Emmanuelle Cosse : «Le gouvernement ne peut plus faire l’autruche sur l’écotaxe»

Published 11/08/2015 in Politique

Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EE-LV, le 13 juin, à Paris.(Photo Joël Saget. AFP)

INTERVIEWLa secrétaire nationale d’Europe Ecologie-les Verts demande à Matignon de laisser vivre le débat sur la taxe poids lourds à l’occasion des régionales.

Tête de liste d’Europe Ecologie-les Verts (EE-LV) en région Ile-de-France, Emmanuelle Cosse regrette la décisionde Matignon de fermer la porte à un retour de l’écotaxe via une expérimentation dans les régions. «Le gouvernement n’envisage pas du tout d’ouvrir [cette] possibilité, a expliqué à l’AFP l’entourage du Premier ministre. Entre le moment où l’écotaxe a été suspendue et le moment où on a liquidé le dispositif, il y a eu tout un temps de réflexion sur les alternatives, dont celle-là, mais maintenant, on en n’est plus là.»

Quelle est votre réaction à la décision de Matignon d’enterrer de suite l’idée d’une écotaxe régionale ?

Malheureusement, je ne suis pas surprise. Dès 2013, nous avions regretté la décision de Jean-Marc Ayrault de «suspendre» l’écotaxe. Nous avions alors alerté sur le fait qu’il ne fallait pas démonter les portiques, car il était possible d’expérimenter le dispositif dans certaines régions. Entendre Frédéric Cuvillier [député-maire de Boulogne-sur-Mer, ndlr], qui connaît très bien cette question pour avoir été ministre délégué aux Transports, relancer cette semaine l’idée d’une écotaxe régionale était donc une excellente surprise. Le gouvernement ne peut plus faire l’autruche : l’écotaxe n’est plus un simple dada des écologistes. Des dirigeants socialistes, candidats aux régionales comme Pierre de Saintignon [en Nord-Pas-de-Calais-Picardie] ou Claude Bartolone [en Ile-de-France], veulent expérimenter la mesure dans leurs régions s’ils sont élus. Ceux qui s’intéressent aux transports de manière sérieuse disent tous qu’il faut aujourd’hui remplacer notre fiscalité actuelle par une fiscalité écologique qui permette de s’attaquer au trafic routier en constante augmentation.

Pourquoi, selon vous, Matignon reste aussi fermée à l’idée d’un tel outil fiscal ?

Je ne comprends toujours pas le choix déraisonnable de Ségolène Royal d’enterrer l’écotaxe. C’était une erreur historique. D’abord parce que cela nous a coûté près d’un milliard d’euros et que, à l’image de pays comme l’Allemagne ou la Pologne, l’Etat aurait pu récolter plusieurs milliards pour financer la transition énergétique dans notre pays. Le principe d’une telle taxe est simple : celui qui pollue, paie. De plus, je rappelle que les transporteurs routiers ont obtenu des contreparties à la mise en place de cette mesure, comme, par exemple, une exonération de la taxe à l’essieu qu’ils ont gardé depuis ! Une écotaxe régionale aurait l’avantage de redonner un levier fiscal aux régions et de permettre à des collectivités comme l’Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, Nord-Pas-de-Calais-Picardie ou encore l’Ile-de-France de ne plus voir les poids lourds encombrer les axes routiers. Aujourd’hui, des transporteurs traversent la France en évitant les péages, contournent les pays européens appliquant une telle taxe et surchargent des axes routiers déjà très surchargés. C’est un tabou en France : on ne peut plus parler de fiscalité nouvelle qui taxe les activités polluantes. Pourquoi Matignon ne laisse-t-il pas vivre ce débat dans la campagne des régionales ?

Alors qu’une crise agricole vient d’éclater, pensez-vous que le gouvernement redoute de revivre l’épisode breton des «bonnets rouges» de 2013 ?

Mais ce n’est pas l’écotaxe qui cause la crise des agriculteurs français ! Cette dernière est liée à la fin d’un modèle de production que les écologistes dénoncent depuis des années : une pression exercée par les industriels sur les producteurs et certains éleveurs devenus prisonniers d’un modèle qu’ils n’ont pas voulu changer, produire de la viande de mauvaise qualité destinée à l’export.

Lilian ALEMAGNA

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