Coupe Davis : la méthode Noah en question

Published 01/02/2018 in Sports

Coupe Davis : la méthode Noah en question
Des joueurs et le capitaine de l’équipe de France à Albertville, jeudi.

Tennis

Avant le premier tour contre les Pays-Bas, ce week-end, on apprend que la victoire en finale en décembre contre la Belgique s’est peut-être jouée sur un coup de poker du capitaine français.

C’est reparti pour un tour : tenante du titre après sa victoire en finale face aux Belges à Lille en novembre, l’équipe de France de tennis attaque l’édition 2018 de la Coupe Davis ce vendredi à Albertville (Savoie). Face à une équipe dans la droite ligne des terreurs (on plaisante) battues en 2017 : les Pays-Bas du 42e mondial Robin Haase, seul Néerlandais à patrouiller dans le top 100 mondial – la France dispose de six joueurs dans le Top 50. Le capitaine, Yannick Noah, a déjà prévu de tirer le rideau à l’issue de la présente édition, sa troisième saison de rang : «Pour mon premier mandat [entre 1991 et 1992, ndlr], je suis resté deux ans. Pour mon deuxième [entre 1995 et 1997], trois ans. Au-delà, je sature. Je n’ai plus rien à dire et à partager. C’est ma limite : au bout d’un moment, je radote. La Coupe Davis et les gars me manqueront et j’espère que je leur manquerai. Qu’ils diront parfois : “C’était bien avec Yann, finalement.”»

Au fond, tout est dans le «finalement» : l’édition 2017, et plus précisément la finale face aux Belges, a laissé du sang sur les murs, la façon qu’ont eue ces gars-là de la rhabiller a posteriori posant du coup question. Voilà très exactement ce qui s’est passé. Le dimanche précédant la rencontre, Yannick Noah écarte Pierre-Hugues Herbert du groupe de quatre joueurs devant en découdre face aux Belges, titularisant Nicolas Mahut et Julien Benneteau en plus de Lucas Pouille et de Jo-Wilfried Tsonga, indiscutables en simple.

Le lendemain, Herbert veut partir, Mahut le rattrape par la manche et le raccroche à l’entraînement prévu, son rôle se réduisant dès lors à se mettre au service des quatre titulaires. Mais Herbert n’en a plus rien à foutre. Et il est là pour le montrer : l’Alsacien envoie des missiles sur chaque frappe, empêchant ses vis-à-vis de se régler – certains s’exaspèrent, d’autres trouvent la déception de Herbert légitime mais l’ambiance lourde.

Contes de fées. Comme souvent en pareil cas, et ça vaut pour le joueur du dimanche comme au très haut niveau, Herbert, complètement relâché, fait mouche sur chaque frappe, nettoyant les lignes et débordant ses opposants : plutôt que d’y voir un joueur passant ses nerfs au détriment des copains, contredisant ainsi la doxa collective, Noah est impressionné par le caractère et «la folie» (un observateur) d’un joueur refusant son éviction. Il décide de laisser vivre ce caractère : exit Mahut et Benneteau (qui en seront quittes pour une petite cuite le mercredi soir) et Herbert remporte le point du double six jours plus tard au côté de Richard Gasquet.

Très faible, la paire belge est cependant passée à quelques points du jackpot : Noah a peut-être eu raison, mais il a peut-être, à l’inverse, mis l’équipe en danger. C’est l’histoire du verre à moitié vide et à moitié plein. Benneteau expliquera dans l’Equipe tenir grief à Herbert pour son attitude, celui-ci ayant poussé le bouchon après la victoire de Lille jusqu’à dire qu’il «n’aurait pas compris» que Mahut ou Benneteau soient sélectionnés à sa place.

Mais alors, à quoi correspond la comédie du bonheur et de la concorde que tous ces gars-là sont allés jouer sur les plateaux télé dans la foulée du succès ? Du foutage de gueule ? Assurément. La volonté de donner au public ce qu’il attend, ou plutôt ce que les acteurs pensent qu’il attend ? C’est à craindre. Le camp tricolore tenait une magnifique histoire de sport : des egos, des larmes, le désir exacerbé d’en être, une manière de trahison (Herbert dispute le double à l’année avec Mahut), des ambiguïtés par wagons. Les joueurs et l’encadrement ont préféré raconter des contes de fées, comme si un succès pareil – le joueur le mieux classé battu par un Français lors de la Coupe Davis 2017 était 42e mondial – se suffisait à lui-même. Et Noah a recommencé en début de semaine.

Dragon. On a ainsi appris que Pouille avait «nettoyé les affaires» et «rangé les chaussettes» de Gasquet au Japon en février 2017, que Monfils (une sélection en deux ans) était chaud bouillant pour disputer la Coupe Davis, et que l’équipe néerlandaise était un dragon terrible avec une queue de 30 mètres et des dents comme des rasoirs : «Pas d’excès de confiance, on joue une équipe qui n’a rien à perdre. C’est toujours plus simple de jouer à l’extérieur en n’ayant rien à perdre qu’à la maison [ce qui donne l’avantage de choisir la surface, ndlr] en favori.» On allait le dire : mieux vaut être malade et pauvre que riche et en bonne santé. Vivement la suite.

Jo-Wilfried Tsonga Forfait

Touché à un genou, Jo-Wilfried Tsonga a dû déclarer forfait pour le premier tour contre les Pays-Bas, ce week-end à Albertville. Numériquement, il sera remplacé dans l’équipe par Adrian Mannarino, qui ne devrait logiquement pas fouler le terrain puisque les titulaires sont déjà connus.

Vendredi : Pouille – De Bakker – Gasquet – Haase. Samedi : Mahut/Herbert – Rojer/Middelkoop. Dimanche : Pouille – Haase – Gasquet – De Bakker.

ParGrégory Schneider

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