Pollution routière : dommages collatéraux chez les enfants

Published 18/09/2015 in Sciences

La préfecture du Rhône émet régulièrement des alertes pollution, notamment en été. Photo prise le 16 juillet 2005, à Lyon.

santé

Des chercheurs ont montré que la fréquence de nouveaux cas de leucémie de type myéloblastique était plus élevée chez les enfants vivants à proximité du trafic routier.

C’est une nouvelle étude qui démontre l’effet nocif de la pollution automobile sur ceux qui la respirent. Et des enfants, qui plus est. En analysant 2 760 cas de leucémie diagnostiqués chez des moins de 15 ans en France métropolitaine entre 2002 et 2007, des chercheurs du Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité (Cress) ont mis en évidence le lien entre des nouveaux cas de leucémie de type myéloblastique – celle qui s’attaque aux cellules souches myéloïdes à l’origine des globules rouges – et l’exposition au trafic routier. Leurs travaux ont été publiés mardi dans l’American Journal of Epidemiology.

«La fréquence des leucémies de type myéloblastique serait plus élevée de 30% chez les enfants habitant dans un rayon inférieur à 150 mètres des routes à fort trafic et lorsque la longueur cumulée des tronçons routiers dans ce rayon dépasse 260 m», explique dans un communiqué Jacqueline Clavel, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui a participé aux travaux. 

Risque doublé chez les enfants franciliens exposés

En Ile-de-France, elle et ses collègues ont même montré que «le risque de leucémie aiguë myéloblastique de l’enfant était doublé chez les enfants franciliens dont l’habitat était le plus exposé au trafic». Ces enfants habitaient dans des zones où le cumul des portions dépassait 300 m et la concentration annuelle en benzène à proximité de l’habitation était supérieure à la valeur médiane (1,3 µg/m3) mesurée par Airparif, l’association locale de surveillance de la qualité de l’air.

Le benzène est pointé comme l’un des principaux facteurs de risque des cas étudiés. Ce liquide incolore, très volatil, se trouve notamment dans l’essence – et sous forme de gaz à la sortie des pots d’échappement. Ceux qui y sont exposés de façon prolongée risquent hémorragies, infections, anémies et leucémies, selon le ministère du Travail. Son caractère cancérogène, lorsqu’il est en concentration élevée dans l’air, a été «établi chez l’adulte il y a plusieurs décennies», indique à Libération Denis Hémon, qui a participé aux recherches.

La pollution atmosphérique coûte 100 milliards par an

«On a voulu savoir si c’était aussi le cas à des concentrations plus basses chez l’enfant», raconte le chercheur. L’étude montre ainsi que, malgré la chute de la concentration du benzène dans l’atmosphère ces dernières décennies, celui-ci restait effectivement dangereux pour la santé. Pourquoi, alors, les chercheurs parlent-ils d’une fréquence de leucémie qui «serait» plus élevée ? «Pour une raison simple et académique : nous exprimons par là une réserve vis-à-vis de toutes les autres situations. Mais dans notre étude, le lien est bel et bien établi», explique Denis Hémon.

Dans un rapport publié le 15 juillet, la commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a estimé que celle-ci coûtait plus de 100 milliards d’euros par an à la France. «Le gouvernement doit prendre la pleine mesure du problème. Aujourd’hui, le texte de la transition énergétique est quasiment muet sur la question de la pollution de l’air, il y a un problème», avait réagi Jean-Paul Husson, président de la commission. Car bannir de la capitale les véhicules diesels les plus polluants – c’est le cas depuis le 1er septembre – ne suffira sans doute pas.

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ParGabriel Siméon

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