Attaque dans le Thalys : ce que l’on sait

Published 21/08/2015 in Société

Un enquêteur inspecte le Thalys où un homme a ouvert le feu, à Arras, le 21 août. (Photo Phillipe Huguen. AFP)

SYNTHÈSEL’homme lourdement armé qui a ouvert le feu dans un Thalys vendredi s’appelle Ayoub El Khazzani. Il s’agit d’un Marocain de 25 ans. Il a été maîtrisé grâce à l’intervention de plusieurs passagers.

Un carnage a été évité vendredi dans un train Thalys reliant Amsterdam à Paris après que trois militaires américains ont maîtrisé, à l’aide d’un passager britannique, un homme lourdement armé qui a ouvert le feu, une attaque vraisemblablement terroriste menée huit mois après les attentats de janvier à Paris. Un Français avait aussi tenté juste avant de maîtriser le tireur.

Le suspect, transféré samedi matin vers les locaux de l’antiterrorisme en région parisienne, s’appelle Ayoub El Khazzani. Les analyses ADN ont confirmé son identité selon nos informations. Ce Marocain, né le 3 septembre 1989, est soupçonné d’appartenir à la «mouvance islamiste radicale». Le parquet fédéral belge a annoncé samedi l’ouverture d’une enquête «sur la base de la loi antiterrorisme».

Que s’est-il passé dans le train Thalys ?

Vendredi après-midi, Anthony Sadler, un étudiant californien de 23 ans, voyage avec ses amis Alek Skarlatos, 22 ans, et Spencer Stone, tous deux militaires américains, qu’il avait retrouvé pour des vacances en Europe. Dans le même wagon qu’eux, de ce Thalys 9364 qui effectuait la liaison entre Amsterdam et Paris, ils remarquent un homme au comportement suspect qui multipliait, selon leurs déclarations, les allers et retours aux toilettes. 

Quand tout à coup, à 17h50, au moins un coup de feu retentit dans le train à hauteur de Oignies (Haute Picardie). Un voyageur français est alors «intervenu en premier pour maîtriser l’agresseur» a relaté samedi le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. En allant aux toilettes de la voiture 12, l’homme «s’est trouvé face à un individu porteur d’un fusil d’assaut kalachnikov en bandoulière». Il a alors «tenté courageusement de le maîtriser avant que l’agresseur ne tire plusieurs coups de feu».

Interviennent alors les passagers américains. «Spencer [Stone, un des deux militaires] a bien couru 10 mètres jusqu’au type. On s’est mis à le taper à la tête jusqu’à ce qu’il s’écroule», a raconté l’Américain Alek Skarlatos qui ramasse à ce moment-là l’arme de l’agresseur.

Mais à terre, le tireur porte des coups de couteau à son ami Spencer Stone. «Le gars a sorti un cutter et il a tailladé Spencer à l’arrière du cou, il lui a pratiquement coupé le pouce aussi, Spencer l’a tenu et on l’a finalement maîtrisé, il était inconscient, on a fini par l’attacher, poursuit  le sexagénaire britannique. Un employé du train nous a apporté la cravate d’un uniforme Thalys avec laquelle nous avons lié les poignets de l’homme. Puis nous avons joint ses chevilles à ses poignets».

Pour attacher le tireur, les Américains sont aidés par un quatrième homme, Chris Norman, un consultant britannique âgé de 62 ans, qui voyageait dans le même wagon. L’assaut aura duré une quarantaine de secondes et l’agresseur a seulement dit «Donne moi mon arme, donne moi mon arme» a a raconté Anthony Sadler. «On a pris son arme et il n’a rien dit d’autre.»

Sur des images filmées par un téléphone portable à l’intérieur du train et diffusées par CNN, on peut voir l’assaillant, un jeune homme mince, portant un pantalon clair et torse nu, plaqué au sol sur le ventre, les mains attachées dans le dos. Une kalachnikov est posée contre un siège et du sang est visible sur une vitre du wagon.

Frédéric Leturque, le maire de la ville, s’est déplacé vendredi soir pour remettre une médaille d’honneur aux deux Américains (le troisième était à l’hôpital) et au Britannique. Les trois Américains ont été salués comme des héros par les autorités françaises et par le président Barack Obama, qui leur a exprimé sa «profonde gratitude». Bernard Cazeneuve a rendu hommage au voyageur français ainsi qu’aux passagers américains, saluant leur «comportement courageux, plein de bravoure».

Qui a été blessé ?

L’attaque a fait deux blessés (et non trois comme annoncé au départ). Le premier est un passager «de nationalité franco-américaine». Blessé par balle au moment où le premier passager français s’est interposé, il a été héliporté au CHU de Lille. Le deuxième, blessé par le cutter de l’agresseur, est le militaire américain Spencer Stone qui a immobilisé le tireur avec ses amis. Leur pronostic vital «n’est fort heureusement pas engagé» a indiqué le minsitre de l’Intérieur samedi.

