Les rendez-vous manqués de François Rebsamen

Published 10/08/2015 in Politique

Le ministre du Travail, François Rebsamen, à l’Assemblée le 12 mai. (Photo Eric Feferberg. AFP)

ANALYSEL’encore ministre du Travail est de retour à la mairie de Dijon depuis lundi. Il démissionnera du gouvernement le 19 août, au conseil des ministres de rentrée.

François Rebsamen et le quinquennat Hollande, c’est l’histoire d’un rendez-vous manqué. Ce lundi, l’encore ministre du Travail pour à peine dix jours a été élu par le conseil municipal de Dijon. Pas de sa faute : «Rebs» rentre à la maison après le décès, fin juillet, d’Alain Millot, lequel lui avait succédé en Bourgogne après son entrée, en avril 2014, au gouvernement. Dans neuf jours, confirme ce lundi Rebsamen au Parisien, il remettra sa démission, «à la fin du conseil des ministres» de rentrée. Ciao la rue de Grenelle. Au total, il sera resté moins d’un an et demi à Paris. Très peu pour un fidèle de Hollande, qui avait le poids politique pour être ministre cinq ans. Raté.

2012-2014 : l’Intérieur sinon rien

Le poste aurait dû lui revenir. En tout cas, il s’y était préparé. Avant la victoire de François Hollande, François Rebsamen avait peaufiné ses réseaux dans la police nationale. Responsable des questions de sécurité dans l’équipe de campagne du futur président, le maire de Dijon avait déjà en tête les réformes qu’il s’imaginait mettre en œuvre une fois installé place Beauvau. Mais pour des raisons d’équilibres internes à la majorité, Hollande, à peine installé à l’Elysée, lui explique que l’Intérieur est offert à Manuel Valls. La nomination fait partie du deal avec l’ex-candidat à la primaire qui s’est occupé de sa communication présidentielle. «Rebs» avait prévenu que ce serait «l’Intérieur sinon rien». Il reste donc simple patron des sénateurs socialistes et n’hésite pas, en privé, à critiquer l’absence de vraie réforme de la police nationale par Valls.

Au Sénat, il n’arrive pas à tenir des communistes qui quittent, très tôt, la majorité sénatoriale et prend la tête d’une première fronde parlementaire contre le non-cumul des mandats. Sénateur-maire de Dijon, Rebsamen tente jusqu’au bout d’exonérer les membres de la Chambre Haute de cette nouvelle obligation de choisir entre un mandat national et la direction d’un exécutif local. «Je considère que les sénateurs, élus par des élus pour les représenter dans la chambre des collectivités territoriales doivent pouvoir cumuler un mandat exécutif local avec leur mandat de parlementaire», expliquait-il, qualifiant les défenseurs du non-cumul de «populistes». Une étiquette de «cumulard» qui lui revient aujourd’hui en boomerang alors qu’il reste, pour quelques jours, ministre en plus d’être redevenu maire.

2014-2015 : l’appel du Travail

Le gouvernement , ça ne se refuse pas deux fois. Et pourtant, pour François Rebsamen, le ministère du Travail n’est qu’un second choix. Après la débâcle des municipales, Manuel Valls est nommé à Matignon. La place à Beauvau est donc libre. Mais l’ex-locataire, soucieux de rester le boss à l’Intérieur, ne veut de Rebsamen dans ses pattes. Lequel est pourtant soutenu par Hollande. Valls veut y placer un de ses proches, le député du Finistère et président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas. Match nul : le couple exécutif s’entend pour nommer Bernard Cazeneuve au poste. Reste que Hollande veut faire entrer ce hollandais de poids : il lui propose alors la tâche difficile de remplacer Michel Sapin au Travail. D’emblée, le nouveau ministre s’emploie à casser la communication de son prédécesseur : cette histoire de «baisse de la courbe du chômage» a plombé le Président et son action, estime-t-il. Il tente ainsi de ne plus être le ministre des mauvaises nouvelles et prépare un projet de loi «sur le dialogue social». Rebsamen engage le chantier des seuils sociaux et s’autorise même à évoquer «plus de souplesse» concernant les 35 heures. Un discours aux accents libéraux qui fait grincer du côté des syndicats et encourage le patronat – à qui il demande publiquement d’arrêter de «geindre et pleurnicher» – à en demander plus au gouvernement. Même si sa loi, passée après la loi Macron, a été purgée de ses éléments les plus explosifs pour s’éviter une autre crise de majorité.

2015-2017 : retour à Dijon

A l’entendre, redevenir maire de Dijon serait un «engagement» pris devant ses électeurs lors de son départ pour Paris : «Celui de redevenir maire si un jour [Alain Millot] ne devait plus l’être.» Sauf que ce choix pris fin juillet, quelques jours après le décès de celui qui lui avait succédé en Bourgogne, de quitter le Travail avec une courbe du chômage toujours en hausse pour rentrer dans son fief dijonnais fait mauvais genre. D’autant plus que Rebsamen a été tout sauf clair sur la question du cumul. Et ce, malgré la charte de déontologie mise en place depuis 2012 et signée par chaque membre du gouvernement, s’engageant à laisser de côté son exécutif local le temps de son passage dans un ministère. «Je remettrai ma démission le 19 août à la fin du prochain conseil des ministres», annonce Rebsamen pour la première fois dans le Parisien. Ce qui annonce un mini-remaniement pour la rentrée du gouvernement, dans dix jours. Manière aussi de ne pas laisser la rentrée des socialistes, du 28 au 30 août à La Rochelle pour leur université d’été, tourner autour du cas Rebsamen.

Lilian ALEMAGNA

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