L’Etat en partie responsable de la mort d’un soldat tué par Merah

Published 12/07/2016 in France

Le 21 mars 2012, ses camarades portent le cercueil d’Abel Chennouf lors de ses funérailles à Montauban.

Justice

Le tribunal administratif de Nîmes, saisi par les parents d’un militaire tué par le terroriste toulousain, a rendu une décision pointant une faute des services de renseignement dans la surveillance de Mohammed Merah.

L’État s’est rendu coupable de négligence dans la surveillance de Mohammed Merah, assassin en mars 2012 de trois militaires et de trois enfants juifs et d’un père de famille à Toulouse et Montauban. Dans sa décision rendue ce mardi, le tribunal administratif de Nîmes (Gard) a en effet jugé l’État responsable en partie responsable de la mort d’Abel Chennouf, soldat du 17e régiment parachutiste de Montauban tué par Mohammed Merah le 15 mars 2012 : «La responsabilité de l’État est susceptible d’être engagée pour faute simple des services de renseignement dans l’exercice de leur mission de prévention des actions terroristes et de surveillance des individus radicaux».

Retour en arrière : le 14 novembre 2011, en début d’après-midi, quatre mois avant qu’il assassine des militaires et des enfants juifs à Toulouse et Montauban, Mohammed Merah, de retour du Pakistan, est convoqué à un «entretien administratif» au siège toulousain de la Direction générale de la sécurité intérieure (DCRI). Ses propos sont enregistrés, mais ils n’ont aucune incidence judiciaire. Ce dernier, fiché S «islamiste radical» depuis 2006 et «objectif prioritaire» de la DCRI au vu de ses récents déplacements sur «zones» (Afghanistan et Pakistan), n’est en effet soumis à aucune mesure administrative, comme l’assignation à résidence par exemple.

En 2011, Merah s’expliquait sur ses «séjours touristiques»

Les deux policiers de Levallois-Perret, où se trouve le siège de la DCRI, et le brigadier Hassan L. de Toulouse, sont là pour évaluer Mohammed Merah dans le but de le recruter. C’est donc, à la cool, allongé sur une table, pour cause d’hépatite contractée un mois plus tôt au Pakistan, que Merah s’explique sur ses séjours «touristiques» en Afghanistan et au Pakistan. «Tranquille», il enfume les policiers de la DCRI en faisant défiler sur son ordinateur portable, ses photos des Bouddhas de Bâmiyân (Afghanistan) et de la mosquée rouge d’Islamabad (Pakistan). Il va même prétendre être allé au Pakistan pour y chercher une épouse.

Les «recruteurs» de la DCRI ne savent pas que leur interlocuteur s’est en réalité rendu à Miranshah, un fief taliban du Waziristan, près de la frontière avec l’Afghanistan. La NSA l’y avait pourtant repéré, via l’activation de deux de ses adresses internet. Les Américains avaient bien transmis l’information à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), qui a «omis» cependant de la faire suivre à la DCRI.

Faute de ces éléments, les analystes de la centrale de Levallois jugeront que «l’entretien n’a pas permis de faire le lien entre Mohammed Merah et un éventuel réseau jihadiste». Tout en envisageant son recrutement au vu de «son profil de voyageur pouvant présenter un intérêt pour notre thématique». La manip n’ira pas plus loin, les policiers toulousains de la DCRI jugeant Mohammed Merah peu fiable et trop instable pour ce rôle. Néanmoins sa surveillance jugée jusqu’ici «prioritaire» sera interrompue.

Elle reprendra le 20 mars 2012, 24 heures après la tuerie des enfants juifs de l’école Ozar Hatorah.

Par

Print article

Leave a Reply

Please complete required fields