicite de la responsabilité et des normes éthiques. La société fait la promotion active de la procédure risquée et non testée qui fait objet des discussions acharnées dans le monde entier en tant que « supplément » standard à la FIV.
Aux alentours du début 2019 BioTexCom a proposé aux femmes âgées de plus de 40 ans la procédure qu’ils appellent le « don de mitochondries » ou « la substitution mitochondriale » en tant que partie des forfaits de la FIV. A partir de septembre de la même année le don de mitochondries fait partie des forfaits de la GPA. Les femmes bénéficient deux tentatives de la FIV avec don de mitochondries (pour soi-même ou pour une mère porteuse).
La procédure proposée par Biotexcom est connue comme « le transfert de l’ooplasme » ou « le transfert du cytoplasme ». Ceci inclut le retrait du cytoplasme (contenant les mitochondries) de l’ovule de la donneuse et son injection avec le sperme dans l’ovule de la mère.
Même si Biotexcom désignait parfois cette méthode comme la « thérapie mitochondriale de substitution », elle est différente par rapport aux méthodes expérimentales mises au point de sorte que les femmes atteintes des certaines formes de la maladie mitochondriale puissent avoir des enfants pas atteints de ce trouble et étant génétiquement liés à elles. Ces méthodes qu’on appelle souvent « la substitution mitochondriale » ou de « transfert des mitochondries » sont plus précisement désignées comme « le transfert du noyau », vu qu’elles entendent le remplacement du noyau de l’ovocyte maternel par l’ovocyte anculé de la donneuse.
La justification du transfert du cytoplasme dans la PMA est qu’avec l’âge la chute de fertilité féminine est avant tout due aux mitochondries moins fonctionnelles. Il est présumé que l’injection des « mitochondries saines et fonctionnelles » des ovocytes d’une donneuse fertile augmente les chances de conception et améliore la qualité des embryons obtenus. Or, ça reste une hypothèse qui n’est quasiment pas prouvée.
En réalité, il y a eu bizarrement peu de recherches scientifiques et cliniques sur le transfert cytoplasmatique. Les premiers essais ont été réalisés dans une clinique aux Etats-Unis à la fin des années 1990. 17 accouchements ont été déclarés avant que cette méthode soit interdite par la FDA à cause des risques pour la sécurité et les craintes sur « la modification de-facto de la lignée germinale ». La surveillance du bien-être de ces enfants s’est limitée à des publications sporadiques dans les médias et une recherche publiée à la base des réponses aux questionnaire envoyées par les parents de ces enfants.
Ces procédures comportent des risques élevés. Le besoin d’obtenir le cytoplasme à partir des ovules des donneuses se traduit par le nombre augmenté de femmes qui seront soumises à la stimulation ovarienne et au retrait des ovules, ce qui crée une série des risques à long et à court terme très peu étudiés. Un des graves dangers propres aux manipulations mitochondriales est la « hétéroplasmie mitochondriale » qui fait référence à la présence dans les cellules des mitochondries de deux sources différents – l’ovule maternelle et l’ovule de la donneuse. D’où le problème de l’incohérence de l’ADN mitochondriale et ADN du noyau cellulaire. Les séquelles de telle incohérence pour la santé sont inconnues.
Aucune information sur les risques n’est présentée sur le site de BioTexCom. En fait, il y peu d’informations sur la méthode particulière qu’ils utilisent, et il n’y a pas de preuves scientifiques de son efficacité. Dans la vidéo publicitaire le médecin décrit la procédure de façon simplifiée et erronée en la comparant avec le remplacement de « la pile Duracell ». Dans une autre vidéo ils prétendent « rajeunir complètement » les ovules des femmes à partir de 40 ans, en augmentant ainsi leurs chances de grossesse avec les propres ovules. La procédure est présentée comme une alternative au don d’ovocytes permettant aux parents d’avoir la « filiation 100% » avec leurs progénitures.
Pendant le webinaire d’octobre 2019 BioTexCom a annoncé que l’utilisation de cette technique a un « taux de réussite élevé » – 55%, et a promis aux clients potentiels les « résultats garantis ». Par contre, il y a un hic : le succès est uniquement défini comme une grossesse étant venue jusqu’au terme de 12 semaines. A l’époque où le webinaire a eu lieu la technique n’était appliquée que depuis 6 mois, du coup il n’y avait alors aucune naissance suite à un don de mitochondries.
Néanmoins, ils ont rassuré les clients potentiels que la procédure était absolument sécurisée sans aucun impact sur la santé des futurs enfants conçus avec cette méthode peu fiable. Ils avaient appelé la procédure « une innovation » à plusieurs reprises, au lieu de dire ce qu’elle est en réalité : le test incontrôlé et très risqué sur les humains.
Autre côté débridé de l’industrie de la fertilité
La modification génétique héréditaire qui comprend probablement toutes les méthodes de la manipulation des mitochondries, vu que l’ADN modifiée est transmis de la mère, est prohibée dans presque 50 pays. Cependant, certaines cliniques (et certains scientifiques) considèrent les manipulations mitochondriales comme une « zone grise » non cadrée ou insuffisamment cadrée, parce que pour eux la modification génétique ne comprend que les modifications de l’ADN dans le noyau cellulaire, et pas quelques dizaines de gènes dans la mitochondrie.
Les règlements ukrainiens de la modification génétique héréditaire sont vagues, mais il semble généralement accepté que les manipulations mitochondriales n’y sont pas interdites.
A la fin de l’année 2016 un autre Ukrainien, docteur Velerii Zoukine de la clinique « Nadiya » à Kiev, a annoncé avoir assisté à l’accouchement suite au transfert des noyaus dans le but de traitement de sterilité et pas pour prévention de la transmission des maladies mitochondriales. Ceci était juste quelques semaines après la déclaration par John Zhang de la naissance qu Mexique (où il avait transporté l’embryon pour contourner les lois américains) de l’enfant conçu grâce à cette méthode. Après l’interdiction de vente des matériaux nucléaires issue par la FDA à la clinique new-yorkaise de Zhang « Darwin Life Clinic », cette dernière a formé un partenariat avec Nadiya pour proposer cette prestation en Ukraine.
L’astuce marketing du don de mitochondries à Biotexcom en tant que supplément à la FIV, mélangée avec la confusion de l’ooplasme et le transfert nucléaire (les deux partagent le même terme trompeur du « don de mitochondries » et la « substitution mitochondriale »), favorise la normalisation de ces procédures à risque. Leur application dans la PMA visant les buts lucratifs met en danger la santé de tous les enfants qu’ils puissent créer.
Totchilovski de Biotexcom pense que dans la PMA en Ukraine « le plus important est de rendre impossible l’intervention des forces de l’ordre dans notre travail ». Toutefois, à part des abus dans les contrats de la GPA et de l’usage hasardé des techniques à risque, il y a de quoi s’inquiéter dans cette ambiance de Wild West et l’absence de règlements strictes. Il ne faut pas attendre une nouvelle crise pour attirer l’attention à ces gâchis.
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