Régionales : la création du poste de président délégué divise à gauche

Published 11/08/2015 in Politique

Les socialistes Carole Delga et Damien Alary, en mai. (Photo Pascal Pavani. AFP)

RÉCITAvant l’arrivée des nouvelles grandes régions, Manuel Valls veut créer un nouveau poste de président délégué au sein des exécutifs. Mais cette nouvelle fonction ne plaît pas à tous les socialistes, notamment en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon.

Le gouvernement n’en a pas fini avec les polémiques sur la réforme territoriale. Après l’épisode (douloureux) du choix des capitales des nouvelles régions, entérinées lors du dernier Conseil des ministres, le 31 juillet, c’est maintenant la création du poste de président délégué, dans chacune des treize grandes régions, qui attise les tensions.

Une création rendue publique par l’actuel président PS du Languedoc-Roussillon, Damien Alary, le 30 juillet, après sa rencontre avec Manuel Valls. Ce nouveau poste s’intercalerait entre le poste de président et ceux de vice-présidents. Une manière de conserver l’équilibre entre les anciens territoires, avec un président et un président délégué qui viendraient de régions différentes.

Mais cette annonce ne fait pas l’unanimité, notamment chez les élus de Midi-Pyrénées – Languedoc-Roussillon. Pour les détracteurs de Damien Alary, ce nouveau poste ne servirait qu’à le recaser après avoir été victime de l’accord entre le PS et le PRG. En cas de victoire, le poste de présidente reviendrait à la socialiste Carole Delga et celui de première vice-présidente à la radicale Sylvia Pinel. Damien Alary récupérerait donc le poste de président délégué. Des accusations rejetées par Renaud Helfer-Aubrac, directeur de cabinet du président de Languedoc-Roussillon : «La présidence déléguée est une initiative qui émane de Paris. Il s’agit d’une mesure nationale pour assurer l’équilibre entre les territoires et elle n’est absolument pas réservée à notre seule région.»

Un amendement plutôt qu’une loi

Reste que pour Philippe Saurel, maire de Montpellier exclu du PS pour s’être présenté aux municipales de 2014 contre le candidat officiel, la création de ce nouveau poste «affaiblit la gouvernance de la région et divise le territoire : cette tambouille réalisée à Solférino [siège du PS, ndlr] supprimerait la vision d’unité de la nouvelle région». Ami de Manuel Valls et candidat divers gauche aux régionales en Midi-Pyrénées – Languedoc-Roussillon, il n’hésite pas à prévenir l’exécutif : «Il existe un consensus large contre cette loi.» Un rejet que confirme Sébastien Denaja, député socialiste de l’Hérault : «Si on doit voter un texte à l’Assemblée, il est peu probable qu’il y ait une majorité socialiste.»

Coresponsable du groupe socialiste à l’Assemblée sur le premier volet de la réforme territoriale, Sébastien Denaja affiche également son scepticisme face à ce projet qui dénaturerait, selon lui, l’esprit de la loi Notre (Nouvelle organisation territoriale de la République) : «Je comprends l’initiative, il faut donner des gages aux anciennes régions mais les postes de vice-présidents suffisent à assurer la diversité territoriale.» Il doute même de la réalité de cette nouvelle fonction : «A ce jour, le groupe socialiste n’a jamais évoqué un tel projet. Nous aurons d’autres priorités à la rentrée.»

Le cabinet du secrétaire d’Etat à la réforme territoriale, André Vallini, chargé du dossier, confirme bien son existence : «Tout n’est pas encore tranché par le Premier ministre mais ça va venir d’ici la fin de l’année, pour que les nouveaux exécutifs régionaux puissent s’en servir.» La façon de procéder n’a pas encore été entérinée, mais un amendement incorporé dans un texte législatif serait pour le moment préféré à une loi.

«Nous ne serons pas une direction bicéphale»

Face à la polémique qui enfle, le cabinet de Vallini tient à relativiser la portée et les compétences de ce futur poste : «On laisse le choix aux assemblées régionales de le créer ou pas, ce ne sera pas une obligation. La fusion a créé de grands territoires, le président délégué sera surtout là pour représenter le président dans les démarches protocolaires. On est dans le symbolique.»

La création de cette nouvelle fonction fait aussi s’opposer deux visions de la réforme territoriale. Celle-ci doit-elle respecter, pour quelque temps encore, l’équilibre des anciens territoires ou, au contraire les faire disparaître ? «Il ne faut pas faire vivre d’anciennes entités régionales, il faut les oublier, prévient Sébastien Denaja. On a construit un ensemble homogène, à travers un président et une vice-présidence. Il ne faut pas fragiliser cette gouvernance.» Du côté du cabinet d’André Vallini, cette nouvelle fonction est primordiale pour assurer l’équilibre entre tous les territoires : «Personne ne doit être mis à l’écart. Tout le monde doit se sentir concerné et associé à la démarche collective.»

Une position défendue par Carole Delga, candidate socialiste à la présidence de la région Midi-Pyrénées – Languedoc-Roussillon, qui a déjà promis à Damien Alary le poste de président délégué en cas de victoire. Ce qui permettra, selon elle, une fusion en douceur de deux régions aux politiques parfois très différentes. «On va vivre une période de transition, il y aura beaucoup de débats entre les élus des deux entités. Damien Alary a une forte connaissance du fonctionnement des régions, il sera donc primordial pour faciliter les convergences des politiques publiques.» Mais elle prévient, ce ne sera pas une présidence bis : «Nous ne serons pas une direction bicéphale. Il n’y aura pas de concurrence entre nous, ce sera bien moi la présidente.»

Jérémie LAMOTHE

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