La Côte d’Azur meurtrie par les pluies diluviennes

Published 04/10/2015 in Politique

A Biot (Alpes-Maritimes), dimanche. Trois personnes âgées y sont mortes noyées dans la nuit de samedi à dimanche.

Récit

Les intempéries qui ont frappé des villes du littoral ont fait au moins 17 morts. Mercredi, l’état de catastrophe naturelle devrait être prononcé en Conseil des ministres.

A Antibes (Alpes-Maritimes), ce dimanche, les rayons du soleil percent à travers les nuages. La Brague est presque redevenue un ruisseau. C’est pourtant elle qui s’est transformée en torrent fou emportant tout sur son passage, noyant 450 bungalows sur le camping du même nom. C’est également ici qu’un corps a été retrouvé. Les intempéries qui ont dévasté la Côte d’Azur entre Mandelieu-la-Napoule et Nice, dans la nuit de samedi à dimanche, ont fait 17 morts et 4 personnes sont portées disparues.

En quelques heures, il est tombé l’équivalent des pluies de tout un mois d’octobre, soit 10 % des précipitations annuelles. «C’était l’apocalypse. On est habitués aux petites inondations, 20 voire 30 centimètres, mais là, c’est du jamais vu», raconte Henri Pauget, le propriétaire du terrain. L’homme d’une soixantaine d’années entraîne les visiteurs qui veulent bien le suivre dans sa maison située à l’entrée du camping, à plus de 100 mètres de la Brague. «Depuis l’ouverture, en 1956, c’est la première fois que l’eau et la boue entrent dans la maison, peste-t-il en montrant le sol jonché de terre et le papier peint taché jusqu’au bas des fenêtres. Mais le pire, c’était pour les clients. Ils étaient paniqués, les téléphones ne marchaient plus, les sirènes hurlaient. Ils ont eu peur et se sont réfugiés chez nous.» Parmi eux, une touriste néerlandaise, épuisée de nettoyer son bungalow. «Il y a 1 mètre d’eau et de boue à l’intérieur. Tout est bon pour la poubelle», explique-t-elle entre deux coups de raclette. D’un côté, le peu d’objets qu’elle a pu sauver. De l’autre, le reste qui partira à la benne. «Mais comme je suis propriétaire, je vais tout remettre en ordre pour revenir l’an prochain», assure-t-elle. Un discours qui redonne de l’espoir à Henri Pauget, pour qui la dernière «petite inondation» remonte à quatre ans. «Sur nos 450 mobil-homes, je pense que 400 iront à la casse. La remise en route va se faire petit à petit…»

Face à l’ampleur de la catastrophe qui a frappé la zone littorale du département des Alpes-Maritimes, François Hollande a effectué une visite sur place, accompagné de son ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Il s’est notamment rendu au camping de la Brague. «Courage. Tenez bon, les indemnités suivront», répète-t-il sans relâche aux vacanciers et locaux sinistrés qu’il croise dans les allées. Les propriétaires de bungalows, pour la majorité des étrangers en vacances sur la Côte d’Azur, sont surpris par la visite présidentielle. «Ça n’enlève rien au drame mais c’est réconfortant», dit l’un d’entre eux, assis sur sa seule chaise qui n’a pas été salie par la boue. «Samedi, on a perdu [au rugby, ndlr] face aux Australiens. Cette nuit, le déluge tombe du ciel et abîme notre bungalow. Heureusement que vous êtes là pour nous remonter le moral», tente de dédramatiser un résident anglais face au Président, qui esquisse un sourire.

«Vague»

Une heure plus tôt, le chef de l’Etat était à Biot, petite ville au-dessus d’Antibes, pour exprimer aux victimes et aux habitants de la commune «la solidarité de la nation» et remercier «les élus et les acteurs du secours qui se sont pleinement mobilisés». Au côté du ministre de l’Intérieur, il a annoncé que «le bilan n’est pas encore complet, c’est dire l’intensité de ce qui s’est produit». François Hollande a également évoqué le drame humain : «Je veux dire tout mon soutien aux familles qui sont concernées et en deuil. C’est l’heure de la reconnaissance, du recueillement.» Sur la seule commune de Biot, trois victimes sont à déplorer : des personnes âgées qui séjournaient dans la maison de retraite du Clos Saint-Grégoire sont mortes noyées samedi soir. «L’établissement a été submergé par une vague», rapporte le directeur des lieux, Jean-Christophe Romersi. «Je suis triste, seulement triste. La colère, ce n’est pas pour aujourd’hui, explique-t-il. L’eau et la boue sont montées rapidement. Sur nos 48 résidents, 20 dormaient au rez-de-chaussée.» Sauvés par l’aide-soignante et l’auxiliaire de vie qui étaient sur place, puis par les secours, ils ont été relogés. «Une cellule psychologique a immédiatement été mise en place», indique-t-il. Une situation que la maire du village a dû gérer dans la nuit. «On a subi des intempéries sans commune mesure. C’est du jamais vu à Biot, déplore Guilaine Debras. Trois des quatre vallons de la commune sont sortis simultanément de leur lit. C’est dans l’un d’eux que la maison de retraite se situe.» Outre la catastrophe humaine, le bilan matériel est considérable.

«Emotion»

A Biot, la célèbre verrerie accuse d’importants dégâts. Ses 25 salariés sont au chômage technique. Les autres commerces de la commune ont aussi été ravagés. Même constat dans d’autres villes du département comme Cannes, Antibes, Mandelieu…

Des élus, comme Eric Ciotti, président (LR) du conseil départemental des Alpes-Maritimes, évoquent une ambiance de fin du monde pour décrire le violent déluge. «Nous avons vécu une situation d’apocalypse que nous n’avons jamais connue», commente l’élu. A Cannes, les cumuls de pluie ont atteint près de 180 millimètres. «Je n’ose encore donner un bilan humain car je crains les découvertes des prochaines heures. Notre tristesse et notre émotion sont immenses»,déclarait dimanche sur les réseaux sociaux le maire de Cannes, David Lisnard, qui a indiqué que certains véhicules ont «été emportés jusqu’à la mer». Il a déclenché le plan communal de sauvegarde dès le milieu de la nuit de samedi. Ce dispositif mobilise forces de police, secours et services municipaux.

Le trafic ferroviaire, routier et autoroutier était encore partiellement ou totalement interrompu dimanche et, sur les 70 000 foyers privés d’électricité, 16 000 l’étaient encore en milieu d’après-midi. L’état de catastrophe naturelle, permettant un remboursement sous trois mois aux sinistrés, devrait être prononcé en Conseil des ministres mercredi, a annoncé le Président.

ParMathilde Frénois

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