Orlando : «Certains disent vouloir nous tuer comme cet homme a tué»

Published 14/06/2016 in Planète

Muhammad Musri, président de la Société ­islamique de Floride centrale, s’adresse aux journalistes après la tuerie d’Orlando, dimanche.

Reportage

En Floride, après le massacre et les déclarations outrancières de Trump, beaucoup de musulmans redoutent d’être pris pour cibles.

La photo de son bras perfusé a été vue près de 400 000 fois sur Facebook. Dimanche, quelques heures après l’attaque contre la boîte gay Pulse à Orlando, Mahmoud el-Awadi a donné son sang. En plein jeûne du ramadan, cet Américain d’origine égyptienne, cadre de la banque d’investissement Merrill Lynch, n’a pas hésité à patienter des heures, dehors, par plus de 33 degrés.

Un acte citoyen mais aussi militant : «Oui, notre communauté a le cœur brisé, mais laissons nos couleurs, religions, ethnicités, orientations sexuelles et opinions politiques de côté pour nous unir contre ceux qui tentent de nous faire du mal.» La communauté musulmane du centre de la Floride, forte d’environ 100 000 personnes, redoute des représailles après l’attaque menée par Omar Mateen, qui a prêté allégeance à l’Etat islamique. «Depuis dimanche matin, nous avons déjà reçu des centaines d’appels et de messages d’insultes ou de menaces. Certains disent vouloir nous tuer comme cet homme a tué ces gens», confie l’imam Muhammad Musri, président de la Société islamique de Floride centrale.

Prudence. La sécurité a été renforcée autour des mosquées, dont les responsables sont en contact étroit avec les autorités locales et le FBI. L’imam Musri a, en outre, appelé ses fidèles à la prudence : «Nous demandons aux gens d’éviter tout déplacement inutile jusqu’à ce que les choses se calment. En particulier pour les femmes voilées, parce qu’elles sont facilement identifiables.»

Après les attentats de Paris et de San Bernardino, en fin d’année, les crimes islamophobes avaient triplé aux Etats-Unis. Conséquence notamment, analysent certains, de la rhétorique incendiaire de Donald Trump et de sa proposition d’interdire temporairement l’entrée aux Etats-Unis à tous les musulmans. «Ses commentaires précédents ont généré des réactions négatives, assure Muhammad Musri. L’une de nos mosquées dans la région a été vandalisée, plusieurs personnes ont été attaquées et harcelées.»

Avec le massacre d’Orlando, le candidat républicain s’estime toutefois légitimé. Déterminé à faire glisser la campagne présidentielle sur le terrain de la peur, il a prononcé lundi un discours truffé d’imprécisions, d’exagérations et de contre-vérités. Accusant par exemple sa rivale, Hillary Clinton, de vouloir «autoriser les terroristes islamistes radicaux à affluer» sur le sol américain. «Nous ne pouvons pas continuer à laisser entrer des milliers et des milliers de personnes dans notre pays, dont beaucoup pensent de la même façon que ce tueur sauvage, a martelé Trump. Quand je serai élu, je suspendrai l’immigration en provenance de régions du monde ayant un passé avéré de terrorisme contre les Etats-Unis, l’Europe ou nos alliés, jusqu’à ce que l’on comprenne pleinement comment mettre fin à ces menaces.»

Dénonciation. Alors que la course à la Maison Blanche vit sans doute un tournant, l’argument du magnat de l’immobilier est simple : la menace jihadiste est extrême, Barack Obama et Hillary Clinton sont faibles, je suis le seul à pouvoir diriger l’Amérique «à l’ère du terrorisme». «Si nous ne devenons pas rapidement sévères et intelligents, nous n’aurons bientôt plus de pays. Il n’en restera rien, absolument rien», a-t-il ajouté, dramatique et outrancier.

En plus de la fermeture des frontières, Donald Trump prône une surveillance accrue des musulmans vivant dans le pays. Il accuse les Américains de cette confession de ne pas signaler aux autorités les personnes radicalisées au sein de leur communauté. Cet appel à davantage de dénonciation préoccupe vivement l’imam Musri : «Quand quelqu’un de la stature de M. Trump s’exprime, il devrait faire très attention au choix de ses mots. Parce que certaines personnes peuvent mal interpréter ses propos, prendre eux-mêmes les choses en main et mener des actions violentes.»

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