A Jérusalem, la colère des Palestiniens ne faiblit pas

Published 27/09/2015 in Monde

Des Palestiniens barricadent l’une des portes de la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem, le 27 septembre 2015.

Récit

L’arsenal répressif du gouvernement Nétanyahou satisfait l’opinion israélienne mais n’a aucun effet sur la rue palestinienne. Des nouvelles violences ont eu lieu sur l’esplanade des Mosquées dimanche.

A l’occasion du dernier jour de l’Aïd al-Adha (fête du sacrifice), l’une des dates principales du calendrier religieux musulman, de violents incidents ont opposé dimanche matin des dizaines de jeunes Palestiniens cagoulés et des unités antiémeutes de la police israélienne, dans et autour de l’esplanade des Mosquées à Jérusalem. Retranchés dans le bâtiment, les Palestiniens ont bombardé de pierres, de cocktails Molotov et de feux d’artifice les policiers de l’Etat hébreu qui répondaient par des jets de grenades lacrymogènes et des tirs de balles en caoutchouc.

Pour éviter les affrontements, le gouvernement israélien avait pourtant interdit l’accès de l’esplanade aux Juifs durant la période de l’Aïd al-Adha, puisque leur présence dégénère toujours en émeute. Cependant, dimanche, les Palestiniens ne manifestaient pas contre eux, mais pour exprimer leur colère après la mort d’Adil al-Hashlamoun, une étudiante âgée de 18 ans, abattue par un soldat israélien à Hébron.

Selon Tsahal (l’armée de l’Etat hébreu), la jeune fille aurait transporté un poignard et préparait donc à un attentat. Or, les témoins, dont certains qui ont filmé la scène, affirment qu’elle n’était pas menaçante au moment où elle a été tuée par le militaire, qui la mettait en joue à un mètre de distance.

Nouvelles mesures

Pour ajouter à la tension, la police israélienne et le Shabak (la Sûreté générale) ont annoncé samedi l’arrestation de quatre habitants de Jérusalem-est, accusés d’avoir, le 13 septembre, caillassé la voiture d’Alexander Levlovitch, un habitant juif de la ville. Paniqué, ce dernier avait alors foncé dans un poteau électrique avant de mourir à l’hôpital quelques heures plus tard.

Agés de 16 à 19 ans, les suspects auraient avoué selon le parquet de Jérusalem mais leurs proches, leurs voisins et l’opinion palestinienne en général sont persuadés qu’ils «n’ont rien fait». Que les services israéliens monteraient donc une grosse manipulation leur permettant d’accentuer la répression.

Peu après la mort de Levlovitch, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a mis en place un éventail de nouvelles mesures «antiémeutes» parmi lesquelles l’autorisation accordée aux forces de l’ordre de tirer sur les lanceurs de pierres à balles réelles, la création d’une peine minimale de quatre ans de prison pour ceux qui seraient arrêtés, l’instauration d’une forte amende pour les parents des mineurs arrêtés ainsi que le gel de leurs allocations sociales si leurs rejetons sont condamnés.

Pour l’heure, les forces de sécurité de l’Etat hébreu n’utilisent pas encore les balles réelles de manière systématique pour réprimer les manifestations palestiniennes, mais ce n’est qu’une question de temps. «Et dans ce cas-là, les Palestiniens les plus motivés passeront également à l’étape suivante : ils délaisseront les pierres ou les boulons pour les armes automatiques. Ou pire», estime que le chroniqueur Raviv Drucker. «Nous serons dans l’escalade et personne ne saura comment s’y prendre pour l’arrêter.»

«Intifada des pierres»

Sur le terrain, la police, les gardes-frontières et les soldats israéliens brûlent déjà beaucoup plus les balles en caoutchouc que par le passé. Ce qui explique, par exemple, pourquoi le chef de la police de Naplouse a été blessé à la tête vendredi soir alors qu’il tentait de protéger sa fille, également blessée par des tirs israéliens durant une manifestation organisée pour dénoncer «l’assassinat d’Adil al-Hashlamoun».

Si le nouvel arsenal répressif mis en place par le gouvernement Nétanyahou – et largement soutenu par l’opposition – satisfait la plus grande partie de l’opinion israélienne, il n’a aucun effet sur la rue palestinienne. Indépendamment de celles de dimanche matin sur l’esplanade des mosquées, les violences sont d’ailleurs quotidiennes dans les quartiers arabes de Jérusalem ainsi qu’en Cisjordanie.

Une troisième intifada ? Pas pour le gouvernement Nétanyahou qui s’obstine à ne voir dans ces violences qu’une «multiplication fortuite d’événements ponctuels». Un avis totalement opposé à celui de la majorité des commentateurs de la presse israélienne, pour lesquels «l’intifada urbaine» ou «l’intifada des pierres» a déjà commencé.

Avant de s’envoler pour New York où il s’adressera à l’assemblée générale de l’ONU le 30 septembre, Mahmoud Abbas a, en tout cas, mis Israël en garde contre l’éventualité d’un soulèvement incontrôlable. Quant au secrétaire général de l’OLP, Saeb Erekat, il déclare à l’envi que «Nétanyahou sera tenu pour responsable des crimes commis sous le couvert des nouvelles mesures répressives israéliennes».

ParNissim Behar, correspondant à Tel-Aviv

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