LR en ordre dispersé

Published 04/09/2015 in France

Le président de Les Républicains, Nicolas Sarkozy, le 3 juin, à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). (Photo Laurent Troude)

ANALYSELa droite va tenter ce week-end à La Baule de sauver les apparences avec une «belle photo de famille». Mais la lutte pour la primaire bat son plein, au point de faire douter Sarkozy.

Le plus sérieusement du monde, Nicolas Sarkozy invite les candidats à l’élection présidentielle de 2017 à faire passer «le collectif» avant leurs ambitions personnelles. «Les primaires auront lieu à la fin de 2016. Les Français ne comprendraient pas que nous leur donnions le sentiment d’être obsédés trop tôt par cette échéance», écrit-il ce mercredi sur son compte Facebook. Venant d’un grand fauve politique dont l’obsession présidentielle est notoire – peut-être même pathologique, selon certains diagnostics -, cette mise en garde fait évidemment sourire. Elle intervient à la veille du rassemblement annuel des militants Les Républicains (LR) de Loire-Atlantique, où Sarkozy devraient croiser – furtivement – Alain Juppé et François Fillon (mais pas Bruno Le Maire, en voyage à Jérusalem).

Ce sera, assurent les organisateurs, l’occasion d’une «belle photo de famille». Autour de Bruno Retailleau, candidat LR à la présidence des Pays-de-Loire, la droite aura beau jeu d’affirmer qu’elle se présente en ordre de marche pour les régionales de décembre, à l’inverse d’une gauche en ruine et d’une extrême droite en plein vaudeville familial.

L’ex-chef de l’Etat voudra faire de cette réunion le symbole de sa capacité à pacifier et à rassembler la droite. «Nous avons su renforcer notre unité, en faisant l’effort d’apaiser nos tensions internes», se félicite-t-il sur Facebook. Insistant lourdement sur cette «exigence d’unité» qui imposerait d’en finir avec «les affrontements internes stériles».

Cette insistance trahit surtout une inquiétude. Programmée en novembre 2016, la primaire qui sélectionnera le candidat de la droite pour 2017 est déjà dans tous les esprits. Or, plus cette compétition s’installera comme une évidence, moins Sarkozy pourra tirer bénéfice de sa position de chef de parti. Quand il avait annoncé son retour, le 19 septembre 2014 (sur Facebook déjà), l’ancien président pensait ne faire qu’une bouchée des Juppé, Fillon et Le Maire. Quelques mois devaient suffire à affirmer son leadership et à démontrer qu’il était le seul capable de rassembler sa «famille» et de «redonner espoir» aux Français. Un an plus tard, devancé par Juppé dans les sondages, Nicolas Sarkozy donne surtout de l’espoir à François Hollande, qui voit en lui le seul adversaire de droite capable de perdre contre lui en 2017.

Noyau dur

«Il n’est pas serein. On le sent contrarié, agacé», confie un élu LR qui participait mercredi soir à la réunion hebdomadaire de la commission exécutive du parti. Mais il en faut beaucoup plus pour faire douter Sarkozy. Même si les choses sont un peu plus complexes que prévu, même si de nombreux jeunes élus restent insensibles à ses avances répétées, l’ancien chef de l’Etat ne doute pas de sa victoire finale. Il explique à qui veut l’entendre que sa stratégie est mûrement réfléchie et qu’il saura, le moment venu, faire la différence. Il assure qu’il gagnera, parce que «le noyau dur» des électeurs de droite lui est acquis. Encore faut-il que ce noyau dur soit rassuré sur sa capacité à contrer la «primarisation» du débat politique.

Inédit à droite, ce phénomène se manifeste, en cette rentrée, par des initiatives en cascade de ses adversaires : les trois candidats à la primaire s’emploient à étoffer leurs troupes et à les structurer pour le combat, ils peaufinent leurs projets et lèvent les fonds nécessaires à la future campagne. Devant ses amis rassemblés dans la Sarthe, Fillon vient de faire le serment qu’il irait jusqu’au bout. Dans deux semaines, il expliquera dans un livre qualifié de «personnel» les ressorts de son ambition. Le Maire s’obstine, imperturbable, à expliquer devant des salles pleines qu’il sera l’homme du «renouveau». Quant à Juppé, il expose méthodiquement comment il entend «apaiser, rassembler et réformer» la France en 2017. Le 3 octobre, à Paris, il a prévu de réunir, devant son état-major au grand complet, tous les responsables de ses comités locaux.

Retentissement

Pour Sarkozy, la primarisation est une menace parce qu’elle tend à ne laisser au parti qu’un rôle de figuration. Il doit donc la freiner pour placer LR au cœur du débat. Une primaire ? D’accord, mais le plus tard possible. Tel est, en substance, son message de rentrée. Plutôt que de défendre leurs propres propositions sur l’école, la laïcité ou la fiscalité, les candidats sont sommés de défendre «une position commune sur un ensemble de sujets essentiels», tout en gardant la liberté «d’aller plus loin sur tel ou tel point».

Cet appel au «collectif» n’a aucune chance d’être entendu. Fillon, Juppé et Le Maire ne sont pas dupes de la stratégie de Sarkozy : donner le plus de retentissement possible à son travail de rassembleur et se déclarer le plus tard possible. Et si Juppé ne conteste pas la nécessité de définir un «socle de valeurs communes», il a prévenu, le 26 août dans le Monde, qu’il n’accepterait pas que «le parti s’engage dans la définition d’un programme extrêmement contraignant qu’il prétendrait imposer à tous les candidats». Dans le camp juppéiste, on se montre toutefois compréhensif : «Sarkozy essaie de profiter des atouts que lui donne la présidence du parti. C’est de bonne guerre.» Le décor est planté. L’année qui vient sera celle de la fable du rassembleur et des diviseurs.

Alain AUFFRAY

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