Michel Neyret : «Ce n’était pas un système»

Published 10/05/2016 in France

Michel Neyret au palais de justice de Paris, lundi 2 mai.

Justice

A la barre, l’ex-numéro 2 de la PJ lyonnaise a assumé sa stratégie consistant à récupérer une partie de la drogue issue des saisies pour payer des «indics» permettant de démanteler les réseaux, en dehors de tout cadre légal.

C’est le second volet du procès Neyret, celui qui vaut à l’ancien numéro 2 de la PJ lyonnaise d’être renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour «trafic de stupéfiants» et «détournement de scellés». L’ex-commissaire, qui risque dix ans de prison, est accusé d’avoir sollicité en 2011 plusieurs collègues policiers afin de récupérer une partie de la drogue issue des saisies, et ainsi de pouvoir payer des «indics» en dehors du cadre légal. Lors de l’enquête judiciaire, plusieurs policiers ont témoigné de ces demandes insistantes, confirmées par une flopée d’écoutes. A l’époque, personne n’ose s’offusquer des requêtes du «grand flic». La seule qui s’oppose ouvertement à ses méthodes est qualifiée de «psychorigide» par Neyret.

Mais à la barre, l’ex-star de l’antigang assume parfaitement sa stratégie «borderline». Obsédé par le «résultat», il répète n’avoir toujours eu qu’un seul objectif : obtenir des «renseignements efficaces» pour faire tourner le service et tomber des réseaux. Alors que dans le volet «corruption» abordé au début de son procès, Neyret a admis des imprudences avec certains informateurs («Je reconnais que j’ai été victime d’une certaine manipulation»), il assume cette fois l’ensemble de ses actes.

«Affaires magnifiques»

A partir de mi-2010, a-t-il expliqué, son service a réussi à recruter deux indics de haut vol, qui parviennent à infiltrer un important réseau criminel. En à peine six mois, les informations de ces précieux «tontons» permettent à la PJ lyonnaise de réaliser trois saisies de cannabis supérieures à une tonne, des «affaires magnifiques». Il est alors impératif de «fidéliser» rapidement ces informateurs. Mais «les primes allouées étaient insuffisantes», a expliqué Neyret pour justifier ses nombreuses sollicitations auprès de ses subordonnés. «Une demande ponctuelle, ciblée, a-t-il insisté. Ce n’était pas un système comme j’ai pu le lire.» C’est pourtant bien ce système présumé qui vaut à trois autres fonctionnaires de police d’être assis à ses côtés sur le banc des prévenus.

Parmi eux, Christophe Gavat, 49 ans, ancien directeur de la PJ de Grenoble, poursuivi sur la base de deux simples écoutes téléphoniques. «Moi, je me mets d’accord avec tout le monde, Michel, lâche-t-il sur l’une d’elles. Je suis pas chiant pour ça. Si la méthode consiste à garder un petit peu et filer à qui de droit, y’a pas de souci, hein.» Cheveux poivre et sel et barbe de trois jours, Christophe Gavat avance à la barre, cintré dans son costume gris. «Je suis commissaire, pas délinquant», attaque-t-il d’une voix tremblante avant d’évoquer un «tsunami personnel». «Cette affaire a dévasté ma carrière et ma famille.» Face aux demandes insistantes de Michel Neyret, son supérieur hiérarchique, Gavat s’est trouvé face à un dilemme. «Soit dénoncer mon chef, soit faire semblant d’acquiescer.» Avec son adjoint à la PJ de Grenoble, sollicité lui aussi, le commissaire aurait donc fait croire à Neyret qu’une partie de la drogue avait bien été détournée. «Pourquoi ne pas avoir dit la vérité ?», interroge le président du tribunal, Olivier Geron. «J’ai pas eu le courage de lui dire non», s’excuse Gavat.

Pas plus que le capitaine Jean-Paul Marty, 52 ans. Colosse au crâne rasé et au bouc finement taillé, cet ancien des stups de Lyon est le seul à avoir reconnu une remise de drogue à Neyret. Trois savonnettes «oubliées» lors d’une saisie de 296 kilos de résine de cannabis, et conservés ensuite dans une armoire. «Ça m’était complètement sorti de la tête jusqu’à sa demande», a-t-il raconté à la barre. Avant d’expliquer avoir finalement remis la drogue à Neyret, «pour donner le change et m’enlever la pression». «On va mettre les pieds dans le plat, l’interrompt le président du tribunal. Cette pratique qui consistait à détourner des produits stupéfiants pour rémunérer des indics n’est pas apparue en 2011 ?» «Pour moi, c’était la première fois», rétorque benoîtement le policier, avant d’insister face au regard sceptique du président : «Jamais entendu parler avant.»

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