Un «sursaut» pour l’UE et… pour Hollande ?

Published 24/06/2016 in France

François Hollande le 24 juin à Paris.

Brexit

Le Président veut profiter du Brexit pour relancer l’Union. Voire se relancer lui-même. Mais la chancelière allemande, qu’il rencontre lundi, temporise.

A toute chose malheur est bon. Si personne dans l’entourage du chef de l’Etat n’ose se réjouir à haute voix de ce Brexit, chacun à l’Elysée fait le même calcul : rien de tel qu’une crise de cette ampleur pour remettre en orbite présidentielle un François Hollande englué depuis des semaines dans le conflit sur la loi travail. Son agenda a été immédiatement bouleversé. La totalité du week-end et le début de la semaine prochaine seront consacrés à la gestion du Brexit et à ses conséquences politiques. Vendredi, après une réunion de crise à l’Elysée et avant de convoquer un Conseil des ministres extraordinaire, Hollande a, dans une déclaration de sept minutes, appelé solennellement à un «sursaut» européen. Le ton est grave. Et pour une fois, le terrain lui convient, lui l’Européen convaincu. Le chef de l’Etat souhaite placer la France au centre d’une hypothétique relance européenne, assurant qu’il sera «à l’initiative». Son diagnostic, sans être vraiment neuf, est sans concession. «La décision britannique exige aussi de prendre lucidement conscience des insuffisances du fonctionnement de l’Europe et de la perte de confiance des peuples sur le projet qu’elle porte. Le danger est immense face aux extrémismes et aux populismes […]. L’Europe, pour aller de l’avant, ne peut plus faire comme avant.»

Aller vite

Après avoir échangé, vendredi après-midi, avec les présidents du Sénat et de l’Assemblée – où un débat sans vote se tiendra mardi -, Hollande reçoit samedi à l’Elysée tous les chefs de partis, dont Le Pen. Puis, lundi, il sera à Berlin pour s’entretenir avec Angela Merkel, Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien, et Donald Tusk, le président du Conseil européen. Le plus dur commencera alors. Car une fois encore, Merkel et Hollande ne sont pas sur la même longueur d’onde. Ni sur la gestion du Brexit ni sur le chemin pour relancer la construction européenne.

Sur les modalités du divorce avec le Royaume-Uni, Hollande veut aller vite. Le plus vite possible. «Les procédures prévues par les traités seront rapidement appliquées, c’est la règle et c’est la conséquence […]», a déclaré le Président. Aller vite pour faire de ce Brexit un cas d’école qui servira d’avertissement aux opinions publiques (notamment française), tentées par l’aventure du référendum. Histoire d’enfoncer le clou, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a déclaré quelques heures plus tard, sur le perron de l’Elysée, que le chef de l’Etat «demande que l’application des règles pour la sortie se fasse dans les délais les plus courts».

Le problème, une fois de plus, c’est que quelques minutes plus tôt, Merkel préconisait un autre tempo : «Il ne faut pas tirer des conclusions rapides et simples du référendum en Grande-Bretagne qui diviseraient encore plus l’Europe.» Selon elle, les pays européens doivent «analyser la situation avec calme et retenue, l’évaluer, et ensuite prendre ensemble les bonnes décisions» (lire page 11). Ainsi avance ce drôle de couple. Le plus pressé des deux n’étant pas forcément celui que l’on croit. Comme souvent sur beaucoup de dossiers européens (à l’exception notable de celui des migrants), Merkel fait du Hollande. Elle veut gagner du temps, tergiverse. C’est en tout cas comme cela que l’on veut voir la chancelière chez les partisans du Président : «Aujourd’hui, c’est Paris qui pousse et Berlin qui, encore, temporise», estime un fidèle de Hollande.

La bataille sur l’avenir de l’Union ne sera pas moins difficile. Vendredi, Hollande a avancé quatre pistes de travail : «La sécurité et la défense de notre continent pour protéger nos frontières […], l’investissement pour la croissance et pour l’emploi […], l’harmonisation fiscale et sociale […], enfin, le renforcement de la zone euro et de sa gouvernance démocratique.» Et surtout une méthode : «L’Europe doit porter des projets et non pas se perdre en procédures. Elle doit être comprise et contrôlée par ses citoyens.» Autant dire qu’il ne faut pas s’attendre à un big bang institutionnel dans les jours qui viennent.

«Rien de bouge»

Cela fait presque trois ans que le couple Hollande-Merkel tourne autour d’une hypothétique relance du projet européen. Plusieurs fois annoncée, à chaque fois repoussée. Tout est pourtant sur la table depuis des mois : renforcement de l’Europe de la défense, relance d’une Europe de l’énergie, constitution d’un gouvernement de la zone euro avec un vrai budget… Mais rien ne bouge. Berlin a longtemps posé comme condition à toute évolution substantielle de l’architecture européenne une modification des traités. Ce que Paris a toujours refusé. Pour une raison simple : une modification des traités pourrait difficilement se passer d’un référendum. Et donc grande chance (pour ne pas dire certitude) de le perdre. «Le débat européen s’est trop longtemps concentré sur les moyens et pas sur les buts à atteindre. C’est ce que l’on veut inverser aujourd’hui», justifie-t-on à l’Elysée, où on veut croire que «les Allemands vont changer d’état d’esprit. Ils ont bien vu ce que cela donne quand on fait un référendum».

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