A Bure, la com très verrouillée des anti-déchets nucléaires

Published 04/08/2015 in Société

Dans le laboratoire de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) , à Bure (Meuse), le 4 février 2013. (Photo Jean-Christophe Verhaegen. AFP)

REPORTAGETrès méfiants avec les journalistes, le collectif qui organise cette semaine un campement contre le site d’enfouissement de la Meuse interdit toute visite du site.

«Pas très intelligent comme question…» : d’emblée, le ton est donné, samedi, par le collectif contre le site d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure, dans la Meuse. La question idiote ? Combien de personnes sont susceptibles de répondre à l’appel du collectif VMC, qui organise, du 1er au 10 août, à Luméville-en-Ornois (Meuse), un campement contre le projet du gouvernement. «Nous attendons environ 200 personnes», finit par concéder l’un des membres du collectif «Vladimir, Martine & Co». Un nom choisi par solidarité avec Vladimir Martynenko… le conducteur de la déneigeuse impliquée dans l’accident qui a coûté la vie au président de Total, Christophe de Margerie, sur la piste de décollage d’un aéroport moscovite, le 21 octobre.

Le camp se situe au bord de la route, à environ 5 kilomètres de Bure, village meusien de 86 habitants, aux confins des départements de la Meuse, de la Haute-Marne et des Vosges, à quelques centaines de mètres des laboratoires de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Déchets qui pourraient être enterrés à 500 mètres de profondeur d’ici 2025, et qui soulèvent des vagues de contestations depuis deux décennies. «Nous sommes venus pour renforcer la lutte locale», explique Alice, une des porte-parole du collectif, dont les membres, une soixantaine, se sont rencontrés à Notre-Dame des Landes, sur le barrage de Sivens ou lors de contre-sommets.

«Grimpe militante»

Pendant dix jours, les opposants à l’enfouissement camperont sur le terrain «prêté par un agriculteur sympathisant», et s’adonneront à divers ateliers de «partages de pratiques» et discussions. Au programme, des «moments de partage non mixtes pour une gynécologie domestique», un atelier de «grimpe militante», des pique-niques, des balades et une cantine vegan. «L’objectif est de se rencontrer, de discuter, de construire les réseaux de lutte, de mettre en relation différentes personnes avec différentes luttes.»

Difficile de se faire une idée de l’ambiance et du mode de vie sur place, tant l’accès au campement est surveillé. Tout journaliste doit montrer patte blanche pour se voir autorisé à être conduit, sans caméra ni appareil photo, sur le chemin de terre au bout duquel se trouve l’entrée du terrain. Et sur lequel gisent les murs de la gare désaffectée de Luméville. Seule indication notoire, fournie par la présence d’une balle de foin à l’entrée du terrain : le camp est équipé de toilettes sèches. A peine pouvait-on apercevoir, samedi après-midi, une soixantaine de personnes.

Conviés à une conférence de presse lundi midi, les journalistes devaient décliner leur identité et médias d’appartenance pour pourvoir prendre place dans la salle de la maison de la Résistance de Bure. «Nous sommes pour l’anti-autoritarisme, l’anticapitalisme et l’autogestion», expliquaient les porte-parole en préambule à une longue énumération de concepts et de nom en –isme. Au préalable, ces défenseurs de l’«horizontalité», hostiles à toute forme de hiérarchie, avaient pris soin d’établir les règles du «débat» au cours duquel les journalistes étaient filmés, enregistrés et photographiés : «Nous expliquons ce que nous avons à vous dire. Vous poserez vos questions après.» 

«Nous véhiculons avant tout des idées» 

A l’issue de cette rencontre, nous ne saurons cependant rien de ces militants, si ce n’est qu’ils sont contre le sommet COP21 sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre, contre de nombreux projets d’aménagement du territoire, contre le nucléaire, les frontières, la répression et le système sécuritaire. «Puis-je connaître votre patronyme ?» se hasardera l’un des journalistes présents. «Nous véhiculons avant tout des idées», lui répondra-t-on en guise de refus. «Le camp est-il ouvert aux journalistes ? Avez-vous quelque chose à cacher ?» osera un second. Nouveau refus.

Impossible, en réalité, de passer le barrage de cette communication hostile et verrouillée, même du côté des participants au campement. Croisé par hasard, au sortir d’une sieste dans la forêt, l’un d’eux se défiant d’être sous la coupe d’un quelconque chef confiera pourtant avoir reçu la consigne de ne pas s’adresser aux médias. Et la fameuse question idiote consistant à savoir combien de personnes se trouvaient sur le camp n’avait, mardi soir, toujours pas trouvé de réponse. «Une soixantaine», « plusieurs centaines », «500», pouvait-on lire dans la presse. «Un millier, à vue de nez», selon un membre de l’équipe de communication. «Environ 300», avançait le capitaine de la brigade de gendarmerie de Commercy. A défaut de pouvoir travailler, à vous de vous faire une idée.

Sandrine ISSARTEL Correspondance à Nancy

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