Californie : «On prévoit des sécheresses plus longues et plus graves»

Published 18/07/2015 in Terre

Un champ d’amandiers morts, à côté d’un champ d’amandiers verdoyant. La Californie produit 80% des amandes mondiales. (Photo Lucy Nicholson. Reuters)

VERBATIMPour la scientifique Juliet Christian-Smith, «ce qu’on vit aujourd’hui comme une sécheresse extrême sera, d’ici la fin du siècle, considéré comme une année normale».

Juliet Christian-Smith est scientifique spécialiste du climat, basée à Oakland (Californie). Chercheuse associée au Pacific Institute, elle appartient à la Union of Concerned Scientists et revient pour Libération sur la grave sécheresse frappant la Californie depuis quatre ans.

«2014 a été l’année la plus chaude enregistrée, et pour l’avenir, on prévoit des sécheresses plus longues et plus graves. On va perdre les quantités de neige sur lesquelles le système d’irrigation est basé, et elle fond de plus en plus tôt. Dans le même temps, jusqu’ici, il y a eu surconsommation d’eau par les agriculteurs, notamment sur les eaux souterraines : on a perdu 140 km3 entre 1900 et 2008. Rien qu’en 2011 et 2012, on a perdu 20 km3 sous la Central Valley.

«Depuis des décennies, on utilise bien plus d’eau qu’il n’en arrive dans le système. A l’origine, la Central Valley était dédiée à l’élevage et aux pâturages, ce qui n’était pas trop coûteux en eau. Aujourd’hui, il faut irriguer des cultures permanentes et des vergers, et personne ne contrôle vraiment le système. La Californie a été le dernier Etat de l’Ouest à adopter une loi [entrée en vigueur le 1er janvier 2015] pour imposer une gestion durable des nappes phréatiques. Mais le premier plan en ce sens n’est pas attendu avant 2020…

«L’Etat n’a pas exercé son autorité de façon responsable»

«Ce qui est tragique, c’est que les gens ont géré l’eau de façon séparée, comme si les autres n’existaient pas. Et l’Etat n’a pas exercé son autorité de façon responsable. Il a alloué six à dix fois plus d’eau que ce qui était disponible. C’est un peu comme si vous imprimiez autant de billets de banque que vous voulez, sans vous soucier des réserves disponibles : on appelle ça de “l’eau en papier”. Autre insuffisance : normalement, pour creuser un puits, on doit prouver qu’il y a de l’eau. Mais l’Etat n’a eu ni la ressource ni l’intérêt pour contraindre les gens à apporter cette preuve.

«Certains pensent toujours qu’il suffit de construire de nouveaux barrages pour avoir plus d’eau – une antienne depuis cinquante ans… Et d’autres, dès qu’on leur impose des restrictions, les contestent en justice. A chaque sécheresse, les procédures judiciaires augmentent. 

«Il faut réviser complètement le système. Il ne fonctionne plus, alors que ce qu’on vit aujourd’hui comme une sécheresse extrême sera, d’ici la fin du siècle, considéré comme une année normale. Il faut totalement changer notre vision : pas pour plus de barrages, mais pour plus de recyclage de l’eau, et plus d’économies.

«Beaucoup s’y opposent : la pression est intense de la part de gens très puissants. Mais si on a en 2016 encore une année de sécheresse, qui sera la cinquième en continu, ça va ouvrir des opportunités. Rappelons que l’Australie a vécu dix ans de sécheresse, et ce n’est qu’à la sixième qu’elle a consenti à des changements importants.»

Michel HENRY

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