Le Grenier de Picasso, future résidence hôtelière ?

Published 09/09/2015 in Culture

Picasso avait installé son atelier dans ce grenier, mais c’est à l’étage du dessous qu’il a peint «Guernica».

récit

Un «comité de défense» dénonce l’accord passé entre le promoteur, la mairie de Paris et la famille Picasso.

Le sort du Grenier parisien de Picasso n’est pas encore définitivement réglé. Ce lieu où le maître a peint son célèbre Guernica pourrait devenir une résidence hôtelière fermée au public. D’où la levée de bouclier du Comité de défense des ateliers des Grands-Augustins présidé par l’architecte Michel Cantal-Dupart – avec  l’actrice Marie-Christine Barrault en présidente d’honneur – qui se réunit ce mercredi et menace d’un recours pour faire annuler le permis de construire.

Après presque deux années de batailles judiciaires, un accord semblait avoir été trouvé sur le devenir de l’ancien atelier du grand peintre au 7, rue des Grands-Augustins, classé en mai 2014 à l’inventaire des monuments historiques. Balzac situe dans ce célèbre lieu l’action de sa nouvelle le Chef-d’œuvre inconnu. Sont concernés les façades de l’hôtel du 5-7, rue des Grands-Augustins (depuis 1926) et les deux derniers étages (où vivait Picasso), ainsi que la toiture et l’escalier. En effet, au mois de juillet, les avocats de l’exploitant hôtelier (la société Helzéar) qui souhaite faire de la bâtisse une résidence hôtelière de 25 chambres, et ceux des héritiers de Pablo Picasso Maya et ses trois enfants, étaient parvenus à un accord juridique. Celui-ci prévoit l’installation, dans un espace du rez-de-chaussée, d’une fondation Maya Picasso pour l’éducation artistique, liée à la connaissance de la vie et de l’œuvre de l’artiste. Les étages seront, en échange, transformés en chambres, dans le respect du bâtiment. Cette dernière partie sera «régulièrement» mise à disposition pour des «conférences et des réceptions d’hôtes privilégiés, experts et chercheurs en relation avec l’œuvre de Picasso».

«Sanctuarisation»

Cette solution, emmenée par Olivier Picasso, est soutenue par le ministère de la Culture, le musée national Picasso-Paris ainsi que par la ville de Paris qui a délivré le permis de construire. Mais pour le Comité de défense et Alain Casabona, président du Comité national pour l’éducation artistique (CNEA), ancien locataire du grenier, après Picasso (qui en fut expulsé en 1955) mais aussi la troupe de Jean-Louis Barrault, restent vigilants et convoquent donc une conférence de presse, ce mercredi, à la mairie du VIe, en présence notamment de Jean-Pierre Lecoq, maire LR de l’arrondissement. «Nous souhaitons une “sanctuarisation” de l’étage historique de l’immeuble, ainsi qu’un plan d’occupation et un cahier des charges précis. Surtout, nous voulons également que l’ancien atelier soit accessible à un large public, notamment en direction des scolaires ainsi que l’accueil d’artistes en résidence», explique à Libération Alain Casabona.

Catherine Valère, directrice de feu la Gazette de Saint-Germain, qui s’est battue à l’époque contre la disparition des librairies du quartier, «trouve tout cela confus» : «Pourquoi la mairie a délivré ce permis ?» interroge-t-elle . Une inquiétude que ne peut dissiper le maire du VIe qui n’a pas, à ce jour, de réponse à son courrier envoyé à Anne Hidalgo pour lever le voile sur certaines imprécisions du dossier, notamment sur le fait que «le Grenier […] sera un lieu hôtelier polyvalent», selon les termes de la mairie.

Pour Pierre Bauchard, représentant de la ville de Paris auprès de Bruno Julliard, «la ville s’est mobilisée en faisant dialoguer tout le monde et arriver à ce compromis. On s’en sort par le haut». A défaut d’accord, le Comité de défense des ateliers des Grands-Augustins n’écarte pas recours en contentieux d’annulation du permis de construire, le 15 septembre. Pour Bauchard, «ça ne serait de l’intérêt de personne de repartir vers un contentieux dur.» Il assure par ailleurs que l’accord sera respecté et que si d’autres améliorations ou clarifications peuvent être apportées comme le souhaitent les membres du comité de soutien, la ville s’engage à y veiller.

A défaut d’accord, le Comité de défense des ateliers des Grands-Augustins n’écarte pas un recours en contentieux pour faire annuler du permis de construire, avant la date butoir du 15 septembre. Comme le souligne, Alain Casabona, «le grenier est la seule trace de passage de Picasso à Paris après le Bateau-Lavoir».

Actualisé à 13H43 : 

A l’issue de la conférence de presse qui s’est tenue ce matin à la mairie du VIe, il a été annoncé que Jean-Pierre Lecoq, rencontrera demain la maire de Paris Anne Hidalgo sur le dossier du grenier. Les opposants ont décidé de porter un recours en contentieux pour faire annuler du permis de construire, «si ils n’obtenaient les plans du projet hôtelier de la société Helzéar et surtout si celui-ci ne renonce pas faire une suite en lieu et place du grenier, ils exigent le sanctuarisation de l’espace», déclare à Libération Catherine Valère.

ParDominique Poiret

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