Stephen Hawking à la recherche de signaux extraterrestres

Published 21/07/2015 in Sciences

Stephen Hawking, le 8 février, à Londres. (Photo Justin Tallis. AFP)

RÉCITL’astrophysicien britannique a présenté un ambitieux programme scientifique d’écoute et d’envoi de messages dans l’espace.

Le climat de Pluton, l’existence de la matière noire, la théorie des cordes, l’âge de l’univers… C’est bien joli, tout ça. Mais Stephen Hawking aimerait qu’on se concentre une minute et qu’on revienne aux fondamentaux : les extraterrestres. «Il n’y a pas de question plus importante que celle de la vie au-delà de la Terre, a annoncé l’astrophysicien ce lundi matin, lors d’une conférence à la Royal Society Science Academy de Londres. Il est temps de s’engager à trouver la réponse. Nous sommes vivants, nous sommes intelligents, nous devons savoir.»

Pour répondre à cet objectif ambitieux, il a annoncé le lancement d’un programme scientifique nommé «Breakthrough Initiative» et décliné en deux volets : «Listen» permettra d’«écouter» l’univers à la recherche d’un signe de vie intelligente, tandis que «Message» vise à envoyer nos propres signaux de vie à travers l’espace.

Breakthrough Listen reprend donc le principe du programme Seti (Search for Extra-Terrestrial Intelligence), lancé par la Nasa dans les années 1970 pour repérer des ondes d’origine artificielle dans le bruit aléatoire de l’espace. Le financement de Seti a toujours été sujet à polémique. Celui de Breakthrough Listen sera entièrement privé : c’est Youri Milner, ancien chercheur en physique et entrepreneur russe à la tête d’une fortune à 3,2 milliards de dollars, qui fournira les 100 millions de dollars nécessaires au fonctionnement du projet pendant dix ans. «En un jour, Breakthrough Listen collectera plus de données qu’en un an avec les méthodes précédentes», juge Geoff Marcy, grand découvreur de planètes extrasolaires.

En temps réel. Selon le chercheur Andrew Siemion, qui était aussi présent à la conférence, Seti permet aujourd’hui de scanner et analyser 800 000 longueurs d’ondes différentes. Breakthrough pourra en écouter 10 milliards, et avec une sensibilité 50 fois supérieure. Comme le dit Marcy, «nous ne savons pas dans quelle fréquence une éventuelle civilisation extraterrestre émet. Il faut donc scanner le maximum de longueurs d’ondes.»

Pour commencer, le programme mobilisera le radiotélescope Green Bank et son antenne de 100 mètres de diamètre aux Etats-Unis, et celui de 64 mètres dans l’observatoire Parkes en Australie. Il s’agira ensuite de développer des logiciels capables d’analyser les données reçues – jusqu’à 10 gigaoctets par seconde. A ce rythme, impossible de les stocker : il faudra les étudier en temps réel. Les données seront publiques, et les internautes seront invités à participer à leur analyse (comme le propose le site Seti@Home).

Il est intéressant de noter que le nom de Stephen Hawking n’apparaît nulle part sur le site de la Breakthrough Initiative. On y compte d’ex-cerveaux de l’équipe Seti et autres scientifiques aguerris, mais inconnus du grand public. Et aucun label Nasa, qui aurait garanti l’attention médiatique. Lundi, ils ont donc fait le choix judicieux de laisser le micro à la rockstar de l’astronomie, qui a l’étonnant pouvoir de captiver les foules à chaque prise de parole, qu’il cause trous noirs ou lise un extrait de 50 nuances de Grey (si si, c’est sur YouTube).

Eloquence. C’est réussi : un obscur milliardaire russe a mis les sous, des anonymes chercheurs fournissent le jus de cervelle, mais Hawking, qui a prêté son éloquence, son humour, son fauteuil du futur et sa voix synthétique, a remporté la mise. Dans tous les articles de presse, Breakthrough est devenu «son» projet.

L’ironie du sort ? Hawking n’est pas entièrement acquis à sa cause. S’il estime essentiel de mobiliser toutes nos capacités pour écouter l’espace, il exprime depuis plusieurs années son inquiétude à l’idée qu’une civilisation plus avancée découvre la Terre. «Historiquement, les confrontations entre civilisations ont souvent été désastreuses pour les moins avancées sur le plan technologique, a-t-il répété lundi, désapprouvant l’initiative d’envoyer un message radio depuis la Terre. Une civilisation recevant nos messages pourrait avoir des milliards d’années d’avance sur nous, être bien plus puissante, et ne pas nous réserver plus d’égards qu’à des bactéries.»

Camille GÉVAUDAN

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