Tel-Aviv sur Seine : sables mouvants à Paris

Published 12/08/2015 in Politique

A Paris Plages, mercredi. (Photo Albert Facelly)

RÉCITL’événement organisé ce jeudi par la mairie s’est vite transformé en polémique politique. Relançant le débat sur le boycott d’Israël et les moyens pour lutter contre sa politique de colonisation.

Tel-Aviv sur Seine d’un côté. Gaza Plage de l’autre. A 500 m des transats de Paris Plages, une dizaine d’associations propalestiennes appellent à manifester, ce jeudi, contre l’opération culturelle organisée par la mairie de Paris, mettant à l’honneur la ville israélienne. «Célébrer Tel-Aviv à Paris, c’est tenter de normaliser la situation de colonisation, d’apartheid et d’épuration ethnique que subit le peuple palestinien», dénonce la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), regroupant des militants pour le boycott des produits israéliens (lire page 5).

«Barouf»

Tel-Aviv sur Seine : ce qui ne devait être qu’une banale célébration du jumelage de Paris avec la capitale économique d’Israël s’est transformé en polémique politique de l’été. Ce jeudi, 500 policiers et gendarmes seront donc déployés sur les quais de Seine, «afin de prévenir tout trouble à l’ordre public», a annoncé mercredi la préfecture de police de Paris. Contactée par Libération, la mairie de Paris confirme la tenue de Tel-Aviv sur Seine dans sa forme prévue au départ et ce, malgré les demandes d’annulation des associations propalestiniennes et de certains partis de gauche : «Ce ne sera que quelques falafels vendus dans des food trucks, des groupes de musique et des activités pour les enfants, rappelle le premier adjoint PS d’Anne Hidalgo, Bruno Julliard. Tout ce barouf renforce malheureusement les plus radicaux en Israël.»

Un «barouf» qui a démarré ce week-end sur les réseaux sociaux (lire encadré) et déclenché une petite crise dans la majorité PS-PCF-Ecolo de la maire de Paris, Anne Hidalgo. Dès samedi, embrayant sur la polémique née sur Twitter, la conseillère d’opposition du Parti de gauche Danielle Simonnet offre à la mobilisation anti-Tel-Aviv sur Seine un relais politique… et une caisse de résonance médiatique. Dans un communiqué, elle dénonce «l’indécence totale de la ville de Paris» de mettre «à l’honneur» la capitale économique d’Israël «et ses ambiances festives à Paris Plages […], tout juste une année après les massacres sur la bande de Gaza par l’Etat et l’armée israélienne».

Voyant leur camarade du PG réussir son coup, les communistes – membres de la majorité – demandent aussi, lundi, «l’annulation» de la journée, pour la remplacer par «une initiative de la ville qui contribue à une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens». Mardi soir, c’est au tour des écologistes, autres membres de la majorité, de qualifier cette «opération», dans un communiqué conjoint avec le Front de gauche, de «provocation» et de proposer l’invitation de «la municipalité de Ramallah, avec laquelle la ville de Paris est jumelée». Comme Tel-Aviv. «On ne peut pas penser qu’il y a une bulle à Tel-Aviv où on célébrerait une dolce vita, la plage, des DJ, le mojito, sans se préoccuper de ce qui se passe», ajoutait Eric Coquerel (PG), mercredi.

«Pédagogie»

Pas question pour Hidalgo de changer de position. «Je ne saurais rendre une ville ou une population comptable de la politique de son gouvernement, expliquait-elle dans le Monde. S’agissant ici de la première ville d’opposition en Israël, ce serait au mieux grotesque, au pire contreproductif». Dans son entourage, on rappelle aussi l’engagement de la Mairie de Paris pour la paix au Proche-Orient : reconnaissance en 2014 de l’Etat palestinien, jumelages avec des villes palestiniennes, accueil le 25 août de la maire de Bethléem à Paris… «Avec nos partenaires, il y a toujours eu des débats, des nuances sur ces sujets diplomatiques, minimise Julliard. Ce n’est pas le cœur de notre gestion municipale.» Dans le camp de la maire de Paris, on regrette surtout de voir écolos et communistes courir après le PG. «Ils ont peur qu’une partie de leur fonds de commerce soit préemptée par d’autres», dit-on dans l’entourage d’Hidalgo, pris de court par ses propres alliés. «On savait que cela susciterait des interrogations et qu’il faudrait faire preuve de pédagogie, explique le premier adjoint de la mairie de Paris, Bruno Julliard, à Libération. Mais on ne s’attendait pas à une telle radicalité sur les réseaux sociaux et à tant de démagogie de la part de certains de nos partenaires».

Reste que le bilan est mauvais pour Hidalgo. Même si elle a reçu le «soutien total» de Manuel Valls – qui a dénoncé mercredi sur Twitter un «déferlement de bêtise» – sa seule opposante de gauche a réussi à entailler sa majorité municipale, et la droite s’amuse de voir socialistes, communistes et écologistes s’empailler sur un sujet aussi sensible que le conflit israélo-palestinien. La manifestation sera, de fait, gâchée par l’important dispositif de sécurité. Et des médias à l’affût du moindre débordement.

Lilian ALEMAGNA

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