L’acteur français Jean-Hugues Anglade qui se trouvait dans le train s’est lui légèrement blessé en «tentant d’activer le signal d’alarme», selon un porte-parole de la SNCF.

Que sait-on du tireur ?

Le suspect s’appelle Ayoub El Khazzani. Les analyses ADN ont confirmé son identité selon nos informations. Il s’agit d’un Marocain de 25 ans.

A lire aussi : Thalys : les empreintes digitales confirment l’identité d’Ayoub El Khazzani

Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé samedi que le suspect avait été signalé à la France en février 2014 par les services espagnols pour son appartenance à la«mouvance islamiste radicale». Il a vécu un an à Algeciras (Andalousie) de 2013 à mars 2014 et fréquentait une mosquée identifiée comme salafiste.

Selon Bernard Cazeneuve, Ayoub El Khazzani a résidé en 2014 en Espagne puis en 2015 en Belgique. Selon nos informations, il s’était également envolé à Istanbul en mai dernier.

Fin février 2014, les services français ont émis une fiche «S» le concernant, afin de le repérer s’il venait en France. Cette fiche vise les personnes ayant notamment des liens avec le terrorisme pour les indentifier lorsqu’ils passent une frontière mais elle n’enclenche pas obligatoirement une surveillance. 

Une source antiterroriste espagnole, contactée par l’AFP explique, elle, que Ayoub El Khazzani s’est installé en France début 2014, qu’il a ensuite pris le chemin de la Syrie, avant de revenir dans l’Hexagone. Une affirmation que ne confirment pas la police en France et qui fait l’objet d’un certain scepticisme.

Lourdement armé, il a ouvert le feu à au moins une reprise. Le carnage qu’il s’apprêtait visiblement à commettre a donc été évité par l’intervention des militaires américains. 

S’agit-il d’un acte terrotiste ? 

Le suspect a affirmé aux enquêtes avoir voulu «braquer et rançonner les passagers du train». Selon son avocate commise d’office, interrogée dimanche par BFM TV, il est même «médusé» par les accusations de terrorisme et nie avoir tiré un seul coup de feu.

Mais le parquet antiterroriste de Paris, dont la compétence est nationale, s’est immédiatement saisi de l’enquête. Le suspect est en garde à vue samedi à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), en banlieue parisienne, siège de la sous-direction antiterroriste (SDAT) et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), où il a été transféré tôt samedi matin depuis Arras.

Le parquet fédéral belge a annoncé samedi l’ouverture d’une enquête sur la «base de la loi antiterrorisme».

«Il avait vraiment planifié la fusillade. Il avait sept à huit chargeurs dans son sac, deux armes à feu. Il savait pourquoi il était là» a déclaré Alex Skarlatos, l’un des Américains qui l’a maîtrisé dans le train.

Le parquet fédéral belge a également annoncé samedi l’ouverture d’une enquête «sur la base de la loi antiterrorisme».

Le président François Hollande a assuré vendredi soir que «tout est mis en oeuvre pour faire la lumière sur ce drame et obtenir toutes les informations nécessaires sur ce qui s’est produit». Dans un communiqué, l’Elysée a également affirmé que François Hollande et le Premier ministre belge vont «coopérer étroitement» dans l’enquête engagée. Le premier ministre belge Charles Michel a fait mention d’une «attaque terroriste» sur Twitter.

Manuel Valls a, lui, exprimé sa «gratitude» aux militaires américains :

Que s’est-il passé après l’attaque ?

«Nous étions dans le train et nous avons senti qu’il ralentissait peu avant Arras. 30 minutes plus tard, il s’est arrêté totalement. Une fois en gare, on est resté 15 minutes bloqués. Ensuite, il y a eu un message dans le train nous disant qu’une intervention de la police était en cours. On est sorti du Thalys et on a vu des blessés sur le quai», ont témoigné Maxime Vialat, et Charlotte Bosse, 20 ans.

Hervé, joint par Libération, était dans la deuxième rame du train : «Un peu avant 18 heures, entre Lille et Arras, le train s’est arrêté en pleine campagne, sans explication.  J’ai vu une employée du Thalys sortir et se coucher dans l’herbe. D’autres passagers sont sortis du train. On ne comprenait pas ce qui se passait car on n’a pas entendu de signal de détresse. Puis le train est reparti, et a été détourné à Arras. Une fois dans la gare, on nous a demandé de nous coucher par terre.»

Après être descendus du Thalys, les voyageurs se sont vu distribuer boissons et collations dans un gymnase tout proche de la gare. Puis tous y ont été interrogés à tour de rôle par la police qui souhaitait recueillir leur témoignage, selon un porte-parole de la SNCF. Ils ont été réacheminés dans la nuit et «personnellement pris en charge à l’arrivée avec des chambres d’hôtels, des réacheminements taxi et des assistances psychologiques à leur disposition ainsi qu’à celle des personnels», précise dans un communiqué Thalys, filiale de la SNCF, de son homologue belge SNCB et de l’Allemand Deutsche Bahn. 

LIBERATION

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