A Bordeaux, une compétition pour changer de regard sur le handicap au travail

Published 26/03/2016 in France

La 9eme édition des Abilympics se tient depuis vendredi à Bordeaux.

reportage

La 9eme édition des Abilympics se tient depuis vendredi à Bordeaux. Quelque 600 candidats de 35 nationalités différentes s’affrontent dans ce championnat du monde des métiers des handicapés.

Le grand hall du parc des expositions de Bordeaux vibre comme une gigantesque ruche. De grands panneaux accrochés au plafond permettent de se repérer : d’un côté le pôle artisanat, de l’autre l’industrie, près de l’accueil les métiers des TIC (technologies de l’information et de la communication), puis l’alimentation et les services. Dans l’allée centrale, une foule hétéroclite se presse, se croise, s’interpelle. Les candidats de l’équipe de Macao reconnaissables à leurs survêtements blancs et verts ont garé leurs fauteuils devant un stand. Ils bavardent en attendant le début de leurs épreuves.

A côté, c’est une équipe de la télévision japonaise qui réalise un reportage sur la compétition. Partout, des collégiens et des lycéens de la Région venus en force assister aux épreuves se hêlent, se cherchent et se massent devant les stands des métiers les plus spectaculaires. Celui de la maintenance aéronautique fascine les plus jeunes. Un magnifique hélicoptère rouge trône au milieu. «Mais comment il est entré ?» s’interroge un pré-ado en admiration.

Dans la catégorie des TIC, Peggy Halna du Frettay vient de concourir dans l’épreuve de photographie studio. Sourde et souffrant d’un handicap neuro-musculaire, elle a longtemps hésité avant de s’inscrire aux Abilympics. «J’avais peur qu’on me remette dans des cases, explique-t-elle et puis j’ai compris que cela pouvait permettre de changer le regard sur les handicapés. C’est Patrick Estéban, le responsable métiers des Abilympics qui m’a convaincue. Et maintenant, je me surprends à devenir une militante du handicap.»

Peu habituée à la compétition, Peggy avoue avoir très mal dormi la nuit précédant l’épreuve. «Je ne sais pas si j’ai réussi mais j’ai fait ce que j’ai pu. Le problème, c’est qu’ils ont changé le sujet au dernier moment. On devait travailler sur une nature morte. Au départ, ce devait être la mascotte des Abilympics, une peluche. Je m’étais entraînée pour cela. Mais finalement, on nous a demandé de photographier le trophée, une sculpture. Et ce n’est pas du tout la même chose au niveau de l’éclairage. Alors, j’ai pris des risques, j’ai créé un jeu d’ombres avec un contre-jour.» Pour ne pas se laisser déconcentrer par le public qui se masse derrière les barrières, Peggy raconte dans un grand rire qu’elle a débranché son appareil auditif pendant l’épreuve. Une manière d’être «tranquille pendant la compétition.» A midi, la jeune femme peut enfin souffler, le concours est terminé pour elle.

Mais sur le stand d’en face, les candidats au concours d’illustration sont concentrés devant leur écran. Tablette graphique en main, ils zooment et peaufinent une ombre ou un détail. Pas question de les déranger. Il est formellement interdit de parler aux candidats durant les épreuves.

Afin de  promouvoir cette neuvième édition des Abilympics qui se tient pour la première fois en France, Myriam El Khomri, la ministre du Travail s’est déplacée pour donner le coup d’envoi. Après une visite aux différents stands, la ministre s’évertue à faire passer auprès de la presse, le message qu’elle est venue porter : «cette compétition est une occasion unique pour faire évoluer le regard des entreprises et des salariés du monde entier sur le handicap au travail.» Mais rien n’y fait, elle est bombardée de questions sur la la très controversée Loi Travail qui porte son nom et les derniers -et mauvais-  chiffres du chômage. A quelques mètres d’elle, cinq jeunes filles font bloc. Vêtues d’une combinaison moulante blanche, de bottes rouges et de perruques bleues, ce sont les mascottes de l’équipe de France. «On a ri nerveusement quand on a vu les tenues qu’on allait devoir porter» reconnaît l’une d’elles. Pour trouver un regard bienveillant, elles cherchent refuge auprès des délégations asiatiques. «Les Hong-Kongais, ne trouvent pas nos tenues choquantes. Ils ont l’habitude du cosplay. («costume» et «play» loisir qui consiste à jouer le rôle de personnages en imitant leur costume, leurs cheveux ndlr)»

A l’heure du déjeuner, c’est l’épreuve de pâtisserie qui remporte les suffrages du public. Quatorze candidats, tabliers blancs et toques sur la tête s’affrontent devant leur plan de travail. Impossible de deviner leur handicap. Tous ont l’air de maîtriser parfaitement leur sujet. «Ils ont cinq heures pour construire une pièce montée en sucre et en chocolat sur le thème du printemps» précise Giulia Civitarese, la juge canadienne de l’épreuve. «Ils doivent réaliser des éléments obligatoires comme des fleurs et des feuilles en chocolat, un oiseau en sucre soufflé et un ruban en sucre. Cela va être difficile de les départager, ils sont tous bien organisés. On ne sent pas de nervosité chez les candidats.» Difficile en effet de ne pas être ébloui devant la brillance du ruban vert mordoré confectionné par la candidate coréenne.

Toutes photos Abcyz

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