A Chilly-Mazarin, c’est porc pour tous dans les cantines scolaires

Published 04/09/2015 in France

[PHOTO D’ILLUSTRATION] Dans une cantine scolaire, en 2002. (Photo AFP)

RÉCITDes parents se mobilisent contre la décision brusque du maire Les Républicains de la commune de l’Essonne de supprimer les menus de substitution.

«Jeudi 16 septembre: rôti de porc / gratin de courgettes. Lundi 21: sauté de porc moutarde à l’ancienne / haricots plats d’Espagne. Mardi 29: saucisse de Strasbourg, jeudi 1er octobre: coquillettes bio au jambon gratinées.» Le jour de la rentrée scolaire, en regardant le menu de la cantine pour les semaines à venir, à l’entrée des écoles de Chilly-Mazarin (Essonne), les parents ont cherché, en vain, l’habituelle ligne supplémentaire les jours où le cochon était à la carte. «La ligne avait disparu, plus de repas de substitution», raconte Julie (1), mère de trois enfants scolarisés en maternelle et primaire. Le soir, sur les fiches d’inscription à la cantine, la case «ne mange pas de porc», s’était elle aussi évanouie. Julie appelle l’hôtel de ville. Au cabinet du maire, on lui rétorque que l’inscription à la cantine est «facultative». «J’ai eu une adjointe au maire qui m’a dit clairement que la décision avait été prise en raison des nouvelles orientations politiques de la commune.»

Ce que conteste Julie, rejointe par de nombreux parents d’élèves chiroquois, qui ont lancé une pétition et une manifestation ce samedi à 11 heures, c’est non seulement le fond de la décision — «renvoyer en classe des petits qui n’auront mangé qu’une salade, un fromage et un dessert» —, mais aussi la forme. La mesure, en effet, n’a pas été votée en conseil municipal, «ni même annoncée en commission des menus, qui se réunit tous les trois mois», précise Axelle Pons, présidente de l’association des parents d’élèves du Château. Tous l’ont découverte le jour de la rentrée, sans aucun sas pour se retourner. «Nous non plus ne savions pas, confie une maîtresse de primaire. Les enseignants sont très choqués, c’est unanime. C’est l’inverse de ce qu’on enseigne aux enfants, la tolérance, le respect d’autres coutumes. C’est une façon de monter les communautés les unes contre les autres, dans une ville où la cohabitation est apaisée.»

«Chilly-Mazarin n’est pas une ville où il y a des tensions communautaires», confirme l’ancienne maire (PS) et chef de file de l’opposition Rafika Rezgui. La pratique des repas de substitution n’y était, comme ailleurs, pas récente. «Elle remonte à la fin des années 60, avec la vague des rapatriés d’Afrique du Nord, précise Rafika Rezgui. Elle a été mise en place par une mairie de droite avant que la gauche ne prenne le pouvoir de 1977 à 2014.» Pour l’élue, la réforme représente d’autant plus une «provocation gratuite» qu’elle ne permet «ni économies, ni simplification». L’ensemble des repas des cantines chiroquoises, en effet, sont préparés dans une cuisine fournissant également les villes de Massy et d’Epinay-sur-Orge. Or, pour ces communes, les repas alternatifs sans porc continuent d’être cuisinés.

«Sphère privée et familiale»

Dans une «note d’information» transmise aux parents d’élèves et consultable sur son site internet, le maire de Chilly-Mazarin Jean-Paul Beneytou (Les Républicains) explique que «la majorité municipale ne souhaite plus différencier la composition des repas en fonction d’un interdit religieux qui relève de la sphère privée et familiale, en application du principe de laïcité.» L’édile n’était «pas disponible», ce vendredi, pour répondre aux questions de Libération. Sa note ajoute également que, désormais, «la viande et les légumes seront servis séparément aux enfants». L’affirmation fait tiquer Julie: «Lorsqu’ils annoncent, en octobre, “tartiflette”, ou “coquillettes bio au jambon gratinées”, il faudra qu’ils m’expliquent comment ils comptent séparer la viande des légumes!» «Au bout du compte, les victimes de cette histoire sont les enfants, qui pour certains n’auront presque rien à manger un midi par semaine, s’insurge la représentante de parents d’élèves Axelle Pons. On n’est pas sur un débat de religion, mais sur quelque chose de primordial à défendre qui relève des droits de l’enfant.»

Chilly-Mazarin est la troisième ville de France, après sa voisine limitrophe Wissous et Chalon-sur-Saône, à imposer le porc pour tous. Le maire Jean-Paul Beneytou est toutefois le seul à avoir employé une méthode aussi autoritaire et expéditive, sans aucun vote ni même annonce préalable. «C’est un habitué des décisions de droite extrême», commente Rafika Rezgui. En décembre 2014, il avait annoncé son refus de scolariser les enfants hébergés par le SAMU social et la Croix Rouge dans les écoles de sa ville.

Dans les rangs de son parti, peu se sont hasardés à commenter. Lydia Guirous, porte-parole des Républicains, ne se refuse pas toutefois à apporter son approbation personnelle. «Je suis favorable à la suppression des menus de substitution. La situation actuelle nous oblige à réaffirmer la laïcité et à la renforcer face aux attaques dont elle est la cible. On est dans une conjoncture où plus aucun arrangement avec la laïcité n’est possible. Il faut refaire de l’école un sanctuaire, où l’on entre en laissant sur le palier ses convictions religieuses.» Une position semblable à celle de Nicolas Sarkozy, qui avait apporté son soutien au maire de Chalon-sur-Saône supprimant les menus de substitution au printemps. D’autres poids lourds de droite, comme Alain Juppé, François Fillon, Valérie Pécresse, Bruno Le Maire, Christian Jacob sont au contraire pour le maintien de l’option «sans porc».

(1) Le prénom a été modifié.

Ondine MILLOT

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