Trois Feydeau pour le prix d’un

Published 12/07/2015 in Spectacle vivant, Théâtre

Quand le diable s’en mêle, de Feydeau. Mise en scène Didier Bezace, à Grignan (Drôme). (Photo Nathalie Hervieux)

CRITIQUE A Grignan, Didier Bezace rassemble de courtes pièces du dramaturge comique mais joue d’effets trop appuyés.

«Mais ne fait pas youp comme ça !», s’énerve la femme. «J’ai le hoquet», s’excuse l’homme. Il a englouti un peu trop vite son plat de macaronis. Pas seulement par gourmandise, mais pour soutenir son épouse en passe d’accoucher avec un mois d’avance. Ils déambulent ensemble histoire d’accélérer le processus. Léonie – c’est le nom de la femme – fait tourner en bourrique son compagnon. L’autre se met en quatre jusqu’à se coiffer, bien que récalcitrant, devant l’épouse et la belle-mère d’un pot de chambre. Ainsi démarre Léonie est en avance, courte pièce de Feydeau jouée en extérieur sur le parvis du château de Grignan dans la Drôme, qui constitue le premier volet du triptyque mis en scène par Didier Bezace sous le titre Quand le diable s’en mêle. Le diable en question, interprété par Philippe Bérodot, sert de personnage récurrent entre les trois pièces, les deux autres étant Feu la mère de Madame et On purge bébé.

Pour amusante qu’elle soit cette idée de diable, dont le personnage cornu est par ailleurs fort bien interprété par Bérodot, n’apporte pas grand-chose. Précisons que Bezace avait déjà monté ces trois pièces il y a une quinzaine d’années. Si Feydeau met en scène l’enfer du couple, c’est avant tout des protagonistes eux-mêmes que naît l’absurdité de situations où bêtise et folie douce ont partie liée. À quoi bon ajouter de la fumée, par exemple, pour suggérer de méphitiques vapeurs sulfureuses sans relation avec ce qui se trame sur le plateau ? De fait cette intervention d’une force maligne extérieure est surtout une facilité qui explique peut-être le curieux manque de punch de ce spectacle qui va en s’affaissant progressivement.

La pièce vire parfois à la farce aigre

Si Léonie est en avance est du bon Feydeau impeccablement joué avec ses saillies pétillantes et si Feu la mère de Madame tient encore le coup quoique déjà un ton en dessous, On purge bébé pâtit d’un traitement tellement littéral que la pièce vire à la farce aigre. Seul Ged Marlon dans le rôle du malheureux Chouilloux tire son épingle du jeu. S’approchant du pot de chambre brisé en mille morceaux après qu’il a été dûment lancé contre les marches de la porte d’entrée du château pour tester sa solidité, il constate avec la conviction d’un expert quelque peu désabusé «C’est cassé».

Il y a dans son personnage borderline et légèrement envapé une faille qui fait tout le charme du théâtre de Feydeau quand Thierry Gibault et Clotilde Mollet dans le rôle des époux Follavoine s’affrontent dans un registre acerbe relevant d’un naturalisme excessif. À quoi s’ajoute le fait qu’il n’est pas heureux d’avoir choisi le diable en personne pour jouer Toto le fils récalcitrant qui ne veut pas prendre sa purge. Là encore, les effets sont décidément trop appuyés.

Quand le diable s’en mêle, d’après Georges Feydeau. Mise en scène de Didier Bezace. Jusqu’au 22 août à Grignan.

Hugues LE TANNEUR

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