Les avocats en grève bloquent le palais de justice de Lille

Published 20/10/2015 in France

Un avocat porte un masque du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, pendant une manifestation devant le palais de justice de Lille, dans le nord de la France, le 20 octobre 2015

Aide juridictionnelle

Environ 300 avocats en robe bloquent depuis ce matin le palais de justice de Lille pour protester contre le projet de réforme de l’aide juridictionnelle, qui permet aux plus démunis l’accès à la justice. Le principe d’une grève générale illimitée des barreaux va être proposé au vote vendredi.

Ils étaient environ 300 avocats en robe à bloquer ce mardi le palais de justice de Lille pour protester contre le projet de réforme de l’aide juridictionnelle (AJ). Du «jamais vu», selon la Voix du Nord.

Dès le début de la matinée, les avocats ont empêché l’accès au tribunal, afin qu’aucune audience ne puisse se tenir, mais aux alentours de midi, les forces de l’ordre ont «forcé le passage» pour que «neuf justiciables» puissent entrer dans le tribunal, a rapporté Vincent Potié, le bâtonnier de Lille, présent devant le tribunal.

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«La police a chargé et environ cinq avocats se sont fait molester», a indiqué Vincent Potié. Une version que conteste la police qui explique avoir dû «repousser les manifestants pour laisser le passage aux détenus pour qu’ils puissent entrer dans le tribunal», a affirmé une source policière. Des vidéos postées sur Twitter montrent des avocats tentant de résister à l’évacuation manu militari des accès du palais par les forces de l’ordre. Une photo montre également le bâtonnier de Lille à terre.

Le président du Conseil national des barreaux (CNB), Pascal Eydoux, a exprimé dans un communiqué «sa solidarité totale à l’égard de tous les confrères victimes d’agissements qui mettent en cause les principes fondateurs de la République» et a rappelé la «détermination» de la profession «à refuser tout compromis pour obtenir une vraie réforme de l’AJ».  Le CNB a également fait savoir que le principe d’une grève générale illimitée dans l’ensemble des barreaux serait proposé au vote de son AG prévue vendredi.

La Ligue des droits de l’homme a de son côté tenu «à apporter son plus profond soutien aux avocats qui sont le ciment d’un système judiciaire démocratique».

Selon le bâtonnier de Lille, le blocage a ensuite repris et devrait continuer jusqu’à 19 heures. «Taubira est foutue, le barreau est dans la rue !», «Macron démission !», scandaient les avocats. «Taubira m’a tuer» (sic), «Avocats écrasés par l’Etat», pouvait-on lire sur des pancartes. D’autres distribuaient du guacamole avec en légende : «avocat écrasé par l’Etat».

«Le mouvement s’amplifiera, sera de plus en plus radical et de plus en plus national tant que Mme Taubira ne retirera pas son projet et tant qu’elle ne formulera pas des propositions sérieuses, et non pas des propositions de mensonges», a prévenu Vincent Potié.

Christiane Taubira a annoncé qu’elle recevrait mercredi à midi les représentants de la profession.

 

Comme le rappelait Libération fin septembre, le système de l’aide juridictionnelle (AJ), fondé en 1972, repensé en 1991, permet aux plus démunis d’accéder aux services d’un avocat. L’Etat paye leur avocat, qu’il soit choisi ou commis d’office, selon un barème de rémunération dont les robes noires dénoncent depuis plusieurs années le faible niveau – le barème se fonde sur une unité de valeur (UV) qui correspond à une demi-heure de travail, et dont le tarif de 22,50 euros n’a pas bougé depuis 2007.

«Passage en catimini»

La garde des Sceaux a présenté une réforme de l’AJ qui prévoit notamment un relèvement du plafond de revenus des justiciables éligibles à l’aide juridictionnelle (1 000 euros contre 941 aujourd’hui), une refonte du barème de rémunération des actes et une participation des barreaux au financement. La Chancellerie prévoie augmenter le budget global de l’AJ, depuis longtemps sous-dimensionné, qui passerait de 375 millions d’euros à 405 millions en 2016, puis 445 millions en 2017.

Là où le bât blesse est que le ministère a prévu de faire participer les avocats à cet effort budgétaire. L’article 15 du projet de loi de finances voté jeudi prévoit, entre autres, un prélèvement de cinq millions d’euros en 2016 et dix millions d’euros en 2017 sur les intérêts de fonds placés dans les Carpa, des caisses qui gèrent l’argent détenu temporairement par les avocats pour le compte de leurs clients.

Les avocats réunis à Lille ont fustigé un «passage en catimini» de cet article. «Il y a une forme de désespérance à se dire que les personnes les plus démunies ne seront pas défendues», a de son côté déclaré Florian Borg, président du Syndicat des avocats de France (SAF). Le mouvement national de grève contre le projet de réforme de l’aide juridictionnelle était suivi lundi par 141 des 164 barreaux de France.

Par LIBERATION, avec AFP

